Les études anthropologiques


Christian Theureau

Les premiers travaux anthropologiques sur la Touraine ont débuté dans le premier quart du 20e s. et sont dûs au Docteur Louis Dubreuil-Chambardel (CORDIER 1977). Ce chercheur, très réputé pour ses recherches en anatomo-pathologie, n'a eu à traiter que des effectifs très faibles, uniquement issus de sites préhistoriques (Ports, Paulmy, Pussigny, Le Liège, Manthelan, Courçay et Fondettes).

De nouvelles recherches furent suscitées en 1957 par l'archéologue Gérard Cordier qui s'est attaché la collaboration de l'anthropologue Raymond Riquet et de l'odontologue belge Hyacinthe Brabant. Elles portèrent d'abord sur une sépulture néolithique isolée découverte dans la commune de Courçay puis sur le site du dolmen de Villaine, dans la commune de Sublaines, qui a connu deux phases d'utilisation ; la première, du Néolithique a livré un nombre minimum de 66 individus inhumés à l'intérieur du dolmen; la seconde, du haut Moyen Age, est représentée par une nécropole qui s'étendait autour du dolmen, et qui a livré 112 individus (carte 1). Les analyses sont toutefois affectées par le médiocre état de conservation du matériel ainsi que par un certain manque de concertation entre l'ostéologue et l'odontologue dont les décomptes sexuels, fondés sur des méthodes différentes, aboutissent à des résultats divergents (CORDIER et al. 1972 ; CORDIER 1974b. CORDIER 1985a).

Les fouilles conduites à Tours par Henri Galinié entre 1969 et 1983 ont permis d'étudier huit sites funéraires utilisés sur une longue durée (4e-17e s.), qui ont fourni un ensemble appréciable de 906 sépultures. L'importance de cet effectif, la concentration des sépultures dans une zone géographique restreinte, et leur répartition diachronique ont permis d'adapter et d'améliorer sensiblement les méthodes d'examen et d'analyse en assurant un contrôle permanent des principaux facteurs de variation. Les conclusions ont ainsi gagné en fiabilité, tant pour les adultes que pour les immatures (THEUREAU 1998).

Les mêmes protocoles de travail ont été appliqués ensuite à deux autres ensembles importants. Le premier a été mis au jour sur le site de la collégiale Saint-Mexme de Chinon fouillé sous la direction d'Ėlisabeth Lorans. A caractère urbain comme le précédent, il comporte les restes de 540 sépultures datées du 5e au 17e siècle. Les résultats des analyses sont similaires à ceux de Tours (THEUREAU 2006). Le second ensemble, rural cette fois, provient du cimetière de l'ancien centre paroissial de Rigny. Il comporte 1704 sépultures qui sont réparties chronologiquement entre le 8e s. et le milieu du 19e s. (THEUREAU 2006; ZADORA-RIO, GALINIE 1992, 1995 ; ZADORA-RIO et al. 2001).

La confrontation des données de ces trois ensembles a révélé des tendances communes aux populations urbaines et rurales mais aussi certaines variations biologiques spécifiques. Par exemple, pour les hommes comme pour les femmes, la stature diminue partout uniformément depuis le Bas-Empire et une amorce d'inversion du phénomène ne se manifeste qu'à la fin des Temps Modernes. De même, la longévité, toujours différenciée selon le sexe, s'accroît de façon régulière, mais une baisse passagère au Moyen Age s'observe dans les deux villes alors qu'elle ne se retrouve pas dans l'effectif rural. Si la durée de vie a continué à augmenter à Rigny, les squelettes ont révélé, en revanche, une proportion de pathologies handicapantes nettement plus forte que dans les ensembles urbains. Ces résultats ne doivent pas cependant être généralisés trop rapidement : on ne doit pas en conclure, en particulier, que la vie en milieu rural entraînait un risque d'accident et de handicap plus important qu'en ville, car cela reste à démontrer.

Plus récemment, les 57 sujets exhumés dans la chapelle de l'ancienne léproserie Saint-Lazare à Tours (RODIER, BLANCHARD, THEUREAU 2007) ont donné lieu à une étude dont les résultats sont intéressants dans le domaine de la paléopathologie. Les traces laissées par la lèpre ont fait l'objet d'une recherche menée en double aveugle, d'une part avec les outils de la médecine légale, d'autre part avec ceux de l'anthropologie du squelette (SAINT-MARTIN, THEUREAU 2007).

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