La lèpre est une maladie chronique, connue par les textes sur le sous-continent indien au 6e s. av. notre ère. Elle s'est diffusée en Occident à partir du 4e s. (TOUATI 1997b). On sait aujourd'hui qu'elle est provoquée par une bactérie, Mycobacterium leprae. Contrairement à une idée répandue, il ne semble pas qu'il y ait eu une recrudescence de la maladie liée aux croisades, et la multiplication des lieux d'accueil de lépreux à partir du 11e s. paraît plutôt liée au développement des institutions charitables.
Les lépreux au Moyen Age avaient pour emblème deux personnages de l'Evangile nommés Lazare : d'une part, le frère de Marie-Madeleine ressucité par le Christ, et d'autre part, le mendiant couvert d'ulcères dans la parabole du mauvais riche. De nombreuses léproseries ont été placées sous la titulature de saint Lazare. Très vite, le terme "lazare", sous la forme de "lazre" ou "ladre" est devenu synonyme de "lépreux" (TOUATI 1997a).
Les léproseries entrent dans le dispositif d'assistance aux pauvres et aux malades mis en place par les établissements ecclésiastiques depuis le haut Moyen Âge. La terminologie ne permet pas toujours de les distinguer des aumôneries, infirmeries, maladreries, hôpitaux qui accueillaient les malades et les indigents, et ces établissements étaient souvent polyvalents. Une étude récente recense, en Touraine, 56 établissements, mentionnés dans les sources écrites entre le 6e et le 15e s, ou attestés par la toponymie (carte 1)(TOUATI 2004 : 399).
Entre le 11e s et le 13e s, les "maisons de lépreux" se sont multipliées. Elles regroupaient la plupart du temps une double communauté mixte, comprenant des hommes et des femmes, valides et lépreux, vivant selon les préceptes de saint Augustin (TOUATI 1997c).
Les communautés de lépreux assuraient leur entretien grâce aux donations pieuses et à l'exercice de divers droits de prélèvement qu'elles avaient reçus en aumône. Ainsi, en 1217, un acte de Geoffroy, seigneur de Preuilly, réserve aux lépreux la perception des droits sur le sel vendu à la foire de Notre-Dame des Echelles. En 1241, un texte mentionne la vente pour 15 sous tournois à l'abbaye de la Clarté-Dieu par les lépreux de Saint-Christophe-sur-le-Nais de leurs droits sur les bois et les terres du fief Belluet (TOUATI 2004 : 436). Les lépreux de la léproserie Saint-Lazare, près de l'Ile-Bouchard, possédaient le droit de pêche dans la Vienne et la Manse, le droit de prélever du bois dans les forêts de Panzoult, et les revenus d'une foire, le premier lundi d'octobre (MERCIER 1944 : 239).
Les léproseries étaient établies le plus souvent à la périphérie des agglomérations d'une certaine importance, et leur présence peut être considérée comme un indice d'urbanisation. A proximité de Tours, il y avait au Moyen-Age trois léproseries : Saint-Lazare, sur la route de Loches, qui a fait l'objet de fouilles récentes (BLANCHARD, RODIER, THEUREAU 2007) et sur la rive droite de la Loire, deux léproseries qui dépendaient de l'abbaye de Marmoutier : Saint-Jean des Ponts, dans le faubourg Saint-Symphorien, et Sainte-Radegonde. A proximité de Chinon, il y en avait deux : Saint-Jean-Baptiste sur le coteau qui domine la collégiale Saint-Mexme et Saint-Lazare au-delà du pont de la Nonnain. A l'Ile-Bouchard, une léproserie est attestée dans le cartulaire de l'abbaye de Noyers dès 1080. Elle était située à l'extérieur de l'agglomération, sur la route de Crouzilles, où le lieu-dit Saint-Lazare subsiste encore. A Amboise, une léproserie est également mentionnée en 1207 dans un acte de Sulpice, seigneur d'Amboise (TOUATI 2004 : 433-434).
A partir de la fin du Moyen-Age, la maladie connut une régression, et le nombre des léproseries diminua progressivement.
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