Approvisionnement des villes et marché du bois à la fin du Moyen Age


Gaelle Jacquet-Cavalli

Les sources utilisées pour étudier l'approvisionnement des villes et le marché du bois au Moyen Age sont essentiellement les délibérations municipales (séries BB), les quittances et mandements (séries DD) et comptes annuels (séries CC) des trois villes tourangelles présentées : Amboise, Loches et Tours.

Pour Amboise, les données couvrent la période de 1421 à 1498, et pour Loches, de 1477 à 1542, mais dans les deux cas avec des lacunes. Pour Tours, les données vont de 1358 à la fin du 15e siècle, et une deuxième source permet d'enrichir l'analyse : les archives notariales, qui traitent l'approvisionnement des particuliers (ADIL 3E1/1 à 3E1/5). Quelques archives ecclésiastiques complètent le propos (ADIL G52, G62, G167). Avec la croissance de la population urbaine, la consommation des villes en bois de chauffage et de construction augmente à la fin du Moyen Age. Les consommateurs sont des particuliers, y compris les artisans (boulangers, potiers...) et la municipalité. En effet, cette dernière gère les gros travaux d'aménagement de la ville : entretien des berges, ponts et fortifications, notamment à partir du milieu du 14e siècle pour ces dernières (CHEVALIER 1975). Ces travaux nécessitent du bois de construction, mais aussi du bois de chauffage (alimentation de fours à chaux pour l'édification des maçonneries par exemple, comme l'indiquent les comptes de la ville de Tours en 1359-1360).

Les indications fournies par les comptes prouvent que l'on utilise du bois de récupération pour effectuer certains travaux. Ainsi, toujours dans le compte de Tours de 1359-60, on dépèce un chaland pour utiliser les "ays pour le bateiz sur Loire" (les éléments de bois du bateau sont récupérés pour l'aménagement de structures de terre et de bois appelées "bateiz", destinées à assurer la stabilisation des berges de Loire et une protection contre les inondations). La demande en bois nouvellement coupé reste cependant forte et la ville devient au 15e siècle un débouché primordial pour les coupes de bois. Ainsi, le chapitre Saint-Gatien de Tours porte plainte en 1486 contre l'abbaye de Marmoutier qui l'empêchait de faire passer les produits provenant de son bois de Champlong à Rochecorbon par celui de Châtenay appartenant à Marmoutier pour les conduire à Tours (ADIL G62).

Pendant toute la seconde moitié du 14e siècle, le bois d'œuvre est acheté directement par le consommateur à des particuliers, dont il n'est pas précisé la qualité, et en petites quantités. Il s'agit donc probablement d'habitants des paroisses limitrophes ayant de petites coupes de bois à vendre. Les autres fournisseurs sont les établissements religieux possédant des bois non loin de la ville concernée, et enfin quelques charpentiers qui vont ensuite réaliser les travaux attendus. Le bois est utilisé vert, façonné directement en forêt par les charpentiers ou simplement équarri puis transformé par les scieries hydrauliques ou les ateliers urbains.

La situation évolue au cours du 15e siècle. Un véritable marché vers les villes se met en place, pour le bois d'œuvre et le bois de chauffage, avec des lieux qui lui sont dédiés. Ainsi, en 1432, la ville de Tours semble s'être constituée une réserve de bois, alors qu'auparavant elle achetait et faisait couper selon les besoins. A la même date, on a la mention d'une somme due à un charretier pour "deux autre tours de charroy pour mener à Sainte-Anne deux charrestées de boys prinses ou marché de Tours" (ADIL BB5). Les délibérations municipales indiquent aussi des ventes de bois sur les ports de la ville. A la fin du 15e siècle, un nouvel interlocuteur apparaît, le marchand de bois. Ce professionnel - qui n'a d'ailleurs pas encore le monopole des ventes - est issu des paroisses proches de la ville et son intervention n'implique pas pour autant une provenance lointaine des bois vendus. Ainsi, l'on sait que les adjudicataires des coupes de taillis résident en effet dans un rayon inférieur à 20 km du lieu de la coupe.

L'approvisionnement de Loches et Amboise en bois de construction à la fin du 15e et au début du 16e siècle se fait dans un rayon proche, généralement inférieur à 20 km (carte 1). Pour Loches, la forêt royale de Loches fournit une grande partie du bois. Pour Amboise, l'approvisionnement est plus diversifié mais reste local. A Tours, on constate la même situation de la fin du 14e siècle au début du 16e siècle. Ce sont les forêts les plus proches qui sont sollicitées, la forêt de Larçay (anciennement Bréchenay) notamment. La provenance la plus lointaine observée - environ 40 km - est le Bois d'Aiguevive qui fournit du bois pour les "grans pons de Tours" en 1399 (BOISSEUIL 1992:43). Le bois a été acheminé par le Cher. En effet, deux moyens de transports sont utilisés en Touraine à la fin du Moyen-Age pour l'acheminement des bois : par charroi, tiré par des bœufs ou des chevaux, ou par chaland. On n'a pas de mention de flottage des bois dans le corpus de sources étudié (JACQUET-CAVALLI 2003 : 332-343).

Le commerce du bois devient à cette période un enjeu économique et politique important, qui oblige les municipalités à le contrôler pour éviter spéculation sur les prix et problèmes d'approvisionnement. En effet, ce marché reste soumis aux aléas du transport, et un arrivage régulier est pourtant nécessaire car les possibilités de stockage sont réduites. Dans le cadre de ce marché, les crises d'approvisionnement sont donc fréquentes, mais semblent conjoncturelles, liées à la spéculation ou aux problèmes de transport. Elles ne seraient donc pas causées par une pénurie de bois. En effet, comme on l'a vu, l'approvisionnement et les échanges restent locaux, pour le bois de chauffage comme pour le bois de construction, ce qui montre bien que les ressources forestières proches sont suffisantes (JACQUET-CAVALLI 2003 : 317-350).

Voir aussi :
- Les forêts tourangelles au Moyen Age d'après les sources écrites

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