Les noms de personnes chez les Turons dans les sources épigraphiques (1er-3e s.)


Alain Ferdière

La présente notice est établie à partir d'une récente étude de Monique Dondin-Payre (2001). Les inscriptions lapidaires (documents épigraphiques) sont assez nombreuses dans la cité des Turons et concernent essentiellement le Haut Empire (carte 1). Elles nous fournissent de précieuses informations sur le statut des personnes, ainsi que sur l'onomastique (étude des noms) : identités culturelles et sociales, notamment.

Ce ne sont en fait que 18 individus qui sont ainsi identifiés chez les Turons (cf. PROVOST 1988a : 119). A titre de comparaison, on en connaît plus du double - 38 - chez les Carnutes voisins, dont la cité est pourtant d'une superficie plus que double, mais 17 fois plus - 321 - chez les Bituriges). A ces 18 individus on ne peut ajouter, hors de la cité, que deux Turons connus, à Lyon, la capitale de la province : c'est peu, mais les enseignements que ces personnages nous apportent ne sont pas négligeables.

Ces quelques rares individus connus de nous ne représentent, à l'évidence, qu'une part infime de la population de la Touraine antique. Les personnages qui inscrivent ainsi leurs noms dans les dédicaces des sanctuaires et autres monuments publics sont généralement des membres de l'élite des cités, fortunée et lettrée, tandis que les épitaphes des monuments funéraires, plus diverses, supposent probablement un certain niveau culturel ; l'un d'eux, sans doute, a même été, honneur suprême, prêtre à l'autel fédéral du Confluent à Lyon. Les quelques individus qui ont donc ainsi laissé leurs noms ne constituent pas non plus un échantillon représentatif de l'ensemble de cette population.

La latinisation des noms ne signifie pas non plus que l'on a affaire à des Romains immigrés : au cours du 1er s., de génération en génération, les noms gaulois se latinisent en effet, sous l'influence de la romanisation.

Six d'entre eux sont des citoyens romains, ce qui ne signifie pas qu'ils soient italiens d'origine : il s'agit très vraisemblablement de personnages d'origine indigène, qui sont dotés de tria nomina (trois noms), nomenclature qui désigne les seuls citoyens. Mais ici, comme partout en Gaule centrale, certains de ces citoyens n'expriment dans ces inscriptions que deux noms : ici, 4 des 6 hommes concernés, le 7e individu étant une citoyenne, par conséquent sans prénom. Les autres individus (14, dont 1 femme) sont donc - sauf lacune des inscriptions - de simples "pérégrins", ressortissants de statut inférieur, qui ne sont pas soumis au même droit, et n'ont pas les mêmes obligations, mais administrent la cité avec les citoyens : les pérégrins deviennent citoyens à la sortie de charge quand ils ont été magistrats. Le fait que les femmes ne soient représentées que par deux individus est aussi un " effet de source ", cette élite qui se manifeste par l'épigraphie étant constituée essentiellement d'hommes.

Quelques individus qui portent des noms latins peu courants en Gaule pourraient être d'origine italienne. Enfin, le fabriquant d'amphores à vin et possible propriétaire foncier du vignoble de " Mougon " à Crouzilles, Sacrovir, porte quant à lui un nom indigène.

Liste des ressortissants de la cité des Turons (Touraine antique) connus par les inscriptions :

à Céré-la-Ronde :

- Ilavina (cf. Gallia, 38, 2 : 329) : pérégrine ; nom gaulois ; stèle funéraire (? provenance douteuse : peut-être du département du Cher ?).

à Cheillé :

- Caius Nero (WUILLEUMIER 1963 : n°337) : époux de Secunda ; citoyen romain ; nom latin peu courant en Gaule (italien) ; inscription funéraire.

- Secunda (WUILLEUMIER 1963 : n°337) : épouse de C. Nero ; sans doute pérégrine ; nom latin, courant en Gaule ; inscription funéraire.

à "Mougon" (Crouzilles) :

- Sacrovir (cf. SCHWEITZ et al. 1986 : 67-68 et Fig. 8-9) : pérégrin ; nom celtique ; potier fabricant d'amphores sur cet atelier.

à Tours :

- Cl(audia) Ianuar(ia) (CIL, XIII, 3081) (2e-3e s.) : porte un gentilice latin impérial (famille de l'empereur Claude) et un surnom latin ; son conjoint (non officiel ? : amans) est pérégrin (Caratus) ; stèle funéraire.

- Caratus (CIL, XIII, 3081) (2e - 3e s.) : pérégrin, amans de Claudia Ianuaria ; dédicant de sa stèle funéraire.

- Caranus Optatus (cf. Gallia, 38, 2 : 333, Fig. 16) : graffiti de propriété sur un plat ; pérégrin ; premier nom celtique, deuxième nom latin, peu courant en Gaule (italien) ; ou plutôt deux personnages différents ?

- Comatul[lus] (ou Comatulla) (CIL, XIII, 3083a et b) : pérégrin ; nom celtique ; parent de Taranutius ; stèle funéraire, où il est associé à Paternianus.

- Festus (CIL, XIII, 3082) : sans doute pérégrin  ; nom latin, peu courant en Gaule (italien) ; inscription de Saint-Martin de Tours.

- [Iulia Seve]ra (CIL XIII, 3079) : flaminique ; gentilice impérial et surnom latin italien ; fille de Iulius Benignus ; dédicante d'un monument de la ville.

- Iulius Benig(nus) (CIL, XIII, 3079) : citoyen romain ; gentilice impérial et surnom latin ; père de Iulia Severa.

- Marcellus (CIL, XIII, 3082a) : nom unique latin courant en Gaule, pérégrin ; associé au nom de Perpetuus, sur une inscription de Saint-Martin de Tours.

- Optatus (Gallia, 38, 2 : 333 et Fig. 16) : pérégrin ; nom unique latin peu courant en Gaule (italien) ; associé au nom de Caranus sur un graffito.

- [Pater]nia[n]us (?) (CIL, XIII, 3083) : nom unique latin courant en Gaule, pérégrin ; nom associé à Caranutius et Comatullus sur une dédicace de Tours.

- Perpetuus (CIL, XIII, 3082a) : pérégrin ; nom unique latin, rare en Gaule (italien) ; inscription de Saint-Martin de Tours ; un évêque de Tours au 5e s. porte ce nom.

- Taranutius (ou Taranutia) (CIL, XIII, 3083) : pérégrin ; nom unique patronymique celtique (formé sur celui du dieu gaulois Taranus) ; parent (?) de Comatullus; dédicant d'une stèle funéraire, où il est associé à Paternianus.

à Yzeures-sur-Creuse :

- [Gia]millus (?) (CIL, XIII, 3075) : sans doute pérégrin ; nom celtique ; dédicace, où il est associé à M. Petronius.

- M(arcus) Petronius (CIL, XIII, 3075) : citoyen romain, dédicant du monument, où il est associé à [Gia]millus ; gentilice latin.

hors de la cité, à Lyon :

- Paternio Urso/Turono (CIL, XIII, 1703) : peut-être pérégrin, bénéficiaire d'une dédicace par les Trois Gaules.

- [...]L. Vul[... / ...tu]rono ; ou : [...fi]l(ius) Iul[ii.../ ... tu]rono (CIL, XIII 1716) : Turon (?), citoyen romain, prêtre au temple de Rome et Auguste à Lyon.

Voir aussi :
- Les lieux de sépulture de l'Antiquité

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