L'étude des anciens franchissements de rivière se heurte à de nombreuses difficultés liées à notre méconnaissance des différents réseaux structurant l'espace dans l'Antiquité : le réseau hydrographique bien entendu, le réseau routier, l'occupation du sol et l'emplacement des habitats groupés.
Concernant le réseau hydrographique, on sait que le cours du lit mineur de certains cours d'eau (le Cher, l'Indre ou encore la Vienne) s'est déplacé durant l'Holocène ; de récentes études ont montré par exemple que, durant l'Antiquité, le Cher ne confluait pas avec la Loire mais avec l'Indre, dans les environs de Bréhémont (CARCAUD et al. 2002).
Le réseau routier antique de la cité reste encore à étudier dans son ensemble. Si les voies principales traversant le territoire de la cité sont approximativement bien localisées, le réseau secondaire reste très largement méconnu.
La recherche des passages de franchissement de rivière a été pendant très longtemps liée à celle de l'emplacement des voies antiques. Si cette méthode a son importance, elle est loin d'être suffisante, puisque les franchissements liés au réseau secondaire, bien plus nombreux, ne sont alors pas étudiés.
Des approches plus larges des franchissements de rivières ont été menées depuis une dizaine d'années dans des régions voisines, notamment sur la Saône, dont les gués ont fait l'objet d'une étude diachronique (DUMONT 2002). Ils n'en sont qu'à leur début en région Centre.
Le territoire turon est traversé d'est en ouest par la Loire, alimentée par le Cher, l'Indre et la Vienne. Sur la Loire, on note la présence de ponts en bois, tous découverts ces vingt dernières années : à Tours (pont dit de l'île Saint-Jacques et pont dit de l'île Aucard), à Fondettes et probablement aussi à Candes-Saint-Martin et à Amboise (communication orale P. Neury). Ces ouvrages imposants (les quantités de bois mises en œuvre pour la construction de tels ponts sont difficilement quantifiables mais ne sauraient être négligées) sont situés au niveau de voies importantes ou d'agglomérations secondaires. Les sites de Candes-Saint-Martin, à la confluence de la Vienne et de la Loire, et d'Amboise, importante agglomération secondaire succédant à un oppidum du second Age du Fer, correspondent à des carrefours de voies terrestres et fluviales. Le pont de Fondettes est situé sur le tracé de la voie reliant Poitiers-Lemonum au Mans-Vindinum, évitant la capitale de cité Tours-Caesarodunum (NEURY, SEIGNE 2004a ; SEIGNE, NEURY 2007). Au niveau de cette dernière, les deux rives de la Loire sont reliées par au moins deux ouvrages de franchissement (NEURY, SEIGNE 2004b ; SEIGNE, NEURY 2007) : le plus ancien, probablement situé dans le prolongement du cardo maximus, aurait été bâti d'après les analyses dendrochronologiques durant la première moitié du 2e s. av. notre ère; le second pont, daté du 4ème siècle par 14C et dendrochronologie, pourrait fonctionner avec une des poternes du castrum de l'Antiquité tardive (SEIGNE 2007a).
En dehors des ouvrages de Tours et du pont de Candes-Saint-Martin sur la Vienne, aucun autre pont en bois n'a clairement été identifié sur les autres cours d'eau du territoire. Sans doute faut-il voir ici un effet de source dû aux recherches effectuées en Loire lors des périodes d'étiage exceptionnelles de ces dernières années. Le seul pont en pierre que l'on peut clairement dater de l'Antiquité est celui découvert au Grand Pressigny, en raison de l'emploi de blocs en grand appareil assemblés à l'aide de crampons métalliques et munis de trous de louve, caractéristiques de cette période (Communication orale J.-C. Marquet). Une étude plus approfondie de cet ouvrage, relevé et photographié à la fin des années 1970, nécessiterait de nouvelles investigations.
Un autre pont supposé antique (à piles de pierre et tablier en bois ?) franchissant l'Indre aurait été mis au jour en 1860 à Reignac-sur-Indre lors de la construction du pont actuel, après la découverte, à proximité, d'une pile d'un ouvrage antérieur associée à du mobilier daté de l'époque romaine (PROVOST 1988a : 39). Cet ouvrage se situerait sur la voie, supposée antique, reliant Amboise à Port-de-Piles.
De tels ouvrages, en bois ou en pierre, restent du domaine de l'exceptionnel dans nos régions, la plupart des franchissements de rivière, sur les réseaux de voirie primaire ou secondaire, s'effectuant plus probablement alors au moyen de gués ou de bacs. Cependant, la part de ces derniers types de franchissement de rivières, bien qu'importante et majoritaire à l'époque antique, reste difficilement restituable en raison notamment de la rareté des vestiges découverts. Si l'on peut raisonnablement exclure l'utilisation de gués pour le franchissement de la Loire hors période d'étiage, on peut supposer que ce moyen de traversée ne nécessitant pas d'aménagement particulier (même si certains hauts-fonds sont parfois aménagés) devait être employé presque exclusivement sur les autres cours d'eau. Sur certaines voies antiques dont le tracé a perduré jusqu'à nos jours, il est possible de restituer des passages à gué au niveau de hauts-fonds mentionnés sur le cadastre napoléonien, malgré l'absence de preuves matérielles. Il faut préciser, enfin, que gués et ponts ont souvent fonctionné ensemble et que la construction de l'un n'a pas nécessairement remplacé l'autre.
Voir aussi :