Châteaux et enceintes urbaines à la fin du Moyen Age


Alain Salamagne

1/ Les châteaux médiévaux

En Touraine, le réseau navigable, propice au commerce et à la défense, favorisa aux 12e et 13e siècles l'implantation des châteaux sur des éminences de faible relief mais stratégiques néanmoins, le long du fleuve ou des rivières, la Loire, le Cher, l'Indre (Amboise, Chaumont, Chenonceau, Tours, Montrichard...) ou sur des éperons (Chinon, Montrésor, Loches...). Si aux 14e et 15e siècles, cette implantation posait problème pour édifier de nouveaux corps de logis sur un plan régulier, plus ou moins quadrangulaire, cependant dans la plupart des cas elle fut conservée. Les châteaux de Tours, Chaumont, du Coudray Montpensier (document 1), des Etangs à Bossée, de Luynes, de Sainte-Maure de Touraine, adoptèrent ce plan quadrangulaire, dit plan philippien, car diffusé sous le règne de Philippe Auguste (1180-1223). Flanqué au 13e siècle de tours semi-circulaires ou circulaires, régulièrement percées d'embrasures de tir, ces châteaux étaient d'abord des forteresses dont les fonctions militaires étaient clairement affirmées. Si le contexte des années 1420-1440, avec la menace anglaise sur la Loire, entraîna une tentative d'adaptation à l'artillerie à feu sur les enceintes urbaines, elle reste néanmoins peu visible sur les châteaux qui, passé ce contexte difficile, s'orientent clairement vers la résidence de plaisance. La tradition en était antérieure, ainsi du Logis Royal de Loches (document 2), œuvre de Louis Ier d'Anjou, frère de Charles V, qui reçut le duché de Touraine en 1370. Le château groupe plusieurs bâtiments à l'intérieur d'une enceinte ménagée dans la zone septentrionale du promontoire, dont un corps de logis assis au bord de l'escarpement donnant sur la vallée de l'Indre, associant sur deux niveaux une salle de petite dimension et une chambre (GUILLAUME 2003).

Charles VII (1422-1461), comme dauphin, puis roi de France, résida dès 1420 en Touraine et principalement au château de Chinon entre 1427 et 1450 (document 3), où s'installa encore, à partir de 1450, la reine Marie d'Anjou. De nouveaux corps-de-logis furent construits ou restaurés entre 1442 et 1450 : adossés à la muraille sud du château du Milieu, trois corps de bâtiment (du sud au nord, la Grande salle, les Grands combles et les Petits combles) abritaient des pièces de service au rez-de-chaussée et les appartements du roi et de la reine à l'étage. Dans le même temps, Marie d'Anjou ajouta aux bâtiments anciens du château de Tours, selon un processus qui se retrouve à Amboise ou à Montrésor (document 4), un logis neuf. Mais à côté de ces châteaux, les rois de France possédaient encore des maison des champs (comme lieux de chasse en particulier), dont le manoir de Razilly près de Chinon, Bonaventure à Huismes ou Plessis-les-Tours, que Louis XI fit aménager à partir de 1469.

L'installation de la cour sur les rives de la Loire entraîna l'émergence d'une nouvelle couche sociale qui allait profiter de la faveur royale pour réédifier ses châteaux. Élevé de 1450 à 1460 par Pierre de Beauvau, premier chambellan de Charles VII, celui du Rivau (document 5), à 10 km au sud-est de Chinon, correspond à un type de château parfaitement représentatif : si les attributs de la fortification sont conservés (la tour-porte, les tours, les mâchicoulis), sa réalité a totalement disparu au profit des aménagements intérieurs (ALBRECHT 1986). Le château de Langeais, édifié de 1465 à 1475 sur l'ordre de Louis XI par Jean Bourré, notaire et secrétaire du roi, trésorier de France, s'il reste conforme à une volonté de signification militaire et symbolique avec son répertoire de hautes tours, de mâchicoulis, etc., en a perdu la réalité (document 7). A la suite des logis résidentiels construits dans les années 1470 par Louis XI, Charles VIII, au retour d'Italie, fit ériger de nouveaux édifices à Amboise aussi bien au sud (le logis des Sept-Vertus, la chapelle Saint-Hubert) qu'au nord (le logis de Charles VIII) (GAUGAIN 2013). Quant à la tour maîtresse qui avait joué un grand rôle de l'an mil au début du 13e siècle, elle céda la place à une ou plusieurs tours (Langeais, Montpoupon, Villandry) dont la symbolique se trouvait rehaussée par la monumentalité, le parapet à mâchicoulis ou la richesse du décor des toits contrastant avec la sobriété du décor des murs.

2/ Les enceintes

Sur 64 agglomérations d'Indre-et-Loire, l'analyse morphologique a reconnu 19 d'entre elles comme ayant été fortifiées (ZADORA-RIO et GAUTHIEZ 2003). Des restes en sont visibles à Amboise, Loches, Montbazon, Sainte-Maure, Savigné-sur-Lathan (document 8). Petites enceintes villageoises, sauf à Chinon et Sainte-Maure, où la surface enclose dépassait les 20 ha, elles ne pouvaient avoir qu'une fonction défensive limitée.

Les enceintes urbaines en Touraine eurent un développement relativement limité. À Tours, ce ne fut qu'en 1356, dans le contexte de la guerre de Cent Ans, que Jean le Bon suscita la construction d'une enceinte de réunion entre les deux pôles fortifiés de la Cité et de Châteauneuf : d'une superficie de 57 hectares et d'un périmètre de 4 500 m, elle était constituée de simples levées de terre confortées par des murs bas, renforcées au 15e siècle, sur les fronts sud non inondables, de boulevards et de tours d'artillerie. À Amboise, l'enceinte n'est clairement attestée qu'à partir de 1417 : située au pied du château au sud et contre la Loire au nord, et formant une excroissance à l'ouest, elle avait un périmètre de 1200 m et était percée de sept portes et flanquée de quatre tours (SALAMAGNE 2013). À Chinon, les fortifications se développèrent au pied du château à partir d'un noyau attesté dès le début du 13e siècle, qui engloba les faubourgs Saint-Etienne et Saint-Mexme au 15e siècle. Cette enceinte, flanquée d'une dizaine de tours et portes, ne tirait sa valeur que du château royal qui la surmontait. À Azay-le-Rideau, c'est en 1442 que Charles VII accorda par lettres patentes à Jehan de Montgomery, seigneur du lieu, et à Marie d'Auxigny, son épouse, l'autorisation de fortifier la ville en obligeant en contrepartie les habitants à y faire, comme au château, guet et garde. D'un périmètre de 1100 m pour une superficie enclose de 5 hectares, l'enceinte était flanquée de quelques tours semi-circulaires ou circulaires. À Bléré, le seigneur du lieu, Pierre Bérard, fit restaurer ou construire les fortifications de sa cité en 1449, fortifications probablement modestes qui devaient plutôt s'apparenter aux enceintes villageoises. Les tentatives d'adaptation à l'artillerie à feu des enceintes restèrent néanmoins limitées même si des boulevards furent édifiés à Tours ou Loches (devant les portes du Piquoys et des Cordeliers). La porte des Cordeliers dans cette même ville, reconstruite entre 1496 et 1499, illustre à quel point la fortification ressortissait plus du symbole que de la réalité.

De la même manière l'adaptation des châteaux se borna à la construction de tours d'artillerie à Amboise (tour Garçonnet) (GAUGAIN 2011) et à Chinon, et à l'adjonction d'un boulevard d'artillerie (dit de la Marche) au donjon de Loches, vers 1470-1480. En fait il faudra attendre la Renaissance pour voir une réelle modernisation de la fortification des châteaux et des enceintes.

Voir aussi :
- Le réseau urbain médiéval et moderne
- Chinon, l'évolution du site castral de la fin de l'âge du Fer à la fin du Moyen Âge
- Amboise, le château et la ville aux 15e-16e siècles
- Collégiales castrales et Sainte-Chapelle à vocation funéraire entre 1450 et 1560
- Les châteaux de la Renaissance
- Les châteaux du Moyen Age central (900-1200)

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