Rochecorbon : l'église Saint-Georges et sa charpente romane


Frédéric Epaud

L'ancienne église paroissiale Saint-Georges de Rochecorbon est située à 3 km en amont de Tours, dans un petit vallon débouchant sur la Loire. Etablie à flanc de coteau, elle domine un village constitué de nombreux habitats troglodytiques, de carrières et de caves liées à la viticulture (carte 1). Dénommée parochia Sancti Georgii dès 1256 dans une charte de l'abbaye de Marmoutier, la paroisse constituait un fief relevant de l'archevêché de Tours. Cette commune fut réunie à celle de Rochecorbon en 1808, mais l'église resta affectée au culte. La découverte d'un sarcophage mérovingien, en 1851, au pied de l'édifice, fait présumer l'existence d'un cimetière dès le haut Moyen Âge en ce lieu.

L'église possède une nef plafonnée de 8,15 m sur 5,30 m et un chœur de plan carré de 3,70 m de côté. Celui-ci est flanqué au nord d'un passage latéral et d'une tour-clocher donnant accès à deux salles troglodytiques (carte 2 et Document 1). La phase primitive correspond aux élévations de la nef et du chœur qui sont presque intégralement conservées. Leurs murs présentent un parement en petit appareil régulier de moellons de tuffeau, de formant presque carré, noyé dans un épais mortier, avec des angles constitués de grandes pierres d'appareil irrégulières, aux joints épais rubanés. Les murs sont dépourvus de contrefort, de corniche, de modillon et de tout décor sculpté excepté une plaque timbrant le pignon oriental, lui-même souligné d'un cordon de billettes. Quelques pierres gravées d'entrelacs sont également présentes dans le mur sud de la nef, et semblent d'époque romane, hormis un réemploi carolingien. Les deux portes de la nef, comme les grandes baies, portent un arc en plein-cintre composé de claveaux fins et rectangulaires (Document 3).

Le mur nord de la nef conserve les vestiges d'un vaste décor peint représentant une scène historiée du Lavement des Pieds, datant vraisemblablement de la construction de l'église, complétée au début du 13e siècle par une illustration de la Cène.

Dans la première moitié du 12e siècle, le chœur roman, originellement plafonné, fut couvert d'une voûte en berceau en plein cintre. Lors de ce chantier, une tour-clocher précédée d'un passage latéral lui fut adjointe au nord, contre la paroi rocheuse, avec un accès à deux salles troglodytiques dont la datation reste incertaine (carte 2).

En 1888, une campagne de rénovation porta sur la charpente romane de la nef qui était alors encore en place. Tous les entraits furent alors conservés dans leur position d'origine, avec un réemploi de plusieurs chevrons dans la nouvelle charpente. L'analyse dendrochronologique, réalisée sur ces bois, sur la base de 18 échantillons, a daté leur abattage et donc, la mise en œuvre de la charpente romane, de 1028. Il s'agit donc de la plus ancienne charpente recensée actuellement en France (Document 2).

Sa restitution est permise par les entraits et chevrons conservés ainsi que par le « fantôme » d'une ferme, plaquée contre le pignon occidental qui a été enduit tardivement, ayant ainsi imprimé son négatif sur le mur. Cette charpente était constituée de huit fermes indépendantes, non contreventées, espacées à l'entraxe de 1,15 m et débordant à l'extérieur des murs (Document 2). Les entraits reposaient sans assemblage sur des doubles sablières, reliées entre elles par des entretoises assemblées à mi-bois. Chaque ferme était constituée d'un entrait à la base, d'un couple de chevrons, inclinés à 36° et raidis par deux potelets latéraux et un poinçon. Les potelets s'assemblaient aux entraits et aux chevrons par de forts mi-bois à demi-queue d'aronde, et le poinçon par un mi-bois à queue d'aronde à l'entrait. Aucune marque d'assemblage n'a été conservée. Tous les assemblages étaient fixés par de fortes chevilles de 3 cm de diamètre, et dont certaines possédaient un coin enfoncé dans leur queue.

Les sablières, monoxyles sur les 8,15 m de la nef, sont issues chacune de la moitié d'une bille de chêne débitée par fendage, tandis que les entraits proviennent de bois de brin en chêne, équarris à la doloire. Les chevrons, quant à eux, ont été équarris exceptionnellement dans du châtaignier, sans doute en raison de difficultés à trouver des chênes de faible diamètre (15 cm), contrairement aux entraits, issus de chênes de 40 à 50 cm de diamètre en pied (Document 4). En effet, la viticulture, attestée sur ce terroir aux 10e-11e siècles, a privilégié l'exploitation des forêts en taillis de châtaignier pour la production des échalas, des fûts et des cercles. Il était dès lors plus aisé de se procurer les bois du chevronnage, à savoir des bois jeunes, courts et de faible diamètre, dans ces proches taillis de châtaignier plutôt que dans des chênaies qui étaient probablement plus éloignées. Notons que les bois de Châtenay et de Champlong, situés à proximité immédiate de Rochecorbon, tenus par le chapitre de l'Eglise de Tours, comme l'église Saint-Georges, ont donc vraisemblablement servi à l'approvisionnement en bois d'œuvre de ce chantier au 11e siècle, sachant que ces bois, au 16e siècle, étaient exploités en taillis de châtaignier.

Voir aussi :
- La mise en place des églises rurales et la formation du réseau paroissial
- Inventaire des églises paroissiales préromanes en Indre-et-Loire et en bordure des départements limitrophes

mentions légales | Haut de page

Contact
Sommaire
Auteurs
Glossaire
Bibliographie générale
Recherche