L'évolution démographique entre le 18e et le début du 20e siècle


Matthieu Gaultier

Dénombrements et recensements

Sous l'Ancien Régime, les dénombrements de la population, fondés sur les documents fiscaux (rôles de taille ou de gabelle), sont réalisés par feux, ou foyers fiscaux. Certains comptent une seule personne, d'autres en regroupent un nombre beaucoup plus important. Il est admis, d'après les travaux d'historiens démographes, que le nombre moyen de personnes par feu est compris entre 4 et 5. Pour l'Indre-et-Loire, le calcul du rapport entre feux et recensement individuel à partir des données pré- et post-révolutionnaires nous donne le chiffre moyen de 4,16 personnes par feu. C'est cette valeur que nous avons utilisée pour évaluer le nombre d'habitants en Touraine au début du 18e siècle.

A partir de 1836, avec l'établissement des listes nominatives, le décompte de la population française ne se fait plus par feu mais par individu. On ne parle plus alors de dénombrement de la population, mais de recensement.

Les données utilisées dans la présente étude ont été réunies par Jean-Michel Gorry (GORRY 1985).

Le début du 18e siècle : une province rurale

Au début du siècle des Lumières, la Touraine compte environ 235 000 habitants répartis au sein de 315 collectes (carte 1 et carte 2). Tours, de loin la plus peuplée, compte 26 000 habitants (11% du total départemental). C'est la seule collecte qui dépasse les 5 000 habitants. Les autres se répartissent en deux groupes : celles comptabilisant moins de 1 000 habitants, qui regroupent un peu plus de la moitié des tourangeaux et celles comptant entre 1 000 et 5 000 habitants, qui regroupent un peu plus de 35% de la population totale (doc. 1).

Au delà de Tours, dont le poids démographique est sans égal, on observe quelques pôles de peuplement périphériques constitués par les collectes de plus de 1 000 habitants. Ainsi, Amboise, Chinon et Richelieu se distinguent individuellement tandis qu'au nord (autour de Neuillé-Pont-Pierre) et à l'ouest (autour de Bourgueil), on remarque des pôles de peuplement réunissant plusieurs collectes. Dans le reste du territoire, les campagnes pèsent encore un poids démographique non négligeable. De nombreuses collectes réparties régulièrement du nord au sud, sont supérieures à la moyenne départementale (carte 3). Sur cette carte, seul le Richelais et, dans une moindre mesure, les environs de Château-la-Vallière apparaissent dépeuplés : ces deux secteurs concentrent une proportion importante de collectes inférieures à la moyenne.

L'axe ligérien et ses principaux affluents jouent un rôle attractif. A l'exception de Richelieu et Pont-Amboizé, le Richelais est très peu peuplé. D'une manière générale, les franges du territoire regroupent les communes les moins peuplées à l'exception de la zone au contact de l'Indre.

Essor démographique de pôles périphériques au début du 19ème siècle

Au début du 19e siècle, la Touraine compte près de 269 000 habitants (carte 1 et carte 2) répartis au sein de 310 collectes. En un siècle, la population départementale a augmenté de 14%. Tours reste la ville la plus peuplée (plus de 20 000 habitants) mais son importance relative est moindre qu'en 1713 puisqu'elle a perdu plus de 5 000 habitants depuis cette date et qu'elle ne représente plus que 8% du total de la population.

Contrairement au siècle précédent, deux villes dépassent le seuil de 5 000 habitants : Chinon et Amboise.

Outre les deux cas précédents, on observe le renforcement de pôles de peuplement déjà identifiés au début du 18e siècle : le Bourgueillois, les environs de Loches, Richelieu et Château-Renault ainsi que les communes au nord de Neuillé-Pont-Pierre (carte 3 et carte 4).

La part des petites communes dans le total général a diminué. Le département est donc un peu moins rural qu'au siècle précédent (doc. 1). Le Richelais apparaît particulièrement dépeuplé puisqu'il concentre la majeure partie des communes inférieures de plus de 500 habitants à la moyenne départementale (carte 4).

L'augmentation générale de la population entre 1713 et 1801 a essentiellement profité aux pôles secondaires d'urbanisation et aux villes de moyenne importance au détriment de Tours dont la population a baissé et des petites paroisses rurales qui n'ont guère vu leur population augmenter.

Déclin des campagnes et essor de la banlieue de Tours au début du 20e siècle

En 1906, on recense en Touraine 337 947 habitants répartis entre 282 communes (carte 1 et carte 2). En un siècle, la population a augmenté de 25%. C'est Tours et ses communes limitrophes qui ont le plus profité de cette augmentation : triplement du nombre d'habitants à Tours ou La Riche ; forte augmentation à Saint-Pierre-des-Corps et Saint-Symphorien (carte 3 et carte 4).

L'importance des pôles périphériques identifiés au siècle précédent diminue ; seul Loches gagne quelques habitants tandis que Chinon et Amboise en perdent.

Le poids démographique des campagnes diminue fortement (doc. 1) ; le nombre de communes très inférieures à la moyenne départementale augmente de manière significative. Ce phénomène de désertification est particulièrement sensible au sud de la Vienne (Richelais) (carte 3). Par ailleurs, le nombre de communes supérieures à la moyenne a baissé de 33% par rapport à la situation du siècle précédent ce qui indique que la majeure partie de la population se concentre dans une minorité de communes (doc. 2).

La polarisation démographique du département autour de Tours et de sa banlieue marque le début du 20e siècle, tandis que l'exode rural frappe les campagnes. Le poids de l'agglomération tourangelle ne fera que se confirmer au cours du siècle. C'est la banlieue de Tours qui profite le plus de l'augmentation de la population entre 1906 et 1999 : seules les communes de la périphérie de Tours présentent des taux d'accroissement supérieurs au taux d'accroissement de l'ensemble de la population (carte 4).

Voir aussi :
- La population et la trame urbaine aujourd'hui

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