La palynologie


Lionel Visset

Depuis plus de dix ans, à la faveur des programmes CNRS « Environnement, Vie et Sociétés » (PEVS), puis « Zone Atelier Loire » (ZAL) (dir. J. Burnouf), du Projet Collectif de Recherche (PCR) « Géoarchéologie de la Loire moyenne et de ses marges (dir. N. Carcaud), de l'Action Concertée Incitative (ACI) « Dynamique des paysages et des sociétés préindustrielles » (dir. A. Ferdière et E. Zadora-Rio), et du programme INSU-ECLIPSE « Impact anthropique sur l'érosion des sols et la sédimentation dans les zones humides associées durant l'Holocène » (dir. J.-G. Bréhéret et J.-J. Macaire), nous avons été amenés à réaliser des sondages en paléochenaux ou paléovallées, dans lesquels des millions de grains de pollen, issus de la végétation environnante, véritables archives polliniques, se sont déposés et fossilisés au cours des temps, en contemporanéité avec les comblements anoxiques de vase et de tourbe, le pollen étant un élément très résistant à la plupart des agents chimiques, sauf à l'oxygène.

Les techniques de prélèvements et d'analyse

Afin de réaliser une étude paléoenvironnementale par la palynologie, il faut donc prélever l'ensemble de la séquence sédimentaire, reposant sur le socle géologique. Cette colonne stratigraphique (la carotte) est ensuite découpée en niveaux, en général de 5 cm (la maille), chacun étant référencé avec précision. La maille peut parfois être réduite à 1 ou 2 cm, lorsque des changements de sédimentation sont mis en évidence. L'extraction des grains de pollen et leur coloration demandent la mise en œuvre de différentes techniques physico-chimiques selon les sédiments (tourbe, argiles, vases...). Les culots de centrifugation obtenus à la fin des opérations sont alors montés dans la glycérine, entre lame et lamelle, afin de faire tourner les grains de pollen pour les observer au microscope optique (x 500 et x 1000) sous différentes vues et les déterminer. En effet, l'un des principes de l'analyse pollinique repose sur la spécificité du grain de pollen dont les caractéristiques morphologiques permettent d'identifier la plante émettrice : les principaux critères envisagés sont la taille (comprise entre 5 µm et 120 µm), la forme générale (ovale, rond, sub-triangulaire...) le nombre et le type d'apertures et enfin l'ornementation. En général, la détermination s'arrête à la famille (par exemple les graminées, avec toutefois la distinction entre graminées sauvages et graminées cultivées (les céréales) ; parfois, elle atteint le genre (comme pour Quercus, le chêne ou Juglans, le noyer) et dans le meilleur des cas l'espèce (Centaurea cyanus, le bleuet, Quercus ilex, le chêne vert). Après avoir comptabilisé un minimum de 300 grains de pollen par niveau, nombre permettant d'aboutir à une bonne représentation statistique de l'ensemble de la pluie pollinique, les pourcentages relatifs des taxons identifiés (les spectres polliniques) sont ensuite calculés afin de construire le diagramme pollinique, langage codé et véritable outil de l'analyse palynologique, le postulat étant que les spectres polliniques représentent fidèlement la pluie pollinique de la végétation qui environnait le site au moment du dépôt du sédiment étudié.

La datation des séquences polliniques

Les datations en âge absolu, par dosage du radiocarbone (14C), sont effectuées, par des laboratoires de physique nucléaire spécialisés, en des points remarquables sur des sédiments organiques (tourbe, vase, bois). Ces datages correspondent aux âges conventionnels, exprimés en BP (Before Present ou avant le Présent), arbitrairement fixé à 1950 ; ils sont toujours accompagnés d'un intervalle d'erreur (l'écart-type sigma) exprimé à 66% de probabilité. Du fait de la variabilité de la teneur en 14C de l'atmosphère au cours des temps, les âges conventionnels sont corrigés par calibration à l'aide du logiciel « Radio Calibration Programm » du Quaternary Isotope Laboratory de l'Université de Washington (STUIVER et al., 1998), avec un écart-type de 2 sigmas, permettant l'obtention d'un intervalle entre deux dates entre lesquelles la « date réelle » se situe avec 95% de chance. Ces « dates réelles » sont exprimées en cal. BP, puis en cal. BC (Before Christus ou avant J.-C.) ou en cal. AD (Anno Domini ou après J.-C.) (voir document 5).

Les dates calibrées en BC ou AD permettent, à partir de la synthèse de nombreux travaux effectués dans l'ouest de la France, d'envisager une chronologie des périodes préhistoriques et historiques (voir document 4), document indispensable pour appréhender les modifications des rapports que l'homme entretient avec son milieu depuis le Néolithique (déforestation, céréaliculture, pratiques agro-sylvo-pastorales...). D'un élément passif subissant les facteurs environnementaux, il devient un élément actif intervenant dans la dynamique d'évolution du paysage végétal, dont il est l'une des principales composantes.

La reconstitution de l'évolution du paléoenvironnement

Les diagrammes polliniques sont découpés verticalement en zones polliniques locales (les biozones ou Zones d'Assemblage Pollinique : ZAP), qui sont établies en fonction de la variation du pourcentage d'au moins deux taxons locaux (CUSHING, 1963), différents de ceux situés immédiatement au-dessous et au-dessus. Les zones polliniques adjacentes sont ensuite regroupées en fonction de la variation significative des taxons dominants et forment ainsi des phases écologiques permettant d'appréhender les formations végétales majeures, livrant une image globale du paysage environnant. Les chronozones (MANGERUD et al., 1974), correspondant à une chronologie absolue, valable à une échelle régionale, sont définies à partir d'une ou de plusieurs phases écologiques et calées chronologiquement grâce à des datations par le radiocarbone réalisées sur de très nombreux sites. Les chronozones sont donc définies à la fois par des dates, par une emprise géographique, et par leurs caractéristiques écologiques (steppes, chênaie diversifiée, hêtraie...). Elles permettent de situer les séquences analysées en Touraine par rapport aux grandes périodes climatiques des 15000 dernières années du Quaternaire récent, avec le Tardiglaciaire (Dryas ancien, Bølling, Allerød, Dryas récent) et l'Holocène (Préboréal, Boréal, Atlantique, Subboréal, Subatlantique) (voir document 1, document 2, document 3).

Bien que les séquences paléoenvironnementales présentent, en fonction de la position des sites, quelques hiatus, dus aux variations de la dynamique de la Loire (incision, érosion), les analyses polliniques de douze carottages permettent toujours de retrouver une phase manquante et donc de tenter une reconstitution de l'évolution des paysages végétaux en Touraine, depuis le Tardiglaciaire jusqu'aux époques subactuelles, voire actuelles. Pour passer d'une liste de grains de pollen, exprimés en valeurs relatives (pourcentages), à une reconstitution de la végétation en un lieu à une époque donnée, de nombreux paramètres sont à prendre en compte. La production et la dispersion du pollen étant très variable d'une espèce à l'autre, une des difficultés majeures est de déterminer si l'image pollinique reflète la végétation locale, ou plus lointaine (HEIM, 1970). La précision de l'analyse est d'autant plus fine que les prélèvements sont rapprochés.

Les sites retenus sont ceux de la vallée de la Choisille, affluent de la rive droite de la Loire à Saint-Cyr-sur-Loire (Charcenay, Riabelais, Bois-Jésus), à Cérelles (La Grande Brousse), à Nouzilly (Les Naudières), du Val de Loire à Tours (Lycée Descartes), à Cinq-Mars-la-Pile (La Canche et Le Mouton), à Vallères (Les Caves d'Amont), à Langeais (Les Tronchées), de la vallée de la Vienne à Parcay (Le Pont, Les Fours) (carte 1).

Voir aussi :
- Le paléoenvironnement au cours de l'Holocène d'après les données palynologiques
- Le paléoenvironnement au Tardiglaciaire d'après les données palynologiques

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