Les structures de stockage médiévales


Pierre Dabek

avec la collaboration de Christine Brault (SADIL)

Les structures de stockage identifiées sur les sites médiévaux appartiennent principalement à deux types : les silos souterrains, constitués d'une fosse rétrécie vers le haut en forme de goulot, qui doit être fermée hermétiquement pour assurer la conservation du grain, stocké en vrac après battage, et les greniers surélevés, qui permettent de stocker les céréales sous différentes formes (en épis, en grains, en sac ou en tas). Leur mise au jour, en Touraine, est récente : lors de la réalisation d'un mémoire de maîtrise soutenu en 2004 sur les structures de stockage du haut Moyen Age (DABEK 2004), aucun site n'était encore connu en Indre-et-Loire (à l'exception du grenier maçonné de Rigny, daté du 7e-8e s., qui n'a guère d'équivalent connu dans la région).

Le corpus

Le dépouillement des rapports d'opérations de diagnostic et de fouille du Centre Archéologique de Tours (INRAP) a permis de sélectionner douze sites sur lesquels des vestiges ont été interprétés comme des structures de stockage. Huit autres sites ont été répertoriés par Christine Brault grâce au dépouillement des rapports d'opérations archéologiques conduites par le Service archéologique départemental d'Indre-et-Loire (SADIL) (carte 1). Les informations sont inégales, puisque la moitié d'entre elles est issue de données de fouille, l'autre étant le résultat de diagnostics.

Les silos sont les vestiges les plus représentatifs du stockage. Leur profil piriforme permet de bien les identifier. Les fonds sont généralement plats ou concaves et plus rarement convexes (doc.1). Ils sont creusés dans différents types de substrat : le plus souvent dans le calcaire, très présent dans la région, mais aussi dans des limons plus ou moins argileux, voire des sables et graviers. La majorité des silos découverts appartiennent à la période comprise entre le 7e-8e s. et le 10e-11e s., mais quelques-uns sont attribués à des périodes plus tardives : à Joué-lès-Tours « Les Etangs de Narbonne », un petit silo isolé de 0,55m3 a été daté entre le 11e et le 13e s., et à Chinon, deux grands silos (2,7 m3 et 3,7 m3) ont été datés de la première moitié du 12e s. (DUFAY, CAPRON 2012)

Certaines fosses ont pu servir également à la conservation de denrées alimentaires, c'est le cas, par exemple, à Truyes, à Joué-lès-Tours, à Fondettes ou à Chanceaux-sur-Choisille. Le creusement est cylindrique, le fond est souvent plat avec des parois rectilignes qui s'évasent plus ou moins. Le système de fermeture pouvait être composé de paille et de terre, amoncelée puis tassée au-dessus de l'ouverture (CELNART 1834 : 187-188).

Des constructions interprétées comme des greniers, à partir de critères tels que la superficie au sol et/ou le nombre de trous de poteau composant l'édifice, ont été mises au jour à Joué-lès-Tours « Les Etangs de Narbonne » (doc. 3), où ils sont datés du 6e-7e s., à Athée-sur-Cher « Bussière » (doc. 2) et Fondettes « Les Cochardières » où ils sont datés du 9e-10e s. (LICHON 2014b ; CHAUDRILLER 2006; CHAUDRILLER 2014 ; JOLY 2005; JOLY 2014).

Enfin, un type de structure moins courant est à noter : il s'agit de fosses quadrangulaires, comme celles qui ont été fouillées à Joué-lès-Tours « Les Etangs de Narbonne », où le surcreusement des angles et la découverte d'éléments de serrures et de ferrures suggèrent la présence d'un coffre, et à Fondettes « La Vermicellerie ». Plusieurs fosses de ce type, régulièrement associées à des zones de stockage, ont été répertoriées hors de Touraine sur les sites de Naveil (fouille de S.Chaudriller), d'Ingré « ZAC du Bourg ouest » (JESSET 2009), de Château-Gontier « Vauvert » (MEURET, VALAIS 2012) ou de Semoine « Voie Palon », dans l'Aube (DUROST 2007). Ce dernier cas est intéressant, car la fouille de la structure, qui a été abandonnée après un incendie, a permis de confirmer qu'il s'agissait d'un coffre en bois composé de quatre petits poteaux d'angle. Un prélèvement réalisé sur le fond de la structure a révélé la présence de grémil des champs et d'un peu de seigle. La structure était située le long d'un bâtiment daté du 8e siècle.

Volumes des silos

Les volumes les plus souvent observés sur les sites ruraux sont compris entre 0,45 et 1,34 m3.

Sur le site de Bléré, les volumes sont régulièrement répartis entre 0,80 et 1,60 m3. Le site de Joué-lès-Tours « Les Etangs de Narbonnes » se caractérise par des volumes plutôt faibles (entre 0,30 et 0,60 m3). Concernant le site d'Athée, on observe des volumes surtout compris entre 0,90 et 1,30 m3, alors que sur le site de Parçay-sur-Vienne, les volumes se répartissent surtout entre 0,30-0,80 et 1,10-1,90 m3, avec cependant un silo d'une contenance de 3,11 m3. A Vernou-sur-Brenne « Foujoin », la plupart des volumes sont inférieurs à 1 m3 à l'exception d'un silo qui a une contenance de 1,44 m3.

Les volumes des silos identifiés sur les sites castraux de Betz-le-Château et de Chinon sont nettement supérieurs à ceux des sites ruraux : à Betz, 5 des 6 silos identifiés ont un volume compris entre 1,9 m3 et 4,2 m3, tandis qu'à Chinon, 11 silos sur 18 ont une contenance comprise entre 2 m3 et 4,7 m3 (RIOU, MARTEAU 2012 ; DUFAY, CAPRON 2012)

Les volumes rencontrés sur ces différents sites semblent donc assez variables. Face à ce faible corpus, il n'est guère possible de reconstituer la gestion des stocks spécifique à chaque site, qui pouvait associer différentes structures de stockage, ni d'évaluer précisément l'influence de certaines contraintes techniques liées au type de substrat, ou tout simplement du statut du site.

L'organisation spatiale

Sur la plupart des sites, les structures de stockage (silos, fosses et greniers) paraissent associées, et sont généralement situées à proximité d'autres bâtiments. Dans la majorité des cas, les silos sont peu nombreux (de 1 à 6). Des aires de stockage spécialisées ont cependant été mises en évidence à Athée-sur-Cher « Bussière » (16 silos et 5 greniers des 9e-10e s.) (doc.2), Parçay-sur-Vienne « Le Prézault » (14 silos des 10e-11e s., dont dix organisés en batterie) (doc. 4) et surtout à Vernou-sur-Brenne « Foujoin » (plus d'une cinquantaine de silos et à peu près autant de fosses de stockage datés entre le 7e et le 10e s.) (doc. 5) et à Candes-Saint-Martin, où deux aires d'ensilage du haut Moyen Age ont été mises au jour à l'ouest et au sud-est du bourg (CHAUDRILLER 2006 ; JOLY 2007 ; PHILIPPON, GAULTIER à paraître). Chinon, où 18 silos ont été découverts dans le château du milieu, se distingue par la longue durée de l'utilisation de l'aire de stockage, du 8e-9e s. jusqu'à la première moitié du 12e s.

Ces chiffres n'ont qu'une valeur indicative dans la mesure où les opérations archéologiques n'ont jamais exposé intégralement les sites. Il paraît certain néanmoins que les dimensions des aires de stockage découvertes jusqu'à présent en Touraine ne sont pas comparables aux vastes concentrations de silos découvertes dans le Midi, qui regroupent plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de silos.

Voir aussi :
- Rigny-Ussé : la colonge de Rigny, centre d'exploitation d'un domaine rural de Saint-Martin de Tours aux 7e-8e siècles
- L'habitat rural au Moyen Age
- Athée-sur-Cher, "Bussière" : les établissements de l'Antiquité et du Moyen Age
- Joué-les-Tours, "Les Etangs de Narbonne" : les occupations médiévales

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