L'agriculture aujourd'hui. Les dominantes agricoles en Indre-et-Loire


Roger Brunet

En Indre-et-Loire, entendue ici comme presque équivalente à la Touraine, l'agriculture n'exploite guère plus de la moitié de sa surface (330 000 ha sur 613 000) mais 71% en labours; le reste se limite à 50 000 ha de prairies et 10 000 de vignes. Deux grands systèmes agricoles se juxtaposent sans guère d'interférences: celui des grandes vallées (Loire, Cher et Vienne surtout) et celui des plateaux qu'elles séparent (carte 1).

Le système des vallées comprend en fait les coteaux qui les encadrent et le rebord des plateaux qui les dominent. Là se trouve, avec le principal du peuplement actuel, l'essentiel des vignobles, tous d'appellation contrôlée, et des vergers et des maraîchages. Les coteaux eux-mêmes sont boisés et troués d'aménagements troglodytes dans les anciennes carrières de craie. Les vignes sont sur les rebords des plateaux à l'est (Vouvray, Mont-Louis, Amboise), sur les terrasses, bas interfluves et coteaux dans l'ouest (Bourgueillois, Chinonais et Veron). La seule exception concerne un petit secteur au nord-ouest, vers Saint-Paterne Racan, simple extension du vignoble du val du Loir. Les plaines alluviales, qui juxtaposent des sols sableux de varennes et des sols plus lourds dans les bas-fonds, alternent maraîchages, prés et petits bois. Les vergers se dispersent parmi vignes et varennes selon les cas; leur principale concentration est entre Indre et Loire, au nord d'Azay-le-Rideau.

Les plateaux sont traditionnellement divisés en deux grands types de paysages: les champagnes et les gâtines. Les champagnes correspondent à des paysages de champs plutôt nus et cultivés; elles sont en général sur des sols plus légers et calcaires. Les gâtines, dont le nom évoquait à l'origine ce qui était vide, en friche, ont un paysage plus diversifié, coupé de bois et de clairières, où les pâtures se mêlent aux cultures, sur des sols souvent plus lourds ou pierreux. Cette division est très ancienne et commune à une grande partie du Bassin Parisien au sens large. Toutefois, elle a évolué, dans l'ensemble au détriment des gâtines.

C'est ainsi que la Gâtine tourangelle, ou Gâtine tout court, a pu s'étendre jadis presque à tout le plateau au nord de la Loire. Il est clair qu'à présent il n'en est plus tout à fait ainsi: le système beauceron est conquérant et a peu à peu submergé la partie nord-orientale de la Touraine. La partie nord-occidentale est beaucoup plus boisée, et nettement plus herbagère; on y voit des troupeaux bovins, et les géographes décrivent même un Savignéen où les dépôts de faluns favorisent le maintien des prés.

Bien que le terme de Gâtine n'y soit pas apparu, le sud-ouest du département est presque aussi boisé, mais d'agriculture plus variée, nettement moins herbagère, avec vignes et vergers. La présence militaire y a utilisé et, de ce fait, maintenu des landes (le Ruchard). Au contraire, la grande culture a pris ses aises au sud de la Vienne en Richelais, en extension du plateau de Sainte-Maure.

Un grand ensemble de campagnes ou champagnes s'étend au sud de Tours sur les plateaux de craie de Sainte-Maure, Ligueil, Loches et jusqu'au Cher. La partie entre Indre et Cher conserve même tant soit peu le vieux nom caractéristique de Champeigne. Là règnent les labours de céréales et oléagineux (colza et tournesol) sur des exploitations plutôt grandes, en écho occidental des campagnes de la Beauce et du centre du Berry.

Ce système s'effrange vers les périphéries méridionales et orientales. La grande culture y est moins triomphante, le paysage se diversifie et se boise, laisse place à quelques friches, les villages sont plus menus. Le terme de gâtine est même employé du côté de Montrésor. Au sud-est en direction de la Brenne, les prés se font plus nombreux. Vers l'ouest à la limite des Deux-Sèvres, une ligne de bois marque les limites départementales.

Si l'antique dualité gâtine-champagne reste présente, on voit bien qu'elle a évolué et ne correspond plus que partiellement à des déterminants naturels. Deux évolutions surtout sont sensibles. D'une part, la grande culture a renforcé sa place dans son domaine principal, sur les plateaux centraux, et elle a progressé au nord-est, par contagion beauceronne. D'autre part, on sent bien une certaine marginalisation des périphéries: la modération et la diversité relatives des activités vers les extrémités orientales et méridionales du département doivent plus à la distance à la ville qu'à des différences naturelles; le dépeuplement rural s'y poursuit, non sans quelques déprises agricoles.

sources: Corine Land Cover, RGA 2010, AOC viticoles (vigne), ONF (forêt)

Voir aussi :
- Pédologie et potentiel agricole
- La viticulture médiévale et moderne
- La viticulture depuis la crise du phylloxéra à la fin du 19e s.

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