Les agglomérations à la fin de l'âge du Fer, 200 à 25 av. n.-è.


Jean-Marie Laruaz

Le terme d'oppidum est appliqué par Jules César dans ses commentaires de la Guerre des Gaules pour décrire certaines agglomérations gauloises qu'il rencontra. Aujourd'hui, les archéologues emploient ce terme pour qualifier des sites qui répondent à des critères précis. Il s'agit d'occupations ceintes d'un rempart de terre, couvrant une surface minimale de 10 ou 15 ha et datant de la période de La Tène finale (entre 120 et 25 av. n.è.).

Un inventaire complet de la documentation concernant les oppida du département d'Indre-et-Loire, qui correspond approximativement au territoire de la cité du peuple des Turons (LARUAZ 2014), a été réalisé à l'occasion d'une maîtrise effectuée en 2003 à l'université de Tours, et complété lors d'un doctorat soutenu en 2009 (LARUAZ 2003 ; LARUAZ 2009). Ce travail s'est appuyé sur des données bibliographiques (CORDIER 1967 ; COUDERC 1984), notamment du 19e siècle, des sources planimétriques et sur des enquêtes de terrain. Il en résulte que sur l'ensemble des fortifications découvertes et signalées dans la bibliographie régionale, seuls quatre sites peuvent prétendre au titre d'oppidum gaulois.

Ce corpus n'est probablement pas exhaustif, mais parmi l'ensemble des fortifications de terre signalées dans le département, seules les quatre figurant sur la carte (Amboise, Montboyau à Fondettes, Château-Chevrier à Rochecorbon, et Les Deux-Manses à Sainte-Maure-de-Touraine) répondent à ces exigences. Deux autres sites pourraient éventuellement entrer dans ce groupe, mais aucune découverte significative n'étaye cette hypothèse. Il s'agit de la Châtre à Betz-le-Château et de la forteresse de Chinon. De nombreux autres emplacements favorables sont aujourd'hui occupés par des châteaux, mais tous ne recouvrent pas un oppidum, comme pourrait le laisser supposer la littérature du 19e s. Certaines hypothèses méritent néanmoins d'être retenues.

Les oppida de Touraine se trouvent majoritairement au bord de la Loire, à la confluence de l'un de ses nombreux affluents. En effet, ces confluences ont favorisé la création de situations topographiques propices au contrôle des axes de circulation, dans un paysage caractérisé par l'absence relative de relief.

L'oppidum des Châtelliers (Document 1), situé sur la commune d'Amboise, est celui où l'occupation gauloise est la plus documentée (LARUAZ 2009). En effet, plus de 30 opérations archéologiques ont été réalisées à cet endroit depuis une cinquantaine d'années (LARUAZ 2014). Mis à part ce plateau de 50 ha, les sites couvrent une superficie approximative d'une dizaine d'hectares. Montboyau à Fondettes (Document 2) et Château-Chevrier à Rochecorbon (Document 3), ont pour point commun d'être situés sur la rive nord de la Loire, l'éperon des Deux-Manses à Sainte-Maure-de-Touraine (Document 4) se distingue, quant à lui, par son caractère isolé au sud.

Les questions liées à l'émergence et à la fonction des oppida font encore aujourd'hui débat (KAENEL 2006). Néanmoins l'archéologie contemporaine a livré des indices indéniables d'urbanisation sur certains d'entre eux, tels que la présence d'édifices publics ou de quartiers spécialisés. Ces arguments permettent donc d'avoir recours au qualificatif de ville, du moins pour quelques-uns de ces sites. L'apparition de ces agglomérations à la fin du 2e s. av. n.-è. est probablement le fruit de plusieurs facteurs déterminants, à commencer par la mutation de la société celte et l'influence croissante du monde méditerranéen. A la fin du 3e s. et durant le 2e s. av. n.-è., on observe effectivement le passage progressif d'un système guerrier et oligarchique à un système reposant sur une économie de marché. Cela ce traduit par le développement sensible des classes de populations des aristocrates et des artisans, ainsi que du réseau des établissements agricoles (voir notice). La densification et la diversification des productions, synonymes d'un marché florissant, sont peut-être à l'origine du besoin de regrouper les activités au sein d'agglomérations. Mais l'apparition des oppida ne s'est pas faite à partir de rien. En effet, un précédent à ce phénomène est reconnu au travers de petits villages ouverts, situés en plaine et dont l'occupation est datée entre 200 et 80 av. n.-è. (BUCHSENSCHUTZ, KRAUSZ 2001). Ces bourgs concentrent des activités artisanales mais ne peuvent être qualifiés de villes en raison notamment de leur taille (moins de 10 ha) et de l'absence d'organisation spatiale. Les vestiges découverts lors de l'agrandissement de l'hôpital Clocheville de Tours peuvent certainement être interprétés en ce sens (GALINIE 2007 : 199-208).

En somme, le processus d'urbanisation de la cité des Turons suit un rythme comparable à celui que l'on observe dans la moitié nord de la Gaule. Aux premiers bourgs d'artisans du 2e s. av. n.-è., tel que celui de Clocheville, ont succédé des agglomérations que l'on peut qualifier de villes. Certaines d'entres elles pouvaient même tenir un rôle de chef-lieu. C'est le cas d'Amboise, qui se distingue manifestement des sites contemporains dans cette cité. A la suite de la guerre des Gaules, l'accélération du processus d'acculturation des populations gauloises a favorisé l'émergence de nouveaux besoins, exprimés au travers de la création de villes nouvelles qui répondent aux critères romains : c'est-à-dire construites en pierre, sans rempart, et situées dans la plaine. Tours/Caesarodunum, créée au tournant de notre ère illustre ce phénomène.

Voir aussi :
- Amboise : la ville gauloise et gallo-romaine
- L'habitat rural du Second âge du Fer (5e s.-1er s. av.notre ère)
- Chinon, l'évolution du site castral de la fin de l'âge du Fer à la fin du Moyen Âge
- Sépultures et ensembles funéraires du second âge du Fer (475 à 25 av. notre ère)

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