L'évolution générale du système des routes de la Poste aux Chevaux sur le territoire français correspond à une mutation profonde dans l'organisation du territoire national, en lien avec une croissance forte du réseau. Deux phénomènes coexistent, le premier est celui d'une hiérarchisation de carrefours se situant le plus souvent dans les villes ; le second est une densification différenciée du réseau, plus forte dans le nord et dans le nord-est, plus faible dans le sud et le sud-ouest. Encore hésitante en 1632, puisque Paris est encore concurrencé par Lyon, voire par un agglomérat du Val de Loire (Chinon, Loches, Amboise, Plessis les Tours, Tours, Chenonceau, Blois...), dès 1733, c'est l'affirmation de la centralité parisienne, puis de celle de quelques grandes villes qui semble organiser le maillage des voies. L'organisation du territoire, qui sous-entend non seulement la gestion des nouvelles provinces, mais encore l'organisation des relations entre l'ensemble des capitales de provinces et Paris, est à l'origine de ce réseau de routes qui passe de 7.300 à 28.200 kilomètres pendant la période. Les centres importants y cumulent de nombreuses voies pour former des carrefours. Lors de cette mutation Tours est loin de s'imposer, puisque sa position relative dans le réseau ne s'améliore pas clairement par rapport au début du 17e siècle. En revanche, le début du 19e siècle permet de voir que la situation de Tours a considérablement évolué. Du point de vue de la hiérarchie des carrefours, la ville est encore loin des niveaux atteints par Lyon ou Rouen, mais elle devance Nantes et égale Orléans ou Rennes. On note en outre que le maillage maintenant densifié de la Touraine se rattache en continuité avec celui qui s'étend depuis la Flandre.
A suivre le processus de croissance du réseau à l'échelle d'une vaste région autour de Tours, il est possible d'observer d'abord la lente diffusion d'un système de voies fortement connectées qui vient du nord, et ensuite la mise en place d'un carrefour tourangeau. Derrière les mutations qui s'opèrent durant les deux siècles qui courent de 1632 à 1833, il y a bien sûr des logiques nationales. Mais celles-ci se mêlent avec ce que Bernard Lepetit appelait "la logique du rapt" (1988 : 107) qui pousse les villes concurrentes à tout faire pour s'approprier tous les avantages possibles. L'obtention d'un relais, c'est en effet la garantie d'être au plus près de l'information, ce qui avantage tant le commerce que les élites politiques.
En 1632, le système des routes de la Poste aux Chevaux existant dans cette zone semble d'abord indiquer l'existence d'un réseau non hiérarchisé. Orléans, Blois, Tours, Poitiers, voire Bourges et Angers n'offrent pas de différences notables, et c'est peut-être là l'une des spécificités du Val de Loire du 17e siècle, dans lequel une série de pôles semblent coexister sans que l'un ne l'emporte réellement sur les autres. Encore en 1708, cette faible hiérarchisation permet à Amboise d'accueillir un carrefour, alors que ni Tours, ni Blois n'en obtiennent un. Le glissement qui suit s'opère d'ailleurs contre Tours, puisque Blois réussit à capter l'une des voies vers l'Espagne à son profit, alors que Tours capte, de son côté, une route en direction de Rennes qui la place peut-être en tête de pont vers la Bretagne pour les villes en amont sur la Loire. Dès le milieu du 18e siècle, Blois perd son avantage, pourtant ancien, de point de passage possible entre Paris et l'Espagne. Orléans paraît alors être la ville qui l'a emporté, cela même si Tours profite du déclassement de Blois pour obtenir une liaison directe avec Poitiers. C'est lorsque le système dense de voies commence à gagner le Maine par diffusion depuis la Normandie et l'Ile-de-France que Tours obtient la mise en place d'un axe majeur entre Paris et l'Espagne. Il s'agit là d'une rupture dans les positions qui tourne au désavantage d'Orléans, qui, de carrefour majeur, passe au second plan derrière Tours, voire Le Mans. Les économies effectuées sous l'Empire montrent d'ailleurs le déclassement d'Orléans qui ne rattrapera une partie de son retard que sous la Restauration. Entre temps, Tours a en partie réussi à s'imposer comme l'un des carrefours majeurs de la région, mais se trouve déjà en concurrence avec l'un des autres points de passage sur la Loire, Saumur.
En 1833, une vingtaine de localités du département de l'Indre-et-Loire constituent des relais pour le service de la poste aux chevaux. Certains sont anciennement implantés, d'autres sont récents, les relais variant au gré des fluctuations dans les itinéraires ou des ouvertures et fermetures de routes (la liste des relais depuis 1632 est proposée dans le document 1). Le choix des implantations obéit à deux logiques principales : elles correspondent à une ville importante (Tours, Chinon, Loches, Amboise...) ou à des étapes pour les changements de chevaux, environ tous les 10 km ou lors du franchissement d'une rivière ou d'un fleuve (Azay, Cormery, Montbazon...). Parfois les distances entre les relais sont plus courtes, pour assurer des gains de vitesse sur les routes les plus importantes (ici les deux routes historiques Paris-Bordeaux et Paris-Rennes, qui se croisent à Tours). Dans le deuxième tiers du 18ème siècle, l'écartement entre deux relais peut se réduire à moins de 10 kilomètres, avant d'augmenter ensuite du fait de l'amélioration du système technique des routes de poste dans son entier. En témoignent les progrès dans la construction des voies par les Ponts et Chaussées, visibles à travers l'Atlas Trudaine, les progrès des systèmes d'attelage et de suspension, voire des fers à cheval, ou la sélection des chevaux qui impose peu à peu la race du "postier breton". Outre ces logiques d'équipement en relais qui favorisent certains itinéraires, on note aussi l'émergence progressive de logiques favorisant certaines villes par rapport à d'autres. Ainsi, comme pour la plupart des villes importantes de l'époque, on voit se constituer une véritable étoile routière autour de Tours, qui devient un carrefour régional pour les échanges.
Les voies ont été représentées sur la carte par des segments, tracés à vol d'oiseau, en pointillé. En effet, les sources nous renseignent sur les relais mais ne permettent pas de reconstituer le tracé des voies entre deux relais. Ces itinéraires sont d'ailleurs fluctuants, d'une année à une autre, voire d'une saison à une autre.
Les relais de poste en Touraine de 1632 à 1833
Frontispice de L'indicateur fidèle ou Guide des voyageurs, qui enseigne toutes les routes royales et particulières de la France... de Michel, ingénieur-géographe du roy à l'Observatoire, et Desnos, ingénieur-géographe. Publié en 1764, il fut réédité plusieurs fois jusqu'en 1785.
Assiette de faïence du 18e s. à décor d'une brouette ou d'un char à quatre roues tiré par quatre chevaux attelés en file
Les deux conducteurs représentés sont probablement des employés de roulage ou de messagerie. La voiture est une sorte de char à banc qui fait penser au "panier à salade" utilisé par la poste aux chevaux pour son premier modèle de malle-poste. Le postillon, qui travaille dans un relais de poste est assis sur le cheval de tête. C'est lui qui ramènera les chevaux au relais précédent, une fois le relais suivant atteint.
© Photo L'Adresse Musée de La Poste, Paris / La Poste
Malle-poste au relais, modèle 1805
Gravure en couleur, datée de 1817, de Victor-Jean Adam et Louis-Philippe-Alphonse Bichebois, d'après une oeuvre de Jean-Antoine Duclaux. Elle représente une malle-poste, stationnant devant un relais qui porte, inscrite au dessus du portail, la mention "Poste aux chevaux". On y aperçoit le postillon et divers domestiques du relais qui s'activent et changent les chevaux. La scène, animée de divers personnages, se passe dans un village ; la malle-poste est attelée à deux chevaux; des bottes de postillon gisent sur le sol à côté d'elle. Ces bottes sont faites de métal forgé. Elles protègent les jambes du postillon en cas d'accident, ou si le cheval s'effondre, mort de fatigue. Un postillon ramenant ses deux chevaux au relais arrive par la route située sur la droite.
© Photo L'Adresse Musée de La Poste, Paris / La Poste
La cour d'un relais de poste
Huile sur toile, d'époque Premier Empire, représentant une malle-poste de 1805 dans la cour d'un relais de poste ; le postillon, en uniforme, est en train d'harnacher le cheval.
© Photo L'Adresse Musée de La Poste, Paris / La Poste
Le relais des Ormes constitue un exemple particulièrement monumental de ce type d'établissement. Construit par le comte d'Argenson peu après le milieu du 18e siècle, (Combeau 1999 : 419-452), il se trouve sur la route Paris-Bordeaux (route d'Espagne), aux confins de la Touraine et du Poitou (carte3).
Les bâtiments forment un vaste quadrilatère autour d'une cour avec un grand bassin. Un magnifique portail s'ouvre sur la route. A l'opposé, un autre portail conduit à un manège.