Amboise, le château et la ville aux 15e-16e siècles


Lucie Gaugain

Carte 1




Carte 2

L'existence d'une enceinte urbaine au pied du château est attestée à partir du 11e s. L'entrée de la ville se faisait par la porte des moulins, mentionnée au 12e s. C'est sur son emplacement que fut construite la Tour de l'Horloge, qui fut rehaussée à la fin du 15e s., et subsiste toujours (doc.3).

Les comptes de la ville, conservés à partir de 1421, attestent l'existence, à cette date, d'une deuxième enceinte, construite à une époque mal déterminée.

L'église paroissiale Saint-Florentin-en-Grève fut construite sur ordre de Louis XI, sur l'emplacement d'un ancien grenier à blé, pour éviter que les allées et venues des habitants d'Amboise qui venaient assister aux offices de l'église paroissiale et collégiale de Saint-Florentin du château n'y introduisent des mortalités et perstilences. La nouvelle église fut consacrée en 1484. L'église Saint-Florentin du château, dont la fondation remonte au début du 11e s., fut détruite en 1806.





Carte 3

Alors que Louis XI accentua le caractère fortifié de la demeure des Amboise dont il modernisa les aménagements résidentiels, le projet de Charles VIII (1483-1498) tendit à faire du château un palais, lieu de villégiature privilégié de la cour. Louis XI (1461-1483) cantonna ses travaux résidentiels dans le secteur du donjon situé à la pointe occidentale du promontoire en faisant construire le long des courtines, au sud, un logis royal doté d'une chapelle du Saint-Sépulcre, soubassement de l'actuelle chapelle Saint-Hubert (Document 5), et au nord, une galerie couverte d'une terrasse d'agrément. Il fit sans doute aménager d'anciens bâtiments, à l'ouest, pour y installer les « cuisines de bouche » (cuisines privées du roi et de la reine) et celles du commun ainsi que d'autres dépendances. Ses travaux militaires portèrent en premier lieu, dès 1463, sur l'érection de la tour Garçonnet à l'angle nord-ouest de l'enceinte, puis sur le renforcement de la rampe méridionale et la construction de la porte des Lions barrant le fossé oriental de l'enceinte et l'entrée de la basse-cour.

Charles VIII mit quant à lui en œuvre un chantier d'une nouvelle ampleur, dont l'intensité transparaît notamment à travers l'étude d'un compte de construction de l'année 1495-1496. Conservant les logis de son père à titre privatif, il commanda la chapelle Saint-Hubert et au-delà du donjon, dans le baile, des logis abritant les fonctions officielles : le logis des Sept Vertus et ses logis jumeaux devait accueillir les hôtes de marque ou le couple royal lors de cérémonies officielles, tandis que le logis faisant face à la Loire abritait la grande salle. Alliant fonctions de défense et d'apparat, les tours cavalières des Minimes et Heurtault devaient pour leur part desservir de manière théâtrale et majestueuse l'esplanade castrale (Document 6). Enfin, son projet évolua dans un second temps vers l'implantation de jardins ayant vue sur la Loire au nord-est et l'édification d'un nouveau logis en retour d'équerre, doté d'une chapelle sur porche et d'un escalier d'honneur ouvert (tout deux disparus) mais il n'eut guère le temps d'achever lui-même ce logis. Louis XII (1498-1515) mais surtout François Ier et Catherine de Médicis complétèrent le dessein.




Carte 4

1 : Plateforme sur la Loire, 2 : Logis du Donjon, 3 : Pavillon Penthièvre, 4 : Logis du Tambour, 5 : Logis Charles VIII, 6 : Tour des Minimes, 7 : Logis Charles VIII-François Ier, 8 : Quatre Travées, 9 : Logis Henri II, 10 : Orangerie, 11 : Jardin du roi, 12 : Logis de l'Armurerie ou canonial, 13 : Saint-Florentin du château, 14 : Logis de la Basse-cour, 15 : Porte des Lions, 16 : Magasin à poudre, 17 : Bâtiments ruinés et terrain bas, 18 : Petites écuries, 19 : Petits logements sans rien au-dessus, 20 : Tour Heurtault, 21 : Logis des Sept Vertus, 22 : Petite tour ronde, 23 : Tour Bourbon, 24 : Chambre de la Herse ou Tour du Baron, 25 : Chapelles du roi : du Saint-Sépulcre et Saint-Hubert, 26 : Logis Louis XI, 27 : Tour Pleine, 28 : Logis entre tours Pleine et Garçonnet ou logis ouest, 29 : Tour Garçonnet, 30 : Logis longeant le fossé. (© L. Gaugain).




Document 1

Vue des chapelles du Saint-Sépulcre et Saint-Hubert (© Inventaire Centre L. Gaugain).




Document 2

Vue du front sur Loire, de droite à gauche : le jardin doté de belvédères, la tour des Minimes, le logis de la Grande Salle, le pavillon Penthièvre, les vestiges de la terrasse sur Loire et la tour Garçonnet (© Inventaire Centre M. Hermanowicz).




Document 3

Vue de la tour de l'Horloge, seul édifice édilitaire encore en élévation (© Inventaire Centre M. Hermanowicz).




Document 4

Vue du 54 place Michel Debré (© Inventaire Centre M. Hermanowicz).

Datée par dendrochronologie de 1512, cette maison présente non seulement l'une des plus riches façades en pan de bois d'Amboise mais encore l'une des mieux conservées. Comme c'est généralement le cas, l'élévation présente trois niveaux (rez-de-chaussée, premier étage et combles habitables). La façade est proche de celle du 42 rue de la Concorde (doc.5) tant pour ses colonnettes de section carrée qui sont sculptées dans les pièces verticales, que par les croix de Saint-André, ou les moulures des doubles sablières de l'encorbellement. Les deux colonnettes visibles au niveau du comble à surcroît marquent probablement l'emplacement d'une lucarne monumentale qui devait simuler un pignon. La mise en œuvre soignée, la symétrie, l'emploi des croix de Saint-André et la sculpture révèlent la volonté de paraître du propriétaire. Les croix de Saint-André sont particulièrement rapprochées, entraînant une nette augmentation du volume de bois nécessaire et donc du coût de la construction.




Document 5

Vue du 42 rue de la Concorde (© Inventaire Centre H. Bouvet).

Cette façade est l'une des plus belles d'Amboise. Bien que le rez-de-chaussée ait été récemment modifié, les travaux de restauration du reste de l'élévation ont permis de reconstituer fidèlement les dispositions d'origine. On remarque la largeur de façade légèrement supérieure à la normale amboisienne et une élévation sur quatre niveaux, soit un de plus que pour la majorité des maisons en pans de bois. Ces éléments suggèrent un commanditaire plus aisé, ce qui est confirmé par le décor.

La recherche esthétique se lit dans la disposition symétrique des colombes et des baies. Les croix de Saint-André dynamisent l'ensemble et le hourdis en brique soigné le rehausse. Les sablières séparant les différents niveaux reçoivent une sculpture d'inspiration gothique dans laquelle les moulures conduisent à des feuillages délicats. Les poteaux corniers du rez-de-chaussée sont sculptés de colonnettes à chapiteaux géométriques. Les pièces de bois verticales sont sculptées de colonnettes à section carrée qui donnent du relief à la façade et la scandent.




Document 6

Vue de l'hôtel particulier du 6 rue de la Concorde (1462 [d]) (© Inventaire Centre L. Gaugain).

La construction des hôtels particuliers urbains est liée à l'émergence au cours du 15e siècle d'une nouvelle classe sociale, constituée de commerçants. Cette bourgeoisie souhaite construire à l'image de la noblesse de belles demeures, faisant état des richesses de leurs propriétaires.

Les hôtels sont construits en pierre de taille et/ou brique, matériaux nobles employés au château et qui tranchent avec le bois des maisons. Ils sont couverts d'ardoise, matériau également réservé aux édifices de prestige. Dans la majorité des cas, les élévations sont plus hautes d'un niveau que les maisons, détachant ainsi visuellement les hôtels du paysage urbain.

Les escaliers lorsqu'ils sont encore conservés sont souvent installés, comme ici, dans des tourelles hors-œuvre.




Document 7

Vue du manoir du Clos-Lucé (© Inventaire Centre M. Hermanowicz).

Le Clos Lucé, construit sous Louis XI pour son maître d'hôtel et premier huissier d'armes Estienne Leloup, à partir de mai 1471, est installé à l'écart de la ville mais à proximité de l'entrée du château par la porte des Lions. L'étude des fonctions défensives puis résidentielles du site est rendue difficile par les importants remaniements subis par l'édifice. Les matériaux employés pour le manoir, brique et pierre de taille, sont typiques des constructions du règne de Louis XI. Le plan en « L » est traditionnel avec une tourelle d'escalier qui dessert les deux ailes. La façade principale donne donc sur le parc, tandis que les écuries sont rejetées à l'arrière. Les baies sont encadrées de baguettes circulaires qui reposent sur de petites bases prismatiques. La galerie de bois de l'entrée est également construite dans un style gothique.

Le Clos Lucé fut la dernière demeure de Léonard de Vinci (1516-1519).





Document 8

Vue de l'hôtel Morin (© Inventaire Centre M. Hermanowicz)

Portant le nom de son commanditaire, une famille de commerçants qui s'enrichit comme fournisseurs de la cour royale de Charlotte de Savoie à Anne de Bretagne, l'hôtel Morin changea plusieurs fois de fonction. Son aspect actuel est lié aux campagnes de restauration des 19e et 20e siècles.

L'hôtel Morin fut construit dans le premier quart du 16e siècle en pierre de taille de tuffeau, en bordure de Loire, juste à l'entrée de la ville : il se présente d'ailleurs comme l'un des premiers monuments que l'on aperçoit en arrivant à Amboise, en contrebas du château royal. Le style adopté est encore gothique et on retrouve bien le souci de symétrie et d'ordonnance de la façade qui régit l'architecture gothique tardive.




Document 9

Vues de l'hôtel Joyeuse : façade sur rue, façade longitudinale et pignon sur jardin et vue des pavillons d'entrée côté jardin (© Inventaire Centre M. Hermanowicz).

L'hôtel Joyeuse, construit dans une zone autrefois marécageuse qui a été remblayée et assainie autour de 1491, se présente comme la demeure la plus prestigieuse de la ville. Sa façade à rive sur rue de près de 25 mètres et son comble présentant deux niveaux de lucarnes font de cet édifice un repère dans le bâti urbain. La partie la plus noble est construite en pierre de taille de tuffeau tandis que le reste est édifié en pan de bois, brique et pierre de taille ce qui permet une baisse du coût des matériaux et égaie la façade par un savant jeu de polychromie. Le style est caractéristique de la transition entre le gothique tardif et la Renaissance. Très restaurée, la façade se divise en deux parties : à gauche le pan de bois qui renferme deux pavillons d'entrée reliés par une galerie couvrant un passage charretier ; à droite, l'hôtel à proprement parler.




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