Sépultures et pratiques funéraires de l'âge du Bronze (2200-800 av. J.-C.)


Pierre-Yves Milcent

Les gisements funéraires de l'âge du Bronze sont rares en Touraine et plutôt concentrés dans l'est et le sud du département de l'Indre-et-Loire (CORDIER 2009). A l'exception d'une inhumation secondaire en puits du Bronze moyen récemment découverte au centre d'un fossé circulaire à Ligueil (DE MAURAIGE ET AL. 2009), ils datent du Bronze final. Des fossés d'enclos circulaires isolés ou bien groupés ont été repérés par prospection aérienne et pourraient matérialiser d'autres gisements funéraires, mais aucune fouille ou prospection ne permet de connaître leur chronologie précise, ni même d'assurer qu'il s'agit bien de monuments funéraires protohistoriques. La plupart des sépultures du Bronze final ont été mises au jour avant les années 1960. Elles correspondent à des découvertes fortuites en contexte de carrière de sable, ou bien à des fouilles programmées d'ampleur limitée réalisées dans la foulée de ces trouvailles ponctuelles. Elles se localisent principalement dans la vallée du Cher et ses abords. Cet état très lacunaire de la recherche peut s'expliquer de différentes façons. D'une part, les diagnostics et fouilles d'archéologie préventive récents concernent essentiellement des zones peu propices à l'installation et à la bonne conservation des nécropoles de l'âge du Bronze. Ces dernières apparaissent en effet plutôt concentrées dans les fonds de vallée, c'est-à-dire dans les zones d'occupation préférentielle des habitats contemporains, et parfois sous des alluvions assez importantes. D‘autre part, les gisements funéraires de l'âge du Bronze constituent exceptionnellement des sites denses et étendus, c'est-à-dire aisément repérables. Ils comptent souvent moins d'une dizaine de sépultures qui peuvent être relativement dispersées. A l'exception de la tombe monumentale de Sublaines, ces sépultures sont en outre aménagées dans des fosses dont le signalement superficiel n'a laissé aucune trace, ce qui ne facilite pas leur détection. On pourrait enfin envisager, considérant la mixité culturelle de la région durant la Protohistoire, que la partie occidentale de la Touraine possédait des pratiques funéraires ne laissant pas ou très peu de traces archéologiques. Dans le domaine culturel atlantique, dont relève en grande partie la Touraine, les tombes de l'âge du Bronze final demeurent en effet inconnues ou bien se limitent à de petites fosses dans lesquelles étaient déposées quelques poignées d'ossements humains brûlés et de cendres prélevées sur un bûcher.

Les « champs d'urnes » du début de l'âge du Bronze final

Les sépultures du début du Bronze final, au nombre d'une vingtaine, correspondent essentiellement à des dépôts secondaires de crémation (la crémation est donc effectuée a priori sur un bûcher situé en un autre lieu que celui de la tombe) placés dans une urne en terre cuite déposée ensuite dans une petite fosse. Cette fosse pouvait être protégée au moyen de quelques blocs de pierre ou d'une vase renversé faisant office de couvercle. Mais aucun tertre ne signalait a priori ces tombes, si bien que les nécropoles auxquelles elles appartiennent constituent ce que l'on appelait naguère des « champs d'urnes ». Seule une tombe a livré une inhumation installée dans un coffre. Dans le cas des crémations, le choix du vase ossuaire se porte généralement sur un récipient issu de la vaisselle de table - il n'y a pas de raison de penser que le vase ait été fabriqué spécialement pour les funérailles -, de forme fermée et globuleuse ou bitronconique, et dont la pâte ainsi que le décor témoignent du soin apporté à sa fabrication. Les décors sont formés de cannelures droites et contiguës, assez larges et peu profondes, disposées horizontalement et/ou verticalement. Formes et décors renvoient à des productions répandues dans tout le centre-est et l'est de la France au 12e s. av. J.-C. Les céramiques des sépultures à crémation de Touraine sont rarement accompagnées d'autres objets.

Le mobilier comme les pratiques funéraires des sépultures de Touraine du début de l'âge du Bronze final s'intègrent parfaitement à ce que l'on connaît des gisements funéraires contemporains du Centre-Est, et participent de ce fait du domaine culturel nord-alpin. Leur découverte dans la vallée du Cher, axe de communication naturel en direction de l'est, apparaît logique de ce fait.

Une tombe privilégiée de la fin de l'âge du Bronze à Sublaines

Après les 11e et 10e siècles pour lesquels on ne connaît rien, la fin du Bronze final (950-800 av. J.-C.) est connue par trois sépultures à dépôt de crémation dont deux étaient protégées par une urne en terre cuite. La crémation de Sublaines se distingue par un recouvrement au moyen d'un tumulus monumental mesurant encore 30 m de diamètre et 5 m de hauteur au 19e s. L'urne cinéraire qui la contenait est remarquable pour sa finesse, sa forme en bulbe d'oignon, et son décor composite de bandes peintes et de lamelles d'étain collées. Les lamelles dessinent notamment une frise de signes parmi lesquels un char à quatre roues attelé à des chevaux est figuré (CORDIER 1975). La tombe de Sublaines est identifiable à l'une des rares sépultures aristocratiques que l'on connaisse pour la fin de l'âge du Bronze final en France.

Voir aussi :
- Les dépôts métalliques de la fin de l'âge du Bronze (1150-800 av. J.-C.) : une fonction rituelle ?
- L'habitat à l'âge du Bronze (2300-800 avant notre ère)

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