Les moulins et l'exploitation de l'énergie hydraulique


Raoul Guichané

Un inventaire publié par le Ministère des Travaux Publics en 1879 recense 592 moulins encore en activité à cette date dans le département d'Indre-et-Loire. Parmi ceux-ci, 156 sont déjà attestés avant 1200 (voir carte 2).

Pour les périodes antérieures à 1879, on ne dispose que de données incomplètes (mentions de moulins dans les sources écrites médiévales et modernes, carte de Cassini au 18e siècle...). Le nombre des moulins hydrauliques recensés en Indre-et-Loire, toutes périodes confondues, totalise 757 sites localisés sur 142 cours d'eau (voir carte 1).

L'étude des caractéristiques des cours d'eau permet de reconstituer le type de roue qu'ils étaient susceptibles d'actionner et d'évaluer leur taux d'équipement.

1 - Le moteur hydraulique

- L'aménagement du cours d'eau :

A part quelques moulins bateaux sur les gros cours d'eau et quelques moulins pendants sous leurs ponts, tous ces moulins fonctionnaient sur chute d'eau.

Un barrage faisait monter l'eau qui remplissait le lit mineur. Elle était guidée par un canal d'amenée jusqu'à la chute où elle actionnait la roue, puis regagnait la rivière par le canal de fuite. Ainsi se formait une île artificielle (voir document 1). Des ouvrages régulateurs, vannes, déversoirs, maintenaient le niveau aussi constant que possible.

Sur les grosses rivières, on construisait une digue submersible, en biais, qui servait de déversoir, et le moulin en bout de digue, sur la rive. Les moulins s'égrenaient ainsi le long des cours d'eau, seuls bâtiments construits sur ou au ras de l'eau. Les moulins hydrauliques ont fortement marqué les paysages des fonds de vallées

- La puissance d'une roue hydraulique :

La roue avait pour fonction de transformer la puissance brute hydraulique de la chute en puissance mécanique utilisable sur son arbre. Il convient donc d'étudier successivement la puissance brute de la chute et la puissance mécanique de la roue.

La puissance brute hydraulique d'une chute est fonction directe de la hauteur de chute et du débit de la vanne motrice.

Les rivières grosses et moyennes de Touraine ont une pente de l'ordre de 0,7 m/km. Pour avoir une chute de l'ordre de 1 m, il faut un bief de 1,5 km. Les petits affluents descendant des versants ont des pentes beaucoup plus fortes et permettent des hauteurs de chute de plusieurs mètres.

Il fallait adapter les roues à ces situations (voir carte 1). En Touraine, il n'y avait que des roues verticales et à partir du 19e s. quelques turbines.

Sur les basses chutes, c'étaient des roues à pales de 4 à 6 m de diamètres. La chute attaquait donc les pales au-dessous de l'axe (voir document 2). Elles étaient dites « en dessous » ou «de côté ». Leur rendement allait de 25 % à 50 %.

Sur les hautes chutes, c'étaient des roues à augets. L'eau arrivait par-dessus la roue et remplissait les augets. Elles étaient dites « en dessus ». Leur rendement était meilleur : 60 % à 65 % (voir document 2).

Le rendement de la roue était donc un élément très important de la puissance utile. Le calcul montre qu'il était fonction de la hauteur de chute. Il dépendait aussi du type de roue, lui-même dicté par la hauteur de chute, et enfin de la construction de la roue. Quel que soit le savoir-faire des constructeurs, ils étaient tributaires des paramètres topographiques du site.

2 - L'équipement des cours d'eau

On peut définir le taux d'équipement d'un cours d'eau de deux façons :

- en nombre (voir carte 3): TN ═ Nombre de moulins construits / Nombre de moulins potentiels

- en puissance (voir carte 4): TP ═ Puissance utile totale installée / Puissance potentielle du cours d'eau

La puissance potentielle du cours d'eau est fonction du débit (valeur par seconde en m3 des eaux ordinaires) et de la pente totale du cours d'eau (divisé en sections homogènes).

Le nombre potentiel de moulins, évalué par section de cours d'eau, est obtenu en faisant le rapport :

NP=Hauteur totale de chute du cours d'eau/Moyenne des hauteurs de chute des moulins portés par ce cours d'eau.

Pour les cours d'eau de type A (portant des roues à augets), les taux d'équipements en nombre et en puissance sont identiques : 34 % et 33 %.

Pour les cours d'eau de type P (portant des roues à pales), malgré un taux d'équipement en nombre plus élevé (74,4 %), et malgré des puissances unitaires supérieures, le taux d'équipement en puissance est de 32 %, identique à celui des cours d'eau de type A (portant des roues à augets), qui est de 33 % (document 3). Sur les plus puissants potentiellement, l'Indre, la Claise, et surtout le Cher, les moulins n'utilisaient qu'une partie du débit. Les mieux utilisés ont été les cours d'eau de débits compris entre 0,4 et 2 m3/s : l'Amasse, la Bresme, le Changeon, la Choisille, l'Esves, la Manse, la Veude.

Voir aussi :
- Beaulieu-lès-Loches, le bâti médiéval

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