Château-Renault est une ville d'Indre-et-Loire située au nord-est du département à égale distance entre Vendôme, Blois et Tours (LEFEVRE 2003). La ville est traversée par la Brenne, rejointe depuis l'est par le Gault. Les fonds des deux vallées sont inondables et inaptes à la construction sans aménagement (carte 1). Le relief est prononcé et le coteau nord de la vallée du Gault accuse une pente maximale de 20 %.
La topographie historique d'après les sources écrites
Le nom de l'agglomération est mentionné vers 1064 dans une charte de Marmoutier qui évoque un certain « Ascelin viguier de Château-Renault », « de Castello Rainaldi » (METAIS 1889-1891, n° 32). La deuxième mention date de 1066 et mentionne l'église « de Castro Rainaldi » qui est concédée par Renaud de Château-Renault à l'abbaye Saint-Julien de Tours (DENIS 1912 : 45, n° 31). Sur ordre du comte d'Anjou, Renaud « donne [...] pour faire un bourg tout ce que contenaient les fossés du vieux château qui fut consumé par le feu ». Le texte évoque également des maisons de chevaliers et prévoit la concession d'un espace au pied du château, « entre les fossés et l'eau », si les moines estimaient manquer de place.
Plusieurs éléments topographiques de l'agglomération sont connus par un ensemble de textes (voir carte 2). La chapelle Saint-André, mentionnée par le texte de 1066, devient une église paroissiale sous le patronage de l'abbaye Saint-Julien de Tours en 1119-1125 (DENIS 1912 : 89-91, n° 68); son territoire est détaché de celui de la paroisse du Boulay. Sur la rive droite de la Brenne, une maladrerie existe déjà au 13e s. (CARRE DE BUSSEROLE 1878 : 169). Une chapelle Saint-Mathurin fut construite à proximité en 1333 par le comte de Blois. Un couvent de Récollets (ordre mendiant) fut fondé à l'ouest de l'agglomération vers 1620. Plusieurs moulins sont connus sur les deux cours d'eau : Méré attesté en 984 (CARRE DE BUSSEROLE 1878 : 245), Launay cité comme moulin à foulon en 1022 (ADIL G 73), Moulinet mentionné en 1524 (ADIL H 142), enfin Habert et Vauchevrier en 1558. Le cimetière était originellement lié à la chapelle Saint-André : une parcelle accolée à la nef portait le toponyme de « Petit Cimetière ». Il fut déplacé entre le château et la place du marché avant 1784 d'après un plan daté de cette année (voir document 1) puis au nord de la commune avant 1836.
Un aveu daté de 1558 rendu par la marquise de Rothelin pour la seigneurie de Château-Renault (Archives Nationales, Q1 500*) comporte la description de propriétés urbaines acquittant le droit de faîtage et les « rentes héritées des prédécesseurs ». Il atteste la quasi-totalité des éléments de la trame urbaine : rues, place du marché, fortifications...
Sa restitution graphique permet d'obtenir un état de la ville pour le milieu du 16e s. (voir carte 3). La Grand Rue est densément bâtie, de l'église Saint-André à l'est au pont Paillard à l'ouest. La place du marché est elle aussi bordée de tous côtés par des maisons. Le texte atteste les portes d'Amont et du Bas qui enserrent une partie de la Grand Rue. L'île Saint-Mathurin, à l'ouest, est occupée par quelques propriétés.
La morphologie urbaine d'après les sources planimétriques
On peut également aborder la structuration de la trame urbaine par le biais de l'analyse morphologique. Le principe est de rechercher d'éventuelles unités de plan, qui sont des en-sembles de parcelles relevant d'une même organisation géométrique sur le plan (GAUTHIEZ, ZADORA-RIO, GALINIE 2003 : 481). Ces unités peuvent correspondre à des opérations d'urbanisme qui sont « le fruit d'un aménagement planifié de l'espace » (ibid. : 481). Il peut également s'agir de formes linéaires planifiées ou au contraire dont la configuration est induite par la présence d'un ou plusieurs éléments de la topographie urbaine (ibid. : 482-485).
Quatre planches du cadastre ancien sont mobilisées pour étudier la morphologie de l'agglomération : les deux premières ont été établies en 1836 et concernent le territoire communal d'alors et les deux dernières concernent des portions de la commune voisine du Boulay établies en 1831 et annexées à Château-Renault durant le 19e s. (voir carte 1).
Sur la section B du cadastre ancien (voir carte 4), le fond de la vallée du Gault montre des tracés perpendiculaires au ruisseau et courant d'un bord de plateau à l'autre (1). Le parcellaire serré en bordure de la Grand Rue semble s'insérer dans cette trame. Une structure morphologique similaire est présente sur la rive droite de la Brenne, le long du même axe (2). Ces deux entités peuvent être liées à un découpage foncier dû à l'extension de l'agglomération. Les limites parcellaires perpendiculaires à la rue sont dans le prolongement des limites des bâtiments. Il est alors possible que l'on ait une organisation du type maison en front de rue et jardins à l'arrière sur des parcelles allongées jusqu'à un accès au Gault. Cela doit probablement être mis en parallèle avec l'importante activité de tannerie attestée de la fin du Moyen Âge jusqu'à l'époque contemporaine, et avec l'important besoin en eau de cette industrie.
Des structures morphologiques similaires peuvent être repérées au nord de la place du Marché (4 et 5), dans lesquelles des limites parcellaires présentes relativement loin des rues et de la place se prolongent jusqu'à celles-ci, structurant les îlots qu'elles traversent. Les abords de la rue Saint-Nicolas-de-la-Barre (6) participent probablement au même mouvement car des alignements de limites parcellaires ne semblent pas tenir compte de la surimposition de la rue. On peut interpréter cela comme les quelques traces subsistantes du parcellaire rural préexistant après le découpage et l'éventuel lotissement des abords de la place du Marché.
Enfin, deux dernières structures peuvent être isolées. Il s'agit des abords du Tertre-Saint-Laurent (3), caractérisés par des parcelles bâties de petite taille organisées le long de la rue, et de la place du Marché elle-même (7), dont le bord sud rectiligne est très probablement issu d'une opération d'alignement. Près du milieu de la place se trouvent quelques parcelles bâties isolées dont l'alignement des façades occidentales pourrait conserver la trace d'une rue disparue située dans le prolongement du Tertre-Saint-André.
Progression de l'urbanisation du site
Le document de 1066 qui mentionne Château-Renault pour la première fois atteste l'existence à cette date du château au sommet de l'éperon et de la chapelle Saint-André. La mise en place d'un bourg près de celle-ci, même si on n'en connaît pas les circonstances précises, est la marque probable de la volonté de structurer un paysage urbain.
L'agglomération déborde sur le plateau au cours du 16e s., voire avant : une maison de la place du Marché porte la date de 1507. D'après l'aveu de 1558, l'urbanisation des abords de la place est achevée au milieu du 16e s. En comparant le plan restitué pour 1558 avec le cadastre des années 1830, on constate l'extension progressive de la ville le long des voies partant vers le nord.
Excepté autour de la place du Marché et en-dessous du château, le territoire est très peu urbanisé. À cause du relief et des cours d'eau, la structuration de la ville est tributaire de son réseau viaire. Le réseau hydrographique lui-même a été progressivement transformé par la mise en place des différents moulins en raison du creusement des biefs associés (GUICHANE 2014).
Château-Renault est la seule ville au nord-est de l'Indre-et-Loire. Si on considère le nombre de ses éléments religieux, économiques et militaires, elle reste une agglomération d'importance moyenne par rapport aux autres villes de Touraine (JOLY 1997 ; ZADORA-RIO 2008 : 94-98).
Voir aussi :