Le Grand-Pressigny, le site castral


Marie-Christine Lacroix

Le château du Grand-Pressigny est implanté sur le bord d'un éperon rocheux à la confluence des vallées de la Claise et de l'Aigronne, dans le sud de la Touraine (document 1). Le village se développe en contrebas. Il n'y a pas d'indices d'occupation humaine avant le Moyen Âge dans l'emprise de la forteresse. Néanmoins, il existe à proximité immédiate ainsi que dans le village quelques traces datables de la Préhistoire et de l'Antiquité (ALLIMANT 2000 : 26).

L'occupation du site commence à l'époque mérovingienne avec l'installation d'une nécropole, documentée par les fouilles de 1996 et 2007 (PALLU DE LESSERT, FRUCHON 1996 : 804). Vingt-deux sarcophages ont été identifiés, dont cinq ont livré du mobilier, datable des 5e-7e siècles (une bague et une fibule en alliage cuivreux, deux bracelets en fer et six perles en verre). Entre le 8e et le début du 11e siècle, l'occupation du site n'est pas avérée même si quelques vestiges (fosses, fossé) attribués à cette période ont été découverts (MATAOUCHEK, LALLET, BOUILLON 2002 : 11, 21).

Le donjon actuel (carte 2 et document 2) est installé sur une motte plus ancienne, de petites dimensions, portant vraisemblablement une tour de bois dont il ne subsiste aucune trace. Partiellement fouillée en 1997, la motte a livré des éléments céramiques qui fournissent une datation comprise entre la seconde moitié du 11e siècle et la première moitié du 12e siècle (FRUCHON 1997 : 19).

Comme le montre l'homogénéité des maçonneries, en dépit des reprises postérieures, la tour maîtresse et sa première enceinte, constituant le donjon quadrangulaire, sont élevés lors de la même phase de construction. Sur sa face nord, la fondation du donjon entaille l'ancienne motte. Transformée en lice, elle est toujours conservée dans ce secteur. Au fur et à mesure de leur construction, les bases des murs, traités comme fondations, des faces ouest et est du donjon sont renforcés par un talus (MATAOUCHEK, LALLET, BOUILLON 2002 : 21-23).

La face sud demeure en partie dégagée pour permettre l'accès au rez-de-chaussée du donjon. Ce dispositif est tout à fait atypique et il sera rapidement renforcé par un avant-corps rectangulaire. La tour maîtresse, de 10 m. de côté, occupe l'angle ouest du donjon. Haute de 25 m., elle est renforcée par des contreforts. L'intérieur est très transformé mais aucun élément résidentiel d'origine n'y a été identifié. Le logis seigneurial était probablement installé dans la cour en « L » du donjon (BARDISA 1997 : 78-79). La tour appartient donc à la catégorie des « tours-beffrois », destinée à l'affirmation ostentatoire du pouvoir seigneurial (MESQUI 1991 : 112).

La forteresse s'inscrit dans un maillage seigneurial serré : une quinzaine de places-fortes sont aujourd'hui recensées dans un rayon de 10 km autour du Grand-Pressigny (BARDISA 1997 : 47). En limite des domaines capétiens et plantagenêt la région constitue un enjeu d'importance aux 12e et 13e siècles.

La datation du donjon ne fait pas l'unanimité et a longuement été débattue. Selon les auteurs, elle s'échelonne entre la première moitié du 11e et le 13e siècle (GILBERT 1990 : 30 ; BARDISA 1997 : 84). Aujourd'hui, la reprise de tous les éléments de datation permet de proposer la construction du donjon à la fin du 11e ou au début du 12e siècle.

Le donjon n'est pas isolé, il fait partie d'un système doté de plusieurs points de défense, échelonnés sur le site. Situé à une trentaine de mètres au sud de l'entrée du donjon, un fossé large de huit à neuf mètres vient barrer perpendiculairement l'éperon rocheux, délimitant ainsi deux cours. Un pont mobile, dont deux piles ont été retrouvées en fouille, permettait de le franchir (LACROIX 2006 : 14).

Autre élément clef de la défense rapprochée du donjon, la chemise est constituée de tours reliées par de hautes murailles. Elle forme un quadrilatère à peu près régulier autour du donjon, implanté à 8-10 m. de celui-ci (document 2). L'étude effectuée en 2007 a démontré la précocité de la construction : dès son origine, au début du 12e siècle, le donjon est entouré d'une chemise (LACROIX 2010). Il ne subsiste que peu de vestiges de cet état primitif. L'essentiel de la construction aujourd'hui visible est édifiée à la fin du 12e siècle. La reprise la plus significative est réalisée au 14e ou au début du 15e siècle, avec le déplacement vers l'est du système d'entrée au donjon.

La jonction de la chemise avec l'enceinte principale, détruite dans ce secteur, reste hypothétique. Mieux conservée au sud, l'enceinte est globalement daté du 13e siècle mais des portions plus anciennes ont été identifiées. L'entrée principale de la forteresse est située à l'extrémité ouest de la cour des communs. Petit châtelet flanqué de deux tours rondes, il englobe une tour-porte antérieure datée du 12e siècle (BARDISA 1997 : 91).

Grâce à la grande enceinte et au fossé transversal, haute-cour et basse-cour sont bien délimitées dès le 12e siècle. L'occupation dans les cours à cette période n'est pas connue. Au 13e siècle, un vaste corps de bâtiment est implanté à l'extrémité ouest du fossé. Abritant peut-être la grande salle seigneuriale, il est ensuite complété d'une chapelle édifiée sur la lice (LACROIX 2006 : 16). Entre le 13e siècle et le début du 16e siècle, d'autres bâtiments sont installés dans les cours. Des maçonneries ont été identifiées lors des fouilles de 1996 et 2007. Elles témoignent d'une occupation dense des espaces et de la complexité des cheminements vers le donjon.

Selon un schéma ordinaire, de la défense vers la résidence, la physionomie du site n'est vraiment modifiée qu'au 16e siècle. Un imposant corps de logis, des pavillons, une vaste galerie et une tour ostentatoire sont alors édifiés. Le nouveau corps de logis reprend pour partie des éléments médiévaux.

Le domaine connaît un rapide déclin au 18e siècle. Vendu comme Bien National, le château est utilisé comme carrière de pierres. Le corps de logis Renaissance est particulièrement touché. Le Conseil général rachète le château et y installe la gendarmerie du Grand-Pressigny en 1861. Protégé au titre des Monuments Historiques dès 1866, le site n'est patrimonialisé qu'en 1955, date à laquelle le musée de Préhistoire est établi dans la galerie.

Voir aussi :
- Les tours-maîtresses des 11e et 12e siècles
- Les châteaux du Moyen Age central (900-1200)

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