Les institutions judiciaires sous l'Ancien Régime étaient particulièrement complexes. Trois catégories de juridictions se côtoyaient avec leurs compétences propres : royales (bailliages, prévôtés...), seigneuriales (châtellenies, duchés-pairies...) et spécialisées (maîtrises des eaux et forêts, élections, greniers à sel...).
Les parlements, en tant que cours souveraines, étaient au sommet de la justice royale. La Touraine dépendait entièrement du parlement de Paris qui recevait les appels des cours inférieures : les présidiaux, les bailliages et les duchés-pairies (bien que ces derniers ne soient pas de justice royale, mais seigneuriale). Pour soulager les parlements encombrés d'affaires peu importantes du fait d'une population très procédurière, le roi Henri II avait créé les présidiaux par édits de janvier et mars 1551 (ancien style). Définir la compétence des présidiaux ne peut être envisagé ici ; dans son Traité de la juridiction des présidiaux (Paris, 1775, 560 p.), le grand jurisconsulte Daniel Jousse a eu besoin de 340 pages pour l'exposer. On dira sommairement qu'ils recevaient les appels des tribunaux inférieurs et jugeaient en dernier ressort des affaires dont les frais ne dépassaient pas 500 livres. La décadence de ces tribunaux était générale au 18e siècle.
En mars 1551, des présidiaux avaient été érigés dans les bailliages d'Angers, de Blois, de Poitiers et de Tours : tous, à des titres divers, concernent le département d'Indre-et-Loire. Mais c'est le présidial de Tours qui le recouvre pour l'essentiel puisqu'il avait juridiction sur les bailliages d'Amboise, Chinon, Langeais, Loches et Loudun (carte 1). À l'ouest, le présidial d'Angers avait juridiction sur les sénéchaussées de Baugé, Saumur et La Flèche jusqu'à la création de son présidial en 1595. Au sud, la sénéchaussée de Châtellerault relevait du présidial de Poitiers et au nord, le bailliage de Vendôme de celui de Blois.
Les cartes présentées ici se rapportent aux bailliages royaux qu'il faut veiller à ne pas confondre avec les petits bailliages que formaient les multiples justices seigneuriales. À l'époque moderne, les bailliages n'étaient plus dirigés par les baillis qui avaient été au Moyen Àge les représentants du roi dans ses provinces. Largement tombés en désuétude du fait de la spécialisation progressive des institutions séparant les fonctions militaires, administratives, financières et judiciaires, les baillis s'étaient vu adjoindre des lieutenants généraux à la fin du 15e siècle. Après l'ordonnance de 1579, la fonction des baillis (rarement juristes et toujours nobles) est honorifique. Leurs collègues, les sénéchaux, sont dans la même situation. Les termes de bailliages et de sénéchaussées sont rigoureusement synonymes et se réfèrent à des traditions locales. Par commodité, le terme de bailliage est employé seul ici pour désigner la circonscription de base de la justice royale de l'Ancien Régime.
Le territoire de l'actuel département d'Indre-et-Loire était entièrement régi par le droit coutumier et on y appliquait principalement la coutume de Touraine. Cela concernait les bailliages de Tours, Chinon, Langeais et Loches (carte 1). Naturellement Châtellerault et Loudun appliquaient la coutume de Poitou et celle d'Anjou était appliquée par Baugé, La Flèche, Saumur et même Vendôme. Mais comme on jugeait toujours, en principe, selon la coutume de la résidence des justiciables, et qu'une paroisse pouvait être partagée entre plusieurs coutumes, il arrivait donc pour certains fiefs que l'on jugeât en suivant une coutume qui n'était pas celle du bailliage concerné. La représentation cartographique détaillée de la situation juridique de tous les fiefs n'étant pas envisageable, on a seulement indiqué les paroisses partagées entre plusieurs bailliages ou sujettes à contestations.
Les incertitudes quant au ressort exact des justices étaient courantes sous l'Ancien Régime. Les rivalités entre bailliages, ou plutôt entre officiers de justice ambitieux, s'exprimaient parfois à coups d'ordonnances contradictoires. Les territoires judiciaires pouvaient se trouver modifiés par le fait de la vénalité des charges. Ainsi des officiers de justice, riches et désireux d'accroître leur territoire, pouvaient fort bien acheter des charges judiciaires de nombreux fiefs pour les réunir. Le pouvoir, toujours à court d'argent, ne s'opposait pas à ce genre de jeu qui normalement ne modifiait pas les ressorts d'application des coutumes, mais qui avait l'inconvénient d'alimenter les contestations.
Les bailliages étaient d'abord des tribunaux de première instance jugeant au civil et, au criminel, les cas impliquant des frais ne dépassant pas 250 livres. Les causes touchant les nobles et les nombreuses affaires impliquant des mineurs et leur tutelle leur étaient réservées. Les bailliages jugeaient en appel des châtellenies et des prévôtés ; les appels des duchés-pairies allaient directement au Parlement.
Les bailliages n'étaient pas seulement des tribunaux connaissant des affaires civiles et criminelles, ils avaient aussi de vastes compétences en matière commerciale (comptabilité, inventaires et successions, faillites) et féodale (retraits lignagers, aveux et dénombrement). Ils intervenaient pour les travaux publics, la police et la sécurité, l'instruction... Ils exerçaient enfin des fonctions de bureau d'enregistrement et veillaient à l'application des ordonnances. Leurs archives encore peu exploitées sont essentielles pour l'étude de la société d'Ancien Régime.
Il convient enfin de rappeler que les bailliages étaient utilisés comme circonscriptions électorales à l'occasion de la convocation des États généraux. En 1789, cela provoqua une distinction exceptionnelle et peu justifiable : les bailliages qui avaient député directement aux États généraux de 1614 furent déclarés principaux et les autres, dits secondaires, furent obligé de députer indirectement en passant par leur bailliage principal. Chinon, Langeais et Loches étaient les secondaires de Tours. Baugé et La Flèche étaient les secondaires de la sénéchaussée d'Angers. Blois, Châtellerault, Loudun, Saumur, Vendôme étaient des principaux (carte 2).
Les trois provinces Maine, Anjou, Touraine réunies de 1542 à la Révolution dans la généralité de Tours, avaient déjà eu une existence commune dès le 13e siècle puisqu'elles étaient réunies dans la sénéchaussée d'Anjou. Le grand bailliage de Touraine s'en détacha en 1323 et peu à peu, les bailliages, par séparations successives, se sont constitués sans avoir été vraiment délimités. Ils ont été érigés en sièges royaux indépendants, au 16e siècle pour la plupart (carte 1):
- le bailliage de Loudun par édit de 1480 ;
- le bailliage d'Amboise par lettres patentes de 1527 (supprimé par édit de 1765 et réuni à celui de Tours) ;
- le bailliage de Chinon par édit de 1544 ;
- la sénéchaussée de Baugé par édit de 1544 ;
- la sénéchaussée de Saumur par édit de 1544 ;
- la sénéchaussée de La Flèche avec siège présidial par édit de 1595 ;
- le bailliage de Vendôme par édit de novembre 1713 : avant cette date, les 5 paroisses concernées en Indre-et-Loire dépendaient de la sénéchaussée de Baugé et c'est pourquoi elles suivaient la coutume d'Anjou ;
- les bailliages de Langeais et de Loches entre 1587 et 1620.
Pour l'établissement de la carte : GORRY (Jean-Michel), Paroisses et communes de France. Dictionnaire d'histoire administrative et démographique, Indre-et-Loire, Éditions du CNRS, Paris, 1985.