Les sites et les industries du Paléolithique récent


Jean-Claude Marquet

avec la collaboration de Bertrand Walter et Thierry Aubry

Après l'extinction des Néandertaliens, le territoire est occupé par des populations d'hommes modernes venus de l'est. Ces groupes sont des chasseurs et des pêcheurs. Ils taillent des lames et des lamelles qui servent à fabriquer des outils nombreux et divers : des armatures de projectiles pour la chasse et la pêche ainsi que des couteaux qui permettent de débiter les proies, des grattoirs, des perçoirs, des racloirs qui servent à préparer les peaux, des burins utilisés pour exploiter les matières dures des proies, les os et les bois des cervidés. Ils utilisent les ressources minérales locales (le silex et d'autres roches dures, les pigments minéraux, etc.) pour les besoins domestiques et pour les activités symboliques dont les traces n'ont été qu'exceptionnellement reconnues à ce jour en Touraine.

Du fait de l'abondance et de la qualité des silex des vallées de la Claise et de la Creuse tourangelles, c'est surtout là que sont concentrés les sites actuellement connus qui ont conservé des traces des passages de ces premiers Homo sapiens sapiens.

L'Aurignacien (de 37 000 à 28 000 BP)

L'existence de vestiges aurignaciens est reconnue depuis peu de temps en Touraine. La reprise des fouilles dans plusieurs des abris de la falaise des Roches à Abilly a mis au jour des vestiges de pierre taillée qui peuvent être assignées à plusieurs moments de cette culture du début du Paléolithique supérieur (ou Paléolithique récent). L'outillage se compose de burins carénés, de grattoirs à museau et de lames retouchées. L'utilisation de percuteurs en matière organique animale ou végétale et la mise en œuvre de larges éperons caractérisent le débitage laminaire. Ce mode de production de lame robuste a été aussi trouvé sur le site de plein air du Buchet à Bossay-sur-Claise localisé à proximité d'une source de silex.

Le Gravettien (de 29 000 à 22 000 BP)

Le site de La Picardie à Preuilly-sur-Claise est localisé sur le plateau au sud de cette ville. Il a été sondé puis fouillé de 1998 à 2004. La fouille sur environ 50 m2 à révélé la conservation d'une forte densité de vestiges lithiques attribuables au Gravettien moyen, sur des bases typologiques et technologiques.

La fouille a permis de mettre en évidence des nappes d'éclats partiellement recouvertes par des ensembles de blocs de calcaire lacustre sans qu'il soit possible de dire s'il y a eu une ou plusieurs occupations. Du fait de la bonne conservation des couches en place, un certain nombre d'éléments provenant des amas fouillés (nucléus, éclats, lames) ont été l'objet de remontages. Le matériel archéologique est uniquement lithique. Il est homogène ; il y a une forte proportion d'outils dominée par les « burins du Raysse » qui ne sont en réalité que des nucléus à lamelles ; celles-ci, une fois retouchées, participent à la réalisation d'armatures de projectiles.

Le Solutréen (de 22 000 à 17 000 BP)

Deux sites fournissent des informations distinctes sur cette phase du Paléolithique supérieur, un abri de la falaise des Roches d'Abilly (Abri Bordes-Fitte) et un site de plein air localisé près d'une importante source de silex : les Maîtreaux à Bossay-sur-Claise. Sur ce dernier, les amas de silex taillés, révèlent plusieurs passages des solutréens sur le site qui ont laissé des déchets de façonnage de feuilles de laurier, de nombreuses pièces ayant été cassées en cours de fabrication. Il y a aussi des fragments de grandes lames et des nucléus, éclats de leur mise en forme et des fragments de lames fracturées au débitage qui témoignent de la production de lames ayant servi à fabriquer des pointes à cran et des lamelles à dos, type d'outil caractéristiques de la fin du Solutréen.

De très nombreux remontages ont été réalisés, ce qui témoigne de l'excellente conservation de la répartition spatiale des vestiges. La plupart des amas de déchets peuvent être interprétés comme des postes de taille (façonnage et débitage).

Les vestiges résultent, sans qu'il soit possible d'en déterminer la fréquence, de plusieurs courts passages dans le but de constituer des réserves d'outillage lithique ou de supports destinées à un usage différé. L'étude du matériel a permis de mettre en évidence des niveaux de maîtrise technique très hétérogènes chez les tailleurs, ce qui peut être interprété comme un indice de la présence d'apprentis à côté de tailleurs expérimentés.

Outre l'abondant matériel résultant de la fabrication d'outils de chasse en silex, d'autres activités sont attestées sur le site. Des fragments de matières colorantes ont fait l'objet d'un traitement et de productions originales comme l'atteste la découverte de deux pendeloques en hématite. Une petite dalle de grès porte gravée la silhouette d'un jeune cervidé et constitue le seul vestige artistique du Paléolithique supérieur connu en Touraine.

Le site des Roches d'Abilly a été sondé pour la première fois par P. Fitte en 1949 et la première publication est parue en 1950 par ce même chercheur associé à F. Bordes.

Il existe dans le site, entre le Moustérien de tradition acheuléenne et le Solutréen, deux niveaux qui contiennent, l'un du Châtelperronien et l'autre de l'Aurignacien. Les chasseurs solutréens auraient fréquenté le site après l'effondrement du toit et auraient aussi occupé le versant en contre-bas de l'abri où de nombreux vestiges de façonnage de feuilles de laurier ont été découverts.

Le Solutréen des Roches d'Abilly contient des feuilles de laurier souvent fragmentaires dont certaines de très grande taille. L'absence, à ce jour, de pointe à cran tend à rattacher ce site à une phase du solutréen antérieure à celle représentée aux Maîtreaux.

Le Magdalénien ancien (de 17 000 à 15 000 BP)

Cette culture est bien attestée dans le Lochois. L'industrie lithique est notamment représentée par des «burins transversaux» qui sont en réalité des nucléus ayant permis d'obtenir des lamelles. Celles-ci, une fois retouchées, sont utilisées comme armatures pour les armes de jet des chasseurs. L'ensemble de l'outillage en pierre dure comprend aussi des burins vrais, des grattoirs et de nombreux autres outils.

Outre les gisements anciennement connus de cette culture localisés à la Ronde de Céré à Céré-la-Ronde, au Silo au Grand-Pressigny, à la Pluche à Yzeures-sur-Creuse et à Saint-Fiacre, plus de dix nouveaux sites badegouliens ont été identifiés sur les communes de Bossay-sur-Claise et Preuilly-sur-Claise. Deux d'entre eux firent l'objet de fouille : le site des Maîtreaux et celui du Buisson Pignier. Ces travaux ont montré qu'il existe un fractionnement spatial entre la production des supports de burins-nucléus transversaux et de leur débitage lamellaire. L'important déficit en lamelles atteste leur utilisation sur d'autres sites (régionaux ou plus éloignés) qui restent à découvrir.

Le Magdalénien récent (de 13 500 à 12 000 BP)

A La Motte d'Huismes, le site occupe le sommet de l'éperon qui domine au nord la vallée de la Loire et au sud un petit affluent. Le matériel lithique n'est connu que par des ramassages de surface. A Loché-sur-Indrois, le site de la Perrotière a été découvert grâce au matériel qui a été ramené en surface par les labours. Comme à Huismes, aucune couche en place n'a été observée.

C'est à l'occasion de sondages sur le site de la Creusette à Barrou qu'un ensemble de trois amas de taille a été découvert. Le nucléus et les lames à crête, indiquent que ce matériel lithique est à rattacher au Magdalénien récent. A Chaumussay, au lieu-dit Le Lavier, une couche archéologique a donné un grand nombre de silex taillés associés à de nombreux restes de charbon de bois. Comme à la Creusette, le matériel découvert permet de formuler l'hypothèse d'une halte de chasseurs magdaléniens.

Encore à Chaumussay, au lieu-dit Bénagu, le creusement d'un fossé a permis la découverte de trois amas de taille, d'assez nombreux outils et divers objets. De nombreux remontages ont été réalisés. Les burins ont servi sur place ainsi que l'attestent les traces d'utilisation. La qualité du débitage laminaire, la typologie des outils et notamment des burins, permettent de rattacher ce site au Magdalénien récent.

La fouille du site de plein air de l'Etang du Buchet à Bossay-sur-Claise a mis en évidence les vestiges de plusieurs amas de débitages laminaires qui se caractérisent par le recours à des éperons étroits. Dans l'outillage, la présence de burins de Lacan permet d'attribuer aussi ce bref passage à une phase avancée du Magdalénien.

Voir aussi :
- Les sites et les industries du Paléolithique moyen
- Le paléoenvironnement au Tardiglaciaire d'après les données palynologiques
- Mareuil-sur-Cher, « La Croix de Bagneux » : les campements du Paléolithique supérieur et du Mésolithique

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