Géologie


Jean-Jacques Macaire

La Touraine se trouve dans la partie sud-ouest du Bassin parisien, la plus vaste unité géologique française. Il s'agit d'un bassin sédimentaire, constitué de couches empilées (jusqu'à 3000 m d'épaisseur en Brie), peu déformées, d'origines marine ou continentale et déposées de façon discontinue depuis environ 250 millions d'années (Ma) au cours des ères secondaire, tertiaire et quaternaire. Ces couches reposent sur des terrains anciens (du Précambrien et de l'ère Primaire) constituant le « socle » : schistes, grès, roches granitiques et métamorphiques, fortement déformés au cours de l'érection de chaînes de montagnes successives (orogenèse « cadomienne » de 600 à 500 Ma, et orogenèse « hercynienne » de 350 à 300 Ma, dont le Massif central et le Massif armoricain sont des reliques). Pendant l'ère secondaire, sur ces reliefs à la fois aplanis par l'érosion et en cours d'affaissement, la mer venant de l'est a envahi le Bassin parisien avant de se retirer (« cycle transgression-régression »), à trois reprises : au Trias, au Jurassique et au Crétacé. Au Tertiaire, le Bassin parisien a connu sept cycles marins d'extension limitée, les bras de mer transgressant depuis le nord ou l'ouest. Ailleurs, sur les terres émergées, se développaient des processus continentaux : altération météorique des roches et pédogenèse, érosion, sédimentation fluviatile et lacustre ont façonné un relief peu différencié. Le Quaternaire n'a connu que des processus continentaux, alors que le climat est devenu instable : alternativement froid et tempéré, sec ou humide (cycles glaciaire-interglaciaire).

En Touraine, dans les limites du département d'Indre-et-Loire (carte 1), le socle se trouve à une profondeur variable de 500 m (à l'ouest) à 2500 m (à l'est). Il est recouvert, à l'est de Tours seulement, de graviers, sables et silts argileux continentaux et lagunaires du Trias marquant la limite occidentale du premier cycle marin de l'ère secondaire. Ces dépôts ont été observés en profondeur par forages, mais n'affleurent pas. Le second cycle (Jurassique) qui a inondé l'ensemble du Bassin parisien, a laissé des dépôts essentiellement calcaires et marneux. En Indre-et-Loire, les plus anciens terrains affleurant (représentés sur les cartes géologiques) sont jurassiques. Ce sont des calcaires durs à grain fin (« lithographiques ») en bancs alternant avec des marnes, appartenant à l'étage Oxfordien (Jurassique supérieur) : ils affleurent au fond du lit de la Loire à Chouzé-sur-Loire et à la faveur de légères déformations tectoniques à Richelieu et à Souvigné, en partie périphérique du département. Ils sont recouverts des sables et marnes souvent verdâtres du Cénomanien, qui marquent le début de la transgression du Crétacé supérieur et affleurent dans les régions d'Avoine, Ligueil, Richelieu, Souvigné et dans la vallée de la Creuse. Les couches manquantes de la fin du Jurassique supérieur (étages Kimméridgien et Portlandien) ont probablement été érodées pendant l'épisode continental du Crétacé inférieur lui même non représenté en stratigraphie. Le Cénomanien est recouvert par les craies et calcaires sableux blanchâtres à jaunâtres à silex du Turonien et du Sénonien (Coniacien à Campanien), souvent dénommés « tuffeaux » et correspondant au maximum d'extension marine. Ces formations affleurent largement, principalement dans les versants des vallées (Loire et ses affluents) et dans les zones ouest et sud de la Touraine, où elles ont été excavées (cavités troglodytiques) et exploitées (pierres de construction). Elles sont recouvertes par les formations argilo-siliceuses (dites « argiles à silex ») qui forment l'assise principale et ubiquiste des plateaux. Ces formations, souvent riches en silex mais non calcaires, correspondent, soit à des dépôts siliceux marins à lagunaires (de type spongolite), grossièrement stratifiés et déposés à la fin du cycle crétacé (Sénonien) comme dans le sud (Paulmy) et l'est du département, soit le plus souvent à un résidu de décarbonatation des craies et calcaires crétacés dans lesquels elles pénètrent en poches irrégulières, par altération météorique en contexte continental pendant les ères tertiaire et quaternaire.

Après le Crétacé, excepté au Miocène, la paléogéographie en Indre-et-Loire fut essentiellement continentale et commandée par le soulèvement du Bassin parisien avec migration d'un pôle de subsidence du nord au sud puis d'est en ouest. Pendant la première partie de l'ère tertiaire (Paléocène, Eocène et Oligocène), le substrat de craies et calcaires crétacés a été profondément altéré et érodé dans un contexte climatique plus chaud qu'actuellement, avec des phases humides-sèches alternantes assez contrastées. Les « argiles à silex », meubles, ont été élaborées sur les plateaux (leur élaboration se poursuit aujourd'hui). Les carbonates issus de la dissolution des roches calcaires ont alors été partiellement précipités par des microorganismes dans les lacs temporaires occupant les zones déprimées du relief : ainsi s'est formé à la fin de l'Eocène (Ludien), le « calcaire lacustre de Touraine » qui peut atteindre 30 m d'épaisseur, contient des niveaux siliceux (meulière) et constitue l'assise principale des plateaux en Touraine centrale. Des calcaires lagunaires affleurant au nord du département pourraient appartenir à la partie méridionale d'un vaste bras de mer qui sillonnait le Bassin parisien au Stampien (Oligocène). A l'Eocène, des écoulements fluviatiles issus du Massif central ont déposé des galets, sables et silt argileux parfois ferrugineux, formant des placages résiduels peu épais (quelques mètres) présents un peu partout à la surface des plateaux. La silice dissoute par les processus d'altération a alimenté la meulière lacustre mais a aussi pu précipiter dans les zones basses émergées du relief, en cimentant les éléments des roches meubles en conglomérats, grès ou argilo-siltites. Ces roches très dures formaient des croûtes siliceuses (silcrètes) dont le démantèlement ultérieur a donné des blocs très durs, fréquents en surface, connus sous le nom de « perrons ».

Pendant la seconde partie du Tertiaire, au début du Miocène (Aquitanien), le grand « lac de Beauce » débordait légèrement sur la partie nord-est du département : des calcaires et marnes à meulière s'y sont déposés. Puis, pendant le Miocène, un bras de mer a transgressé depuis l'océan atlantique en suivant approximativement les cours actuels de la Loire et de la Vienne aval, avant de régresser, laissant des argiles, marnes, et sables calcaires coquilliers, parfois consolidés, connus sous le nom de « falun », très riches en fossiles marins et continentaux, dont il reste des témoins aux environs de Savigné-sur-Lathan au nord et de Manthelan et Ferrière-Larçon en Touraine méridionale. Les cours d'eau venant du sud et de l'est (Sologne), qui se jetaient dans ces bras de mer ont laissé des dépôts détritiques (graviers, sables et silts argileux), avant, pendant et après l'épisode marin miocène, jusqu'à la fin du Pliocène.

Au Quaternaire, bien qu'aucun glacier n'ait recouvert le Bassin parisien, le contexte froid « périglaciaire » a fortement marqué l'évolution paléogéographique de façon cyclique. L'abaissement du niveau marin, ainsi que le soulèvement et la déformation discrets de la surface continentale, ont induit le positionnement des cours d'eau et provoqué l'incision de leurs vallées. La Loire, qui s'écoulait vers la Manche au début du Quaternaire, n'a adopté son cours actuel que depuis environ 1 Ma, tandis que la Vienne paraît ne pas avoir changé de cours depuis le Miocène (15-20 Ma). Des phases de dépôt alluvial de courte durée se sont développées, principalement pendant les périodes glaciaires, engendrant les terrasses alluviales qui jalonnent les vallées. Lors des phases froides et sèches, des lœss (souvent dénommés « limons des plateaux ») et des sables éoliens, peu épais mais ubiquistes, ont été déposés sur les plateaux. Ils ne sont pas représentés sur la carte. Leur minéralogie et leur polarité granulométrique montrent qu'ils ont été prélevés et transportés par des vents principalement d'ouest et sud-ouest à partir d'aires sableuses alors dénudées : sables cénomaniens (région de Richelieu et Ligueil) et plaines alluviales de la Loire et de ses grands affluents (Cher, Indre et Vienne). Le gel en contexte périglaciaire a favorisé la fragmentation et la déformation superficielles des roches et leur glissement sur les versants (dépôts de versants par « solifluxion »). Depuis 7500 ans, au cours de la seconde partie de l'Holocène, le déboisement par les humains et les façons agricoles ont favorisé l'érosion des sols et produit de fortes accumulations de colluvions sur les versants et d'alluvions dans les plaines alluviales.

Voir aussi :
- Géographie et géomorphologie régionales
- Pédologie et potentiel agricole
- Habitat troglodytique et souterrains aménagés
- Les traces du Paléolithique ancien

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