L'aqueduc gallo-romain du Cher


Cyril Driard

Une ville antique est caractérisée par des infrastructures urbaines, parmi lesquelles l'aqueduc occupe souvent une place importante. L'agglomération de Tours ne fait pas exception à la règle. En effet, les vestiges d'un aqueduc signalés depuis le 19ème siècle sur la rive gauche du Cher, ont été attribués à un ouvrage hydraulique destiné à l'alimentation en eau de Caesarodunum. La longueur estimée de cet aqueduc est d'environ 25 km. Six communes sont situées sur son tracé : Bléré, Athée-sur-Cher, Azay-sur-Cher, Véretz, Larçay et Saint-Avertin. C'est dans cette dernière commune que sont signalés les vestiges les plus en aval de l'aqueduc.

Le captage a été localisé au lieu-dit « Les Grandes Fontaines », au sud-ouest de Bléré. Des aménagements antiques ont été retrouvés autour de la source de l'Herpenty et sur le plateau. La source fournit en grande quantité une eau minérale riche en calcium et en magnésium. L'importance des débits de cette source, qui peuvent atteindre actuellement 648 m3/heure (RASPLUS 2000), s'explique principalement par le contexte géologique de cette zone. Située en bordure d'un fossé d'effondrement tectonique, la source recueille les eaux de plusieurs aquifères qui ont été mis en contact. Cette faille a remodelé le terrain, permettant de drainer en direction de cette source, la majeure partie des eaux d'un bassin versant de près de 14 km². Cependant, l'aspect géologique ne doit pas faire oublier les aménagements souterrains liés au captage. En effet, en amont de la source, plusieurs galeries drainantes ont été creusées sous le plateau. Ce réseau hydraulique est aujourd'hui comblé, mais plusieurs explorations y ont été effectuées au 20ème s. à partir des puits qui ont servi à la réalisation de ces galeries (AUVRAY 1944). D'autres témoignages oraux laissent supposer la présence de structures maçonnées et de bassins (aménagements techniques ? régulation du débit ?) à l'intérieur même du réseau souterrain. L'eau était recueillie au niveau de la source de l'Herpenty dans un bassin maçonné (BOUSREZ 1899 ; LIOT 1964) à partir duquel a été construit l'aqueduc. Observé à plusieurs reprises, cet ensemble a été détruit il y a moins d'une cinquantaine d'années pour construire le captage actuel.

L'aqueduc, tributaire du relief du terrain, a été construit à l'intérieur d'une tranchée, creusée dans le versant du coteau méridional de la vallée du Cher. Ces travaux sont à l'origine de la principale anomalie de relief visible dans le coteau qui permet de suivre le tracé de l'aqueduc sur la quasi-totalité de son parcours. Les nombreuses caves modernes et contemporaines, le percement de chemins et de routes, les tanières d'animaux et l'érosion permettent d'observer assez souvent le specus et la voûte de l'ouvrage. Cet aqueduc est constitué d'une canalisation maçonnée en mortier banché, surmontée d'une voûte en bâtière, composée de silex, de moellons de calcaire liés au mortier de chaux. Le radier du canal a été coulé sur une épaisseur de 0,20 m et les parois sont épaisses de 0,25 m et hautes de 0,60 m. La largeur interne du canal est de 0,45 m. Le mortier de tuileau a été utilisé uniquement pour des réparations. De plus, il n'y a pas d'enduit à l'exception d'un tronçon où l'érosion des parois a dû nécessiter des réfections. Les niveaux d'eau, marqués par de très légers dépôts, se retrouvent directement sur les parois du canal. Ces niveaux sont les mêmes sur les 20 km du tracé où le canal est visible : Un premier dépôt de calcaire correspond à une hauteur de 0,31 m d'eau et un second dépôt correspond à une hauteur de 0,16 m d'eau.

L'aqueduc franchit au moins dix-huit vallons au moyen de ponts dont la longueur varie d'une trentaine à plus d'une centaine de mètres. Six ponts sont encore visibles. Les mieux conservés sont ceux de Fontenay à Bléré et du Coteau à Azay-sur-Cher : du premier sont conservés un mur bahut et deux piles avec des départs d'arcades ; du deuxième subsiste l'intégralité de l'ouvrage jusqu'au tablier. Des séries de piles ont été conservées à Chandon, Nitray (commune d'Athée-sur-Cher) et Beauregard (commune de Véretz). De ce pont subsistent un mur bahut et au moins sept piles. Il a été construit avec des arases de briques et un parement en petit appareil régulier avec des joints tirés au fer. Il doit s'agir d'une reconstruction postérieure ou du remplacement d'un premier ouvrage, car les matériaux utilisés, les dimensions et les techniques de construction sont différents. Un des ponts, à Azay-sur-Cher, a été renforcé : les voûtes ont été doublées par une seconde voûte en briques et des contreforts s'appuient contre les naissances d'arcades afin de retenir le pont en aval du vallon.

Un nivellement a été réalisé tout au long du parcours de l'aqueduc et des mesures ont été systématiquement réalisées sur les vestiges de radier du canal afin de procéder à l'étude du débit potentiel. Avec une pente moyenne de 1,17 m par kilomètre, les calculs effectués avec la formule de Bazin nous donnent un débit allant de 2300 m³ d'eau par jour au niveau le plus bas à 5400 m³ au niveau le plus haut.

Il reste cependant quelques points à éclaircir. En effet, l'eau captée était de type bicarbonatée calcique et elle aurait dû laisser des dépôts importants sur les parois du canal. Or les concrétions sont relativement modestes. Cela peut s'expliquer par les caractéristiques techniques du canal : pente importante, tracé linéaire...De plus les concrétions observées dans la canalisation en fin de parcours, comme par exemple à Larçay, sont beaucoup plus importantes, ce qui est souvent le cas pour de tels ouvrages. L'intérieur du canal n'a pas été examiné en aval de Larçay ce qui nous prive de données importantes pour comprendre ce phénomène. Cependant, la question de la durée d'utilisation de cet ouvrage peut aussi être posée. Une courte durée de fonctionnement de l'aqueduc pourrait aussi expliquer la faible épaisseur des dépôts situés sur les parois de la canalisation. Enfin, la plus importante énigme de cette étude concerne le franchissement de la vallée du Cher. Pour gagner la ville antique de Tours, l'aqueduc devait faire un coude au niveau de Saint-Avertin et franchir la vallée du Cher pour rejoindre l'agglomération grâce à un pont, un siphon, ou tout autre ouvrage de franchissement. Mais actuellement, aucun vestige, document d'archive ou témoignage ne vient confirmer cette hypothèse. Le réaménagement du Cher et l'urbanisation du secteur empêchent toute observation.

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