Les châteaux de la Renaissance


Alain Salamagne

L'idée d'une rupture conceptuelle entre châteaux du Moyen Âge et de la Renaissance ne peut être retenue que sur des points particuliers, le traitement de la façade entre autre, qui voit l'introduction d'une ordonnance régulière et l'apparition d'un décor inspiré de l'antique. Comme l'avait déjà remarqué Jean Guillaume, la Renaissance n'apporta pas de transformations décisives sur la distribution du château : le logis royal de Loches (1495-1500) construit sous les règnes de Charles VIII (1483-98) et Louis XII (1498-1515) (document 5) offre sur deux niveaux superposés une suite constituée d'une chambre de parement, chambre, garde-robe, retrait et oratoire, qui s'inscrit parfaitement dans la tradition antérieure et que l'on retrouvera ailleurs.

Mais sous le règne de François Ier (Blois, aile François Ier), se crée un système d'articulation murale de la façade, qui servira par la suite de modèle : les cordons au relief accentué et les pilastres des fenêtres ¬-alors même que la platitude du mur se trouve affirmée- encadrent des panneaux muraux (Azay-le-Rideau (document 2), Amboise, logis François Ier, Chenonceau, Villandry (document 6)). Dans le même temps, à l'escalier d'honneur constitué d'une vis qui la plupart du temps se projetait en façade, se substitue l'escalier rampe-sur-rampe (Azay-le-Rideau), formule qui devait triompher après 1520 (PRINZ et KECKS 1985).

L'expansion de ces formes nouvelles ne fut pas cependant reçue de manière égale : le niveau de culture, la proximité des milieux de cour, le voyage en Italie furent des facteurs complémentaires de leur acceptation. Des grandes demeures royales aux maisons de plaisance de la petite noblesse, les moyens retenus furent différents et ne s'inscrivaient pas dans les mêmes logiques. Les acteurs du renouveau appartenaient à des classes différentes, noblesse de tradition, officiers et gens du roi dont les conseillers, les notaires et secrétaires, gens de finances (Gilles Berthelot à Azay, Thomas Bohier à Chenonceau, Jean le Breton à Villandry, etc.), haute ou moyenne bourgeoisie enrichie (dont les aspirations et les moyens de représentation étaient particuliers). Quant au décor intérieur et au mobilier, il s'inscrit dans la continuité de celui du 15e siècle : tapisseries, peintures, meubles meublant, enracinent les propriétaires dans le jeu des traditions qui ne furent que progressivement renouvelées.

Le château d'Amboise constitua, à partir des années 1495, le chantier le plus important du début de la Renaissance (document 1), même si le projet de Charles VIII ne fut jamais totalement mené à bien. Les dispositions de ce château reflétaient néanmoins l'attachement à une certaine image médiévale de la demeure seigneuriale qui affichait toujours des caractères fortifiés et conservait des portes fermées d'un pont-levis. À Azay-le-Rideau (document 2) et Chenonceau (document 3), les signes en sont plus discrets, mais dans le premier cas le front d'entrée reste médiéval et le second conserve du château ancien la tour de Marques, à peine rhabillée en style renaissant. Des douves en eau ou des fossés secs circonscrivent toujours la demeure.

Participe encore de cette vision la conservation des signes seigneuriaux, tourelles à Azay-le-Rideau, ou encore à Chenonceau, tandis qu'à Villandry (document 6) la tour maîtresse médiévale est intégrée en pavillon d'angle. Même si les éléments défensifs en sont réduits ou disparaissent, ces demeures gardent au temps de l'artillerie à feu le moyen de se défendre : des canonnières percent toujours le niveau inférieur des édifices (Azay-le-Rideau, Chenonceau...), d'autant que les armes portatives comme les arquebuses permettent désormais une défense souple qui n'est plus assujettie au positionnement de l'arme à feu à travers une embrasure. De même l'usage de la parure des mâchicoulis restera la règle jusqu'aux années 1540 : Azay-le-Rideau conserve un couronnement de mâchicoulis dont les caractéristiques renvoient à la fin du 14e siècle, même si le profil en est un peu différent. Canonnières, mâchicoulis et échauguettes qui frappent les façades renaissantes constituent des marques de seigneurie (SALAMAGNE 2011). Ce n'est que vers 1530-40, que mâchicoulis, tours circulaires, signes de fortification disparaîtront progressivement pour faire place à des corps de logis ponctués par des pavillons d'angle, dont les toitures souligneront le rôle joué dans la composition.

Le succès de l'architecture de brique fut plus limité en Touraine qu'en Sologne, la proximité des grands bassins carriers en est probablement un des facteurs d'explication. Après le chantier de Plessis-les-Tours (1478-1483), il faut attendre le règne de Louis XII pour voir ponctuellement quelques demeures (Jallanges (document 4), corps de logis du château de Luynes...) accepter l'architecture polychrome, brique et pierre, née sur le chantier de Blois.

Mais dans le même temps où le château s'ouvrait vers les jardins extérieurs, le contexte des guerres de Religion qui éclatent après les années 1560 allaient entraîner un mouvement de refortification, d'autant que la tradition militaire n'en fut jamais totalement oblitérée. Déjà, au début du 16e siècle, Gille Berthelot avait renforcé les fortifications d'Azay-le-Rideau de deux boulevards d'artillerie, disposés probablement devant les portes de l'ouest et du nord, ainsi que d'une grosse tour, et fait fortifier Cheillé. Les châteaux de Vaujours, Montrésor, la Guerche, ou encore La Corroirie du Liget, furent renforcés d'ouvrages adaptés à l'artillerie à feu.

Voir aussi :
- Châteaux et enceintes urbaines à la fin du Moyen Age
- Amboise, le château et la ville aux 15e-16e siècles
- Collégiales castrales et Sainte-Chapelle à vocation funéraire entre 1450 et 1560

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