Les inscriptions funéraires du haut Moyen Age (6e-9e siècles)


Cécile Treffort

Carte 1

Les inscriptions des 6e-8e siècles, dont il n'existe pas d'inventaire exhaustif, semblent extrêmement rares en Touraine, et presqu'exclusivement funéraires. Il s'agit en particulier de l'épitaphe d'Aigulfus, du 6e-7e siècle, provenant de Mistrais (commune de Langeais)(Document 1), et de l'endotaphe de Lupicina, découverte à Pussigny et attribuée au 7e-8e siècle (Document 2).

La situation change radicalement à l'époque carolingienne qui compte une douzaine d'épitaphes réalisées entre la fin du 8e et le troisième quart du 9e siècle, provenant toutes de Tours, à une exception près (Saunay, document 4).




Document 1

Langeais, « Mistrais » : épitaphe d'Aigulfus (photo Cécile Treffort)

L'inscription funéraire découverte en 1896 sur le site de Mistrais (commune de Langeais), dans l'édifice funéraire mérovingien interprété comme hypogée, est gravée sur une petite plaque de grès de 21 x 31 cm. Aujourd'hui conservée dans les collections de la Société archéologique de Touraine, elle est ornée, en partie basse, de la représentation d'un cavalier et d'un animal dressé, sans doute un lion, scène pour laquelle a été avancée une interprétation eschatologique. Les caractéristiques de l'iconographie, de l'écriture et de la langue trahissent l'époque mérovingienne (6e-7e siècle). Une première ébauche de texte est visible en bas à gauche (+ Hic requiescit) ; la tablette semble avoir ensuite été retournée et porte un texte évoquant, notamment, le rôle d'intercesseur attribué au jeune Aigulfus après sa mort.

[+ Hi]c requiescit bo/ne memorius inux / Aigulfus idus k(a)l(en)das / septembris. Sic dignit orare pro parentis su/us Agecio et Mellito et / ut in Xp(ist)o dignit orare.

Soit : Ici repose Aigulfus, de bonne mémoire, innocent mort aux ides des calendes de septembre. Qu'il daigne prier pour ses parents Agecius et Mellita, et daigne prier dans le Christ.

Bibliographie :

CIL XIII, 4, 1182 ; Lelong 1956 ; Lelong 1996.




Document 2

Pussigny : endotaphe de Lupicina (photo Cécile Treffort)

Bien qu'on ignore le contexte précis de sa découverte, on peut supposer que cette plaque de tuffeau très tendre de 31 x 20 cm, qui porte un texte gravé à la pointe, bien conservé malgré sa fragilité, était déposée à l'intérieur d'une sépulture (endotaphe). Son écriture, proche de celle des manuscrits, permet de l'attribuer, avec prudence toutefois, au 7e ou 8e siècle. Son intérêt majeur réside dans la disposition de son texte, qu'il faut lire, ligne après ligne, de bas en haut, et dans l'association du nom de la défunte (Lupicina) avec le verset 14 du psaume 132 (131), utilisé dans la liturgie funéraire contemporaine :

Lupicina hic jacit. Hec requies mea in seculum seculi ; hec habitabo quia preligi ea[m].

Soit : Ici gît Lupicina. Elle sera mon lieu de repos pour les siècles des siècles ; je l'habiterai parce que c'est elle que j'ai choisie.

Bibliographie :

Treffort 2007, 41-42 ; CIFM HS 1, 2.




Document 3

Tours, Saint-Martin : épitaphe d'Adalberga (photo Cécile Treffort)

Cette inscription massive (105 x 38 cm pour une épaisseur de 23 cm), et dont les lettres sont inscrustées de plomb, a été découverte en 1829 sur le site de Saint-Martin. Elle a été considérée dans la bibliographie comme caractéristique de la réforme carolingienne de l'écriture, dont elle est un des plus anciens témoins épigraphiques. Le texte, assez simple, rappelle le nom de la défunte (Adalberga), son statut (femina), le jour de sa mort (le 21 avril), le tout accompagné d'une prière pour le repos de son âme. Seule, l'indication de l'année, indiquée par le chiffre DCCCXXL, pose problème, correspondant soit à 870 (L plus XX), soit à 830 (L moins XX), plus en accord avec une paléographie courante dans la première moitié du 9e siècle ; si l'on retient cette proposition, l'épitaphe d'Adalberga serait également la plus ancienne inscription conservée à utiliser la datation par année de l'incarnation.

+ In hoc tumulo recondita s(unt) me(m)bra Adalbergae femine c[u]jus anima requie(m) mereat(ur) abere. Obiit in pace 11 k(a)l(endas) mai(i) anni D(omi)ni 830/840.

Soit : En ce tombeau repose le corps d'Adalberga, femme dont l'âme mérite d'avoir le repos. Elle est morte en paix le onze des calendes de mai, l'an du Seigneur 830/840.

Bibliographie :

De Rossi 1888, 489 ; Deschamps 1929, fig. 2 ; Vieillard-Troiekouroff 1962, 112-113 ; Philippon 1964-1966 ; Treffort 2007, 200 ; CIFM 25, 114 ; CIFM HS 1, 9.




Document 4

Saunay, église Notre-Dame : épitaphe d'Alderamnus (photo Christian Nicolas, Tourainissime)

L'inscription actuellement visible dans l'église Notre-Dame a été réalisée en 1847 d'après un relevé réalisé en 1720 et reproduit, à une échelle légèrement réduite (99,5 x 50 cm), l'original dont ne subsistent sur place que quelques lignes mutilées. Elle était vraisemblablement déposée à l'origine sur la sépulture du prêtre Alderamnus, mort le 14 avril 874. Le texte utilise des formules très courantes à l'époque carolingienne pour dresser le portrait idéal d'un défunt dont le seul élément biographique réside dans la mention de son rôle de fondateur :

[Hic re]quiesc[it Alderamnus] s[acer]dos vir, [vera]e vitae a[mator, fide plenus et ch]aritatis a[more prodigus, erga] pauperes l[argitor. Hanc quoque qu]a(m) cernis aedem, ipse [fundavit ab i]mo. Obiit [in] pace [XVIII calendas maii anno Domini DCCCLXXIII].

Soit : Ici repose le prêtre Alderamnus, prêtre, homme aimant la vraie vie, plein de foi et d'amour de la charité, prodigue en largesses envers les pauvres. Cette église que tu vois, il la fonda. Il mourut en paix, le dix huit des calendes de mai [14 avril], l'an du seigneur 874.

Bibliographie :

CIFM 25, 77 ; CIFM HS 1, 3 ; Favreau 1997, 295-297 ; Treffort 2007, 200 et 304.




mentions légales | Haut de page

Contact
Sommaire
Auteurs
Glossaire
Bibliographie générale
Recherche