Truyes, "Les Grandes Maisons" : l'établissement du haut Moyen Age


Stéphane Joly

Suite au diagnostic réalisé dans le cadre de l'autoroute A85 (PORCELL 2004), une fouille a été entreprise sur 1,9 ha sous la direction de Jérôme Tourneur (TOURNEUR 2005). Ces travaux restent inédits. Lors d'un travail de relecture et synthèse, de nouvelles hypothèses et interprétations ont été proposées qui se démarquent parfois nettement de celles proposées initialement (JOLY 2009, JOLY 2012).

Au total environ 500 vestiges ont été fouillés lors du diagnostic et de la fouille, parmi lesquels les soubassements de pierre d'un grand bâtiment (carte 2 et document 1). Le mobilier atteste une première occupation datable du Haut-Empire. Un hiatus de l'occupation est probable au 4e s. mais il correspond à un phénomène quasi général en région Centre, sans que l'on puisse l'expliquer clairement. D'après le mobilier céramique, la période principale d'occupation commence au 5e-6e s. et perdure jusqu'au 6e-7e s. L'essentiel du mobilier est plus précisément datable entre la seconde moitié du 6e s. et le début du 7e s. L'organisation spatiale antérieure est clairement abandonnée, notamment le parcellaire, et cela semble être également le cas du bâtiment de pierre qui avait été initialement attribué au haut Moyen Age : la multiplicité des creusements recoupant ses fondations indique que la construction en elle-même n'existe probablement plus, et qu'il faut sans doute la mettre en relation avec l'occupation antique (carte 3). Un chemin principal, quelques rares fossés et clôtures organisent l'espace de ce premier haut Moyen Âge. Les très nombreux trous de poteau révèlent une intense activité de construction, même si ils ne permettent pas toujours d'identifier des bâtiments (carte 4). Le mobilier découvert offre peu d'indices quant au statut des habitants ou à leurs fonctions principales. Les activités agricoles sont probablement prédominantes. Une dizaine de lots de scories concentrés au nord-est atteste sans doute d'un artisanat métallurgique, même si il a pu rester modeste ou éphémère. Cet habitat ne perdure pas au delà du 7e s. Désormais, les terrains sont exclusivement occupés par quelques fossés et un espace funéraire lâche avec huit individus (document 3 et document 4). Les sept datations par radiocarbone de ces sépultures sont comprises entre la fin du 7e s., voire le 8e s. jusqu'aux 9e-10e s. au plus tard. Ces vestiges successifs (habitat antique, habitat 5-7e et sépultures fin 7e-9/10e s.) indiquent une occupation sur la longue durée des terrains, pendant près d'un millénaire. L'étude carpologique réalisée par Bénédicte Pradat démontre la présence de prairies destinées au pâturage et de champs cultivées. A la même époque est attestée la villa de "Fabrica" ("Forges"), citée dès 791 et plus tard prieuré localisé à la jonction des communes de Truyes, d'Azay-sur-Indre et d'Esvres à environ 800 m du site.

Entre les 9e-10e s. et le 16e s. l'absence de tout indice d'occupation, même sous forme de mobilier résiduel, indique un changement radical d'utilisation des terrains. Les sources confirment l'existence de la forêt de Bréchenay dont cette partie a été défrichée en 1540 lors d'une opération de grande ampleur permettant l'installation planifiée de quatre métairies sur 200 arpents (102 ha) (JACQUET-CAVALLI 2003 : 115-6 et 2005 : 102-3). Le parcellaire régulier et laniéré visible sur le cadastre de 1822 est clairement lié à ce défrichement de 1540, sans aucune trace des éléments structurants des occupations antérieures. Ce défrichement a en effet induit un parcellaire qui se distingue très clairement par la taille et la régularité de ses parcelles permettant de supposer une planification préalable avec un plan orthonormé et des modules de 450 m de côté (JACQUET-CAVALLI 2003 : 115-6 et 2005 : 102-3). La forêt attestée en 1540 s'est donc implantée entre les 9e-10e s. et le début du 16e s. au plus tard. Les terrains nouvellement défrichés semblent ensuite exclusivement utilisés à des fins agro-pastorales au vu de la quasi- absence de vestige repéré. La métairie des "Grandes Maisons" mentionnée par les textes se situe probablement sous lehameau actuel, déjà attesté sur le cadastre de 1822. L'hypothèse initiale d'un habitat créé ex nihilo aux 5-6e s. dans un ilot de défrichement au cœur d'un vaste massif forestier et dont la faible durée traduirait une forme d'échec face à la forêt dominante (TOURNEUR 2005 : 64-5) semble à abandonner pour privilégier plutôt une perduration au haut Moyen Âge des paysages ouverts et des habitats ruraux antiques, malgré d'évidentes évolutions et déplacements.

Voir aussi :
- L'habitat rural au Moyen Age

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