Les fondations de paroisses à l'époque moderne


Elisabeth Zadora-Rio

A la fin du Moyen Age, le réseau des centres paroissiaux est en place, et les fondations de nouvelles paroisses au cours de l'époque moderne sont rares.

A Richelieu, en 1638, la création d'une paroisse accompagna celle de la ville nouvelle bâtie par le cardinal. Son territoire fut distrait des paroisses de Brayes-sous-Faye et de Saint-Martin-du-Sablon, et entraîna la disparition du chef-lieu de cette dernière, inclus dans le parc du château nouvellement construit (document 1). L'église Saint-Martin du Sablon est mentionnée pour la première fois vers 1089, lorsqu'elle fut donnée à l'abbaye de Noyers, avec toutes les dîmes afférentes, par le chevalier Pierre de la Rajace.

D'autres fondations représentent l'élévation au rang de paroisse d'une « succursale », c'est-à-dire, selon le juriste Denisart, qui écrivait au 18e s., « une église dans laquelle se célèbrent les services de paroisse pour la commodité de quelques habitants éloignés de l'église paroissiale », et qui détient des fonts baptismaux et les Saintes Huiles, car « c'est principalement à cause des enfants nouveaux-nés et des personnes malades que les succursales sont établies » (MAILLARD 2000). Certaines de ces succursales peuvent avoir une origine ancienne : ainsi l'église de Neuil, succursale de Crissay-sur-Manse érigée en paroisse en 1540, est mentionnée déjà dans la seconde moitié du 11e s. dans le Cartulaire de Noyers, et l'église de Montrésor, érigée en paroisse en 1700, est attestée dès 1150 dans le Cartulaire de Villeloin.

A Sainte-Catherine de Fierbois, succursale de Sainte-Maure érigée en paroisse en 1704, et à Lussault, démembré de Saint-Martin-le-Beau en 1783, ce sont les habitants qui ont pris l'initiative de demander l'érection de leur succursale en paroisse. Les enquêtes réalisées à cette occasion détaillent parfois les motifs. Les habitants de Lussault mettent ainsi en avant la distance (1,5 lieues) et les difficultés du chemin à travers la forêt d'Amboise, qui isole leur village de celui de Saint-Martin-le-Beau, et ils soulignent la dégradation de leur situation religieuse depuis que le prêtre, desservant de la succursale créée en 1628, ne réside plus sur place mais dans le presbytère de Saint-Martin-le-Beau. Ils obtinrent satisfaction en 1783 (MAILLARD 2000).

D'autres communautés d'habitants eurent moins de succès : ni Bréhémont, succursale de Rivarennes, ni La Chapelle-aux-Naux, succursale de Saint-Jean-de-Langeais, ni Saint-Roch, succursale de Vallières, ni Saint-Genouph, succursale de Berthenay, ni Marigny-Marmande, succursale d'Antony, n'obtinrent le statut paroissial. Elles avaient néanmoins, sur le plan fiscal, le statut de collecte, et devinrent des communes en 1790.

Aucune de ces succursales, qu'elles aient ou non été converties en paroisses à l'époque moderne, ne figure dans les pouillés de la fin du Moyen Age, certaines peut-être en raison de leur pauvreté (MAILLARD 2000).

Si la promotion de succursales au rang d'églises paroissiales a répondu a une demande des communautés d'habitants concernées, d'autres paroisses nouvelles, fondées à l'initiative de grands seigneurs, eurent un caractère essentiellement politique.

A Paulmy, l'église, placée sous le vocable de la Sainte-Croix, fut construite (ou reconstruite) en 1585-1586 et aussitôt consacrée. Le document délivré à cette occasion indique que le bourg de Paulmy relevait alternativement, un an sur deux, des paroisses de Neuilly-le-Brignon (autrefois Neuillé-le-Noble) et de Ferrière-Larçon : « j'ai nouvellement consacré et dédié à Dieu l'église construite dans le lieu de Paulmy, à l'intérieur des limites et des bornes, alternativement un an sur deux, des paroisses de Neuillé-le-Noble et Ferrières-Larçon, dans le diocèse de Tours », déclare le seigneur. En 1615, Louis le Voyer, seigneur du lieu, fonda un couvent d'Augustins et lui donna l'église et le cimetière avec d'importants revenus. En 1659, son fils, Jacques le Voyer, adressa une requête à l'archevêque de Tours dans le but d'obtenir l'érection de l'église en église paroissiale, et celui-ci lui donna satisfaction, par ordonnance, la même année. Paroisse sur le plan spirituel, Paulmy resta encore pendant un siècle dans la dépendance de Ferrières-Larçon sur le plan fiscal. C'est seulement en 1757 que le roi créa la paroisse fiscale (ou collecte) de Paulmy, en réunissant à ce bourg des hameaux et des écarts distraits des paroisses de Ferrières-Larçon, Cussay et Neuilly (CARRE DE BUSSEROLLE 1878-1883, art. Paulmy).

A Pocé-sur-Cisse, Pelluye, trésorier de France, seigneur de Pocé, légua en 1708 une somme de six mille livres pour pourvoir à l'entretien d'un curé et permettre l'érection de la succursale en paroisse. En raison à la fois de l'inaction de l'exécuteur testamentaire et de l'opposition du curé, du seigneur et des habitants de la paroisse matrice, Saint-Ouen-les-Vignes, le décret d'érection de la paroisse ne fut promulgué qu'en 1771 (MAILLARD 2000).

A ces fondations seigneuriales il faut rattacher quatre paroisses castrales, dont le territoire, minuscule, était limité à l'enceinte du château.

C'est le cas du Plessis-les-Tours, résidence de Louis XI, où le roi fonda en 1482 une collégiale de douze chanoines sous le vocable de Saint-Jean-des-Montils. La bulle papale confirmant cette érection instituait aussi une paroisse sous le vocable de Saint-Mathias dont l'église était différente de la collégiale Saint-Jean. Son territoire était limité à l'enceinte du château, y compris le parc, le couvent des Minimes et les maisons des chanoines (GORRY 1985 : 367).

Aux Roches-Tranchelion (commune d'Avon-les-Roches), la collégiale Saint-Jean-Baptiste fondée en 1527 par Lancelot de la Touche, lieutenant général des armées du roi et seigneur des Roches-Tranchelion, fut consacrée et érigée en paroisse par l'archevêque ; elle était desservie par cinq chanoines et deux enfants de chœur, et son territoire était limité à l'espace enclos dans les murailles du château (CARRE DE BUSSEROLLE 1878-1883, art. Roches-Tranchelion : 405-408 ; NOBLET 2009).

La collégiale Sainte-Anne du château d'Ussé (commune de Rigny-Ussé), fondée en 1534 par René d'Espinay et desservie par six chanoines, a été également dotée d'emblée, avec l'accord de l'archevêque, de droits paroissiaux ; elle possédait un baptistère, administrait les sacrements et le chantre de la collégiale portait le titre de curé d'Ussé ; elle était également dotée d'un cimetière. La paroisse, dont le ressort était limité à l'enceinte et au parc du château, subsista jusqu'à la Révolution en concurrençant avec succès l'ancien centre paroissial de Rigny (document 2) (ZADORA-RIO 1992 : 27-31 ; NOBLET 2009).

Une paroisse du même type, qui tenta de s'instituer dans la chapelle du château de Montgoger (commune de Saint-Epain) deux siècles plus tard, n'eut qu'une existence éphémère, de 1748 à 1751 (GORRY 1985 : 395).

Ces fondations, liées à une volonté d'ostentation seigneuriale, ne sont pas une innovation de l'époque moderne ; elles obéissent aux mêmes principes que les paroisses créées par les comtes d'Anjou au 11e s., dont le ressort était également limité par le périmètre de l'enceinte castrale (ZADORA-RIO 1979).

Saint-Nicolas-de-Bourgueil représente un cas particulier. L'église Saint-Nicolas était située sur le territoire de la paroisse de Bourgueil, et la collecte de La Taille, qui ne comportait pas d'église, lui fut rattachée en 1787. Le bourg de Saint-Nicolas-de-Bourgueil fut construit en 1834 au centre de ce territoire, et une nouvelle église paroissiale y fut édifiée. C'est un cas exceptionnel de fondation de chef-lieu de commune ex nihilo.

La documentation relative aux créations de paroisses de l'époque moderne, plus prolixe que les sources médiévales, illustre bien la complexité des intérêts en jeu, qui paraissent remarquablement constants depuis le Moyen Age.

Voir aussi :
- La mise en place des églises rurales et la formation du réseau paroissial
- Collégiales castrales et Sainte-Chapelle à vocation funéraire entre 1450 et 1560

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