Langeais, le site castral au Moyen Age


Elisabeth Lorans

Le site castral de Langeais s'étend sur le promontoire long et étroit qui sépare la Loire d'un petit affluent, la Roumer, qui lui est parallèle pour le dernier kilomètre environ de son parcours. Large de 60 m et à 50 m au-dessus du niveau de la mer à son extrémité orientale, il atteint environ 75 m à 360 m de là, vers l'ouest, où il atteint une largeur de 90 m. Au-delà, il s'élève de façon plus douce jusqu'à rejoindre le plateau couvert par le Bois de Langeais.

Il semble qu'entre au moins l'an mil et les années 1460, tout l'espace compris entre le château du 15e siècle et un point situé quelque 400 m à l'ouest a appartenu au site fortifié. Différents éléments, tant naturels qu'artificiels, incitent à le diviser en trois zones, soit d'est en ouest [carte 2] :

- zone I : réaménagée en deux plateformes dans les années 1880-1890, elle s'étend entre le château du 15e siècle et le donjon et est délimitée au nord par un mur de soutènement dont le parement en pierre de taille doit être antérieur à 1200 pour une grande part ;

- zone II : marquée à l'est par un fort exhaussement du sol qui crée l'illusion que le donjon se dresse sur une motte, elle est délimitée à l'ouest par un fossé qui traverse tout le promontoire. Le donjon fut édifié sur sa limite orientale et les prospections géophysiques n'ont pas révélé d'autre édifice dans la prairie qui occupe la partie centrale ;

- zone III : cette zone dont la limite occidentale est mal définie présente au nord-est les vestiges d'une enceinte en pierre, qui devait doubler le fossé oriental et s'étendre sur le côté nord, ceux d'une petite chapelle romane et enfin une butte interprétée traditionnellement comme une motte.

Cette tripartition est certainement d'origine ancienne et correspond, d'est en ouest, à la basse-cour, au pôle résidentiel et au pôle religieux, la chapelle Saint-Sauveur ayant été fondée au tout début du 11e siècle par Foulque Nerra et transmise par Foulque le Jeune en 1118 aux chanoines de Toussaint d'Angers qui y établirent une petite communauté régulière.

Les vestiges très ruinés du donjon permettent d'identifier un bâtiment rectangulaire d'environ 16 m par 7,30 m dans œuvre, pourvu de contreforts et comportant au moins un étage [Doc. 1]. Le corps de la maçonnerie d'origine est constitué d'un blocage noyé dans un mortier abondant posé par bandes d'1 m à 1,50 m de hauteur et revêtu d'un petit appareil [Doc. 2]. Par endroits des assises de blocs de plus grande taille sont intercalées avec le petit appareil et les angles, les contreforts et les éléments constitutifs des ouvertures sont en pierre de taille.

L'analyse visuelle des maçonneries du donjon, fondée sur des relevés pierre-à-pierre établis au 1/50ème à partir de photographies redressées, a permis de distinguer trois phases majeures :

1)construction d'un édifice dont le rez-de-chaussée, faiblement éclairé, devait remplir des fonctions de stockage tandis que l'étage accueillait une grande salle d'un unique volume probablement éclairée par deux fenêtres sur chaque face et ouvrant à l'est sur une galerie de bois établie entre deux tours, l'une, au sud, bien attestée, l'autre, au nord, restituée à partir de différents indices [Doc. 4]. Cette première construction est attribuée aux alentours de l'an mil sur la base de données textuelles et par comparaison avec le donjon de Loches [Doc. 3];

2)démolition de la tour nord et de la galerie et percement de deux portes au niveau I, l'une au milieu du mur nord, l'autre dans l'angle des murs sud et est, des transformations attribuées à la fin du 11e ou au début du 12e siècle ;

3)entre 1200 et 1450, trois opérations sont distinguées : effondrement ou démolition du mur ouest (III a) ; renforcement de l'angle nord-ouest transformé en contrefort (III b) ; création au rez-de-chaussée de la tour sud d'un accès (III c), ce qui signifie que la tour resta en usage après la démolition du bâtiment dont les vestiges furent néanmoins stabilisés, peut-être en raison de l'importance symbolique du donjon comme siège de pouvoir seigneurial.

D'une manière générale, l'analyse fine des vestiges a débouché sur une interprétation inverse de celle qu'avait proposée Marcel Deyres et qui avait nourri la thèse communément admise faisant de Langeais l'ancêtre du donjon, par la transformation d'une construction à faible valeur défensive en une tour pourvue de contreforts à la fin du 11e siècle. Au contraire, la contemporanéité des contreforts avec les maçonneries d'origine, l'épaisseur des murs, surtout du côté occidental, le plus vulnérable, et la faible accessibilité au niveau du rez-de-chaussée témoignent d'un indéniable souci défensif, malgré l'absence de chemise, alors que la création ultérieure d'ouvertures supplémentaires, sous la forme de deux portes, a réduit la valeur défensive de la construction en créant des accès directs au rez-de-chaussée au nord comme au sud. Toutefois, le premier état du bâtiment révèle aussi un indéniable souci de confort par l'éclairage abondant du premier étage, la présence d'une cheminée murale au centre de la pièce et celle de la galerie.

Voir aussi :
- Les tours-maîtresses des 11e et 12e siècles
- Les châteaux du Moyen Age central (900-1200)

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