Le réseau urbain médiéval et moderne


Elisabeth Zadora-Rio

Carte 1

Pour déterminer si une agglomération peut être considérée comme une ville au Moyen Age, on dispose d'indicateurs permettant d'estimer sa place dans les réseaux d'autorité administrative, civile ou religieuse, son rôle économique (production et échanges) et son poids démographique (Galinié, Royo 1992-1997). Aucun d'entre eux ne suffit, à lui seul, à définir la ville : c'est leur accumulation qui est significative, dans la mesure où elle révèle un embryon d'organisation complexe. Le classement obtenu permet de répartir les agglomérations secondaires en trois groupes derrière Tours, capitale régionale depuis le Haut-Empire, qui occupe le premier rang.

La carte montre que les villes qui occupent le second rang sont toutes situées au sud de la Loire, à une distance de l'ordre de 25 à 50 km de Tours. Les agglomérations de rang 3 sont situées au-delà de cette couronne, au sud-ouest, le long des vallées de la Vienne et de la Claise, et sont séparées par des distances de 15 à 25 km. Au nord de la Loire, à part Langeais et Luynes, seules sont présentes des agglomérations de rang 4, qui atteignent à peine le seuil de l'urbain. Le déséquilibre de part et d'autre de la Loire est frappant : toutes les agglomérations secondaires d'une certaine importance sont situées au sud, alors que le nord, au-delà de la Vallée, apparaît comme un désert urbain.




Carte 2

L'administration royale qui s'est progressivement imposée à partir de la fin du Moyen Age s'est appuyée sur le réseau urbain médiéval dont elle a renforcé la hiérarchisation.

Le maillage urbain médiéval a donc persisté sans grand changement jusqu'à nos jours, puisqu'on n'observe aucune disparition et une seule création, à l'époque moderne, celle de la ville de Richelieu, qui n'a pas entraîné de modification importante du système urbain. Cette stabilité du réseau urbain en Touraine révèle le poids des situations acquises depuis l'Antiquité, et la permanence de la géographie du pouvoir.




Document 1




Document 2




Document 3

Le château de Preuilly, construit par Hugues l'Abbé entre 866 et 878, occupe un éperon barré au-dessus de la Claise. La fondation par le seigneur châtelain de l'abbaye Saint-Pierre, située près de la rivière, a été confirmée par un diplôme du roi Robert le Pieux, daté de 1008, qui confère au nouveau monastère la possession de l'église castrale Saint-Mélaine dont les vestiges subsistent au sommet de l'éperon. En 1099, le pape Urbain II confirma à l'abbaye de Preuilly la possession de deux autres églises, Notre-Dame-des-Echelles, figurée sur le plan au pied du château, et Saint-Nicolas, qui a disparu. La présence d'une quatrième église, Sainte-Marie-Madeleine du Bourg Neuf, est mentionnée en 1184 dans une charte de confirmation de l'archevêque de Tours en faveur de l'abbaye, qui atteste par la même occasion l'existence d'un bourg. L'église Saint-Nicolas et l'église Sainte-Marie-Madeleine ont été à l'origine de faubourgs qui forment des excroissances identifiables sur le plan de 1813, le premier au sud-ouest, le long de la rue Saint-Nicolas, au-delà de la place du marché, et le second au sud-est, de l'autre côté de la Claise.




Document 4

Le castrum de Loches, dont l'existence est attestée dès le 6e s., est passé aux mains de la dynastie comtale angevine dès la fin du 9e ou le début du 10e s. La tour-maîtresse, dont la construction est datée désormais des années 1012-1035 (Lorans 2013) est située dans une vaste enceinte de 4 ha qui abrite également une collégiale fondée pour 12 chanoines à la fin du 10e s. par le comte d'Anjou Geoffroi Grisegonelle. Une seconde enceinte, qui, dans son état actuel, date de la fin du Moyen Age, protégeait l'agglomération établie au pied de l'éperon (Lorans 1996 : 60).




Document 5

Le château fondé par le comte d'Anjou Foulque Nerra (987-1040) devait être situé à la pointe de l'éperon, où subsistent les vestiges d'une forteresse de la fin du Moyen Age près de l'église Sainte-Maure. Celle-ci était comprise dans l'enceinte castrale dont le tracé est lisible sur le plan cadastral de 1827. Peu après le milieu du 11e s. le seigneur de Sainte-Maure donna à l'abbaye orléanaise de Saint-Mesmin de Micy un terrain compris entre les fossés du château et la rivière pour y construire une église dédiée à saint Mesmin et y fonder un bourg. Par le même acte, il leur octroya également des droits de pacage dans les forêts voisines, des franchises de coutumes et la police du marché. Vers 1087, le même seigneur donna à l'abbaye de Noyers un terrain pour y construire une église dédiée à saint Michel avec trois arpents de vignes situés entre l'église et le château pour y fonder un bourg dont les habitants seront exemptés de service militaire et bénéficieront de certaines franchises (Cartulaire de Noyers n°139).




Document 6

Le château de La Haye, mentionné dès le 9e s., a disparu aujourd'hui, mais le tracé d'une double enceinte de fossés est visible sur le plan cadastral de 1833 au sud du pont : l'enceinte intérieure délimitait le château proprement dit, et l'enceinte extérieure la basse-cour, qui englobait l'ancienne église paroissiale Notre-Dame dont la possession a été confirmée à l'abbaye de Preuilly par l'archevêque de Tours en 1155. L'église Saint-Georges, située au nord du château et de la basse-cour, était le siège de la seconde paroisse de La Haye, qui relevait également de l'abbaye de Preuilly. Les deux bourgs qui sont mentionnés au 11e s. appartenaient à l'abbaye de Noyers, tandis que le prieuré et l'église Sainte-Marie-Madeleine, fondés vers 1060 près du marché, relevaient de l'abbaye de Beaulieu-les-Loches. L'enceinte de la ville de La Haye, « close d'ancienneté de grandes douves et fossés » selon un aveu de 1580, n'a pas laissé de trace dans le parcellaire.




Document 7

Le château, mentionné pour la première fois en 988, ainsi que l'église Saint-Pierre, étaient situés dans l'île sur la Vienne et ont entièrement disparu. L'agglomération s'est étendue dès les 11e-12e s. de part et d'autre de la Vienne, dans le prolongement des ponts qui reliaient l'île aux deux rives. Sur la rive droite, l'abbaye de Noyers reçut entre 1067 et 1071 un terrain « entre trois voies » pour y fonder un prieuré et un bourg, et peu après une autre parcelle pour y construire l'église Saint-Gilles. Bouchard, seigneur de L'Ile, confirma la donation et donna aux moines les coutumes et l'exercice de la justice sur les habitants du bourg qu'il exempta de service militaire, sauf pour la défense du château. Il leur accorda aussi le droit d'établir une foire pour la fête de Saint-Gilles. L'acte de fondation est particulièrement solennel puisqu'il fut approuvé par le comte et que l'archevêque de Tours bénit lui-même trois pierres qui furent placées dans les fondations de l'église (Cartulaire de Noyers, n°51). Sur la rive gauche, l'agglomération s'est étendue autour des églises Saint-Maurice, Saint Léonard et Saint-Ambroise. Les deux premières étaient associées à des bourgs mentionnés au 12e s. Deux autres bourgs, non localisés, sont attestés : le « bourg neuf » cité en 1113 et le « bourg de la Chaîne » mentionné en 1189-1199. Une enceinte, identifiable sur le plan cadastral de 1833, entourait la partie de l'agglomération située en rive droite de la Vienne (Moreau 2010). L'implantation du couvent des Cordeliers date de 1634.




Document 8

En 1631, le cardinal de Richelieu obtint de Louis XIII, par lettres patentes, l'autorisation de fonder une ville close près du château qu'il faisait édifier sur son lieu de naissance. La ville, comme le château, fut conçue par l'architecte Lemercier. Les travaux furent réalisés en un temps record : commencés peu après 1631, ils furent achevés, pour l'essentiel, avant la mort du cardinal en 1642.

Le plan de la ville, entourée d'un mur d'enceinte flanqué de fausses tours et ceinturé de fossés, est parfaitement régulier. Les rues, qui se croisent à angle droit, délimitent des îlots divisés en parcelles dont le module de base est de dix toises (environ 19,50 m) (Toulier 2005 : 208-217). L'axe principal, orienté nord-sud et long de 294 toises (environ 575 m), est constitué par la Grande Rue qui mène, à son extrémité sud, à la porte du Château (ou de Châtellerault), et à son extrémité nord, à la porte de Chinon (ou de Paris). Elle traverse deux places carrées de 46 toises (environ 90 m de côté) disposées symétriquement devant chacune des portes : la place du Marché, près de la porte du Château, au sud, sur laquelle se trouvaient l'église à l'ouest et les halles à l'est, et la place Royale (aujourd'hui place des Religieuses), où étaient situés les bâtiments donnés à la Mission Saint-Vincent-de-Paul ainsi que l'Académie, où devaient enseigner trente professeurs et maîtres divers, mais qui n'eut qu'une existence éphémère : ouverte en 1640, elle fut fermée en 1642 à la mort du cardinal (Maillard 2002).




mentions légales | Haut de page

Contact
Sommaire
Auteurs
Glossaire
Bibliographie générale
Recherche