Les cultes des Turons : divinités et sanctuaires


Alain Ferdière

Les cultes des Turons, tant pour les lieux où ils étaient pratiqués (sanctuaires, temples, fana...) que pour les divinités vénérées, sont connus par quelques rares textes et inscriptions, et surtout par des découvertes archéologiques : représentation de ces dieux en reliefs ou ronde-bosse, fouilles (rares) et prospections aériennes livrant les plans d'édifices cultuels (carte 1).

Plusieurs de ces sanctuaires ne sont connus que parce que certains de leurs éléments ont été remployés dans des monuments plus tardifs. On en trouve, par exemple, dans les fondations du rempart du Bas Empire de Tours, ainsi que dans les fondations d'églises, à Yzeures-sur-Creuse ou Barrou, toutes deux mentionnées par Grégoire de Tours au 6e s. (AUDIN 1984).

Quelques uns de ces lieux de cultes sont attestés dans des agglomérations secondaires, comme Thésée-Pouillé ou Amboise (carte 2). La cité des Turons paraît avoir été à peu près dépourvue, en revanche, de ces grands sanctuaires ruraux comportant temple, théâtre et thermes, et attestés ailleurs, notamment dans les cités voisines des Pictons, des Bituriges ou des Carnutes. Les seuls exemples en sont le site de frontière de Clion (Indre), auquel on pourrait peut-être ajouter celui de Chanceaux (thermes et sanctuaire) (SEIGNE 2014a). Cette absence pourrait être due aux dimensions réduites de la cité, dont le chef-lieu était rapidement accessible.

Des fana ruraux ont été localisés, en assez grand nombre, notamment dans les campagnes. Ils présentent en général un plan carré. Beaucoup de ces découvertes sont dues aux prospections aériennes récentes, notamment de J. Dubois. La tradition martinienne voudrait enfin que le saint ait abattu des temples dans plusieurs localités de Touraine (Grégoire de Tours, Historiae decem libri, X, 31), mais c'est un poncif de la littérature hagiographique, auquel on ne saurait donner systématiquement foi, en l'absence de tout vestiges matériels.

Il faut souligner qu'aucun sanctuaire gaulois n'est à ce jour attesté de manière certaine sur le territoire turon, même si des indices existent pour deux sites. On peut toutefois noter l'exceptionnelle découverte d'un torque gaulois en or à Civray-de-Touraine (DUVAL, ÉLUÈRE, DRILHON 1987), sans doute de caractère cultuel.

Le chef-lieu, Tours-Caesarodunum, devait évidemment comporter plusieurs lieux de cultes majeurs : hormis une inscription mentionnant un portique (?) avec ses ornements, et quelques documents iconographiques représentant diverses divinités et attestant ainsi des sanctuaires urbains, l'élément le plus net est aujourd'hui le grand temple circulaire, de dimensions imposantes, de la rue de Lucé (PROVOST 1988a : 81 ; cf. récemment JOUQUAND et al. 2002, et SEIGNE, NEURY, MORIN 2007).

En ce qui concerne les dieux vénérés par les Turons, la Carte Archéologique de la Gaule (PROVOST 1988a) semble montrer, par son index thématique, que Jupiter serait la divinité majeure de la cité, à l'instar par exemple de la cité voisine des Carnutes. En fait, il n'en est rien, car apparemment cet index renvoie, pour la quasi-totalité des cas, s. v. " Jupiter ", à toutes les découvertes d'éléments de colonnes décorées, sans doute par référence abusive aux " colonnes de Jupiter ". Il n'y a rien d'exceptionnel dans le panthéon des Turons, où l'on retrouve, certes, Jupiter, ainsi que des déesses-mères, le dieu assis, au serpent, Apollon, Diane, Hercule, Mars, Mercure, Minerve, Sucellus (?), la Victoire, Vulcain... Plusieurs de ces documents iconographiques sont aujourd'hui perdus.

Certains cultes orientaux sont en outre attestés : contrairement à ce qu'affirme M. Provost (1988a : 126), il n'y a pas de mention de Cybèle dans la Vita sancti Martini. On peut en revanche mentionner la statue de Sabazios près de la pile funéraire de Cinq-Mars-la-Pile (MAROT 2006; MAROT 2008), sans doute le personnage au bonnet phrygien de Loches (?) (BOUSSARD 1960 : 23 et Pl.2), et peut-être Mithra à Tours (PROVOST 1988a : 126).

Le culte impérial, enfin, n'est, comme il se doit, attesté que dans le chef-lieu de cité, Tours (PROVOST 1988a : 97-98), mais accompagne aussi les dédicaces de Pouillé et Yzeures.

Voir aussi :
- De la cité des Turons au diocèse de Tours
- Amboise : la ville gauloise et gallo-romaine
- Cinq-Mars-la-Pile, la pile funéraire gallo-romaine
- Les agglomérations secondaires gallo-romaines
- L'architecture monumentale gallo-romaine

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