La ville actuelle s'étend au-delà de la Loire vers le nord et au-delà du Cher vers le sud. L'espace urbanisé ancien était limité à la rive gauche de la Loire, et son étendue ne dépassait guère les limites de l'enceinte du 17e siècle dont le tracé subsiste encore dans le réseau viaire actuel (à l'intérieur du rectangle rouge).
Tous les plans suivants, reportés sur le fond cadastral actuel à l'exception du dernier, s'inscrivent dans cet espace.
La découverte récente d'un important établissement clos du 2e siècle av. J.-C. pose la question d'antécédents gaulois à la ville romaine de Caesarodunum créée au tournant de notre ère même si une solution de continuité paraît encore établie car les témoins du 1er siècle avant J.-C. restent rares. Il ne peut plus être exclu que leur profondeur d'enfouissement soit une cause de leur méconnaissance.
L'occupation gauloise attestée est localisée dans l'ouest de l'emprise urbaine historique dans un secteur à l'hydromorphie patente à l'époque romaine.
Chef-lieu de la cité des Turones, Caesarodunum est une ville ouverte. Sa superficie est de l'ordre de 40 ha densément bâtis le long du fleuve, à quoi s'ajoute une autre soixantaine d'hectares au tissu plus lâche. Les découvertes récentes ont mis au jour, au centre de la ville, un pont au nord et des thermes au sud, là où devait se trouver le centre civique (forum). Des monuments publics (thermes au sud et au nord-est, amphithéâtre, temple), une trame viaire témoignent d'un programme urbanistique. L'architecture privée est de niveau moyen, sans réalisations luxueuses. Des nécropoles assez éloignées de la zone densément urbanisée indiquent un décalage entre le projet urbain et la réalité. La rétraction de la ville commence vers 200, des franges vers le fleuve.
Au 3e siècle, l'amphithéâtre fut transformé en forteresse. Quatre phénomènes majeurs marquent le siècle suivant :
- la construction d'une ville close de 9 ha selon un nouveau programme urbanistique, appuyé sur l'amphithéâtre fortifié et sur le transfert du pont et accompagné du démantèlement des monuments publics de la ville ouverte ;
- la promotion de Tours au statut de chef-lieu de la province de IIIe Lyonnaise,
- le début de la christianisation de l'espace urbain,
- un changement profond des modes de vie.
Les deux premiers inscrivent Tours pour longtemps comme chef-lieu administratif. Le troisième renforce la distinction entre espace des vivants et espace des morts avec l'installation de la cathédrale intra muros et celle de basiliques funéraires extra muros à distance. Ces phénomènes s'inscrivent dans une tradition urbanistique et architecturale héritée de l'Antiquité et marquent le tissu urbain par des réalisations pérennes. Dans le même temps se révèlent des modes d'habiter différents, liés en partie à l'arrivée de populations migrantes et/ou à la résurgence de pratiques ancestrales, marquées par des habitats à architecture de bois et de terre, vraisemblablement par des modes distincts d'appropriation du sol, très difficiles à cerner, ce qui amplifie l'impression de déclin urbain au détriment de la perception du changement.
Du fait des écrits de Grégoire de Tours, l'équipement religieux de la ville est le mieux connu de Gaule. Il est renforcé, dans la Cité comme à l'extérieur. La promotion du culte de saint Martin par les évêques assure à Tours un rayonnement important et favorise le développement d'une nébuleuse autour de la tombe du saint, à l'écart de la Cité.
Tours est promu métropole ecclésiastique. Si la ville n'est jamais le siège d'un royaume mérovingien, elle accueille des officiers royaux. Évêques et comtes maintiennent le rôle de chef-lieu.
Le pôle occidental bénéficie du rayonnement de saint Martin, des ressources qu'assurent les donations aux moines et de la protection royale. Ce pôle s'émancipe peu à peu de la tutelle épiscopale et comtale à partir du 7e siècle.
Vers 800, le monastère Saint-Martin, avec deux cents frères, leur entourage, les pèlerins et l'infrastructure que cela engendre est devenu une agglomération dont le fonctionnement est en grande partie assuré par la rente d'un très grand domaine foncier. Les incursions normandes de la seconde moitié du siècle mettent un frein au développement en cours. La Cité demeure le siège de l'autorité civile et ecclésiastique.
Au début du siècle (918), Saint-Martin est muni d'une enceinte protégeant le monastère qui en occupe la moitié sud, mais aussi des laïcs auxquels est réservée la moitié nord. Le castrum est entouré d'un suburbium (territoire propre) qui forme un couloir d'accès à la Loire. Ce faisant, les gens de Saint-Martin échappent à tout contrôle local (police, taxes) et créent de fait une agglomération indépendante de Tours. Pour plusieurs siècles existent dorénavant deux entités: Tours (la Cité) d'une part, Châteauneuf de l'autre. Cette distinction est renforcée d'une partition spatiale par la restauration en 943 du monastère de Saint-Julien qui, doté d'un vaste espace foncier, crée un espace voué à la culture (vignes, céréales...) entre Cité et Châteauneuf.
Une croissance différentielle est sensible entre la Cité et Châteauneuf. La distribution des paroisses et des bourgs souligne cette différence, de même que la structure du réseau viaire. Ce réseau, dense et tourné vers l'extérieur (le fleuve) à Châteauneuf, est très faible dans le centre autour de Saint-Julien, à peine plus dense dans la Cité et son nouveau bourg, ignorant le fleuve.
La Cité conserve son rôle de chef-lieu politique et religieux, alors que Châteauneuf concentre les activités développées autour du commerce.
L'installation de couvents mendiants (Jacobins et Cordeliers au début du 13e s., Carmes et Augustins au début du 14e s.) est un bon indice du rang tenu par Tours et Châteauneuf qui font alors partie des grandes villes du royaume. Ces couvents s'installent dans le centre, à proximité immédiate de la Cité et de Châteauneuf. Une quinzaine de paroisses desservent l'agglomération : neuf à Châteauneuf, six à Tours (centre et Cité). L'occupation se densifie au centre le long des voies; un marché y est créé pour Tours. Le début d'une jonction des deux agglomérations se concrétise.
Au milieu du 14e siècle, une enceinte réunit les deux agglomérations, soit une cinquantaine d'hectares. En 1462, la création d'une municipalité entérine la réunification de la ville et de ses habitants. Capitale du royaume au 15e siècle, Tours bénéficie de la présence royale, principalement dans la finance publique ou privée; un grand négoce fragile est mis en place, destiné à concurrencer Lyon, mais il était trop lié à la cour pour survivre à son départ au début du 16e siècle. Manufactures d'armes, de broderie, d'orfèvrerie n'eurent aussi qu'un temps. Seule, l'industrie de la soie fut établie durablement et pourvut la ville d'une réelle fonction développée, à une échelle régionale.
Du temps de Tours capitale, le projet d'une vaste enceinte fut conçu vers 1520. Il ne fut achevé qu'un siècle plus tard, couvrant 175 ha, enveloppe vide au-delà des murs du 14e siècle, comme le montre le plan dressé vers 1670 (document 1). S'y installèrent les couvents de la Contre-Réforme de même que des hôtels particuliers qui avaient déjà colonisé l'espace de l'ancien centre autour du monastère de Saint-Julien dès 1450. Les rares percements de rues marquent une absence d'urbanisme dans une ville peu commode. Depuis le 15e siècle, l'endiguement de la Loire entre des levées accroît le problème des crues. La nouvelle enceinte sert de digue.
Le cadastre du 19e siècle, levé vers 1830 et modifié à diverses reprises, est le premier plan géométral, détaillé et complet de la commune. Il présente le découpage parcellaire utile alors à l'établissement des taxes foncières. Il constitue de plus la source principale pour l'étude de la ville pré-industrielle dont il dresse l'état.
Limité ici, dans sa présentation, à la partie intra muros de l'enceinte du 17e siècle, le plan met à plat, comme tous ses semblables, l'épaisseur historique de la ville qui reste à déchiffrer. En effet, il met par définition sur le même plan des éléments de toutes époques qui ont été maintenus en usage ou fossilisés. En cela, il est anachronique en ce qu'il pratique la confusion des époques. A l'inverse, ce qui avait disparu a été ignoré puisque, document fiscal, le plan n'avait pas d'ambition historique. Tel qu'il est, il dirige et égare l'observateur.
Ce que l'on y voit :
- la structure de la ville, marquée par le système viaire et par la densité du découpage parcellaire, selon trois zones distinctes : la cité à l'est, les terres de Saint-Julien au centre et le secteur martinien, Châteauneuf, à l'ouest.
- les enceintes urbaines du 4e siècle et du 17e siècle clairement inscrites ; celle du 14e siècle lisible par tronçons.
- le basculement de l'axe de la ville engendré par la création de la méridienne (Pont de pierre et rue Nationale).
- l'ouverture ou l'élargissement de rues (rue des Halles, rue Descartes, rue et Place de la Victoire ...)
- les places créées par suppression du bâti.
- les quais de Loire de la fin du 18e siècle.
- la cathédrale.
- l'amphithéâtre antique.
Ce que l'on n'y voit pas :
- l'héritage de la ville ouverte antique (1er-4e siècle).
- les opérations d'urbanisme ou d'organisation de l'espace.
- les modifications du trait de Loire et les gains dans le fleuve, surtout dans l'ouest de la ville.
- les déplacements successifs des ponts (1er, 4e et 11e s.)
- l'enceinte du 10e siècle (Saint-Martin) et celle du 11e (Les Arcis).
- le démantèlement de la basilique Saint-Martin et la sécularisation de nombreux édifices religieux (églises ou couvents).
Tours et ses environs, premier levé géométral de la ville dans les années 1670 attribué à l'ingénieur Tonon de Rochefou (BmT, Ms 1200).