Les voies de communication dans l'Antiquité


Jacques Seigne

Dans l'imaginaire collectif, les « Romains » nous ont laissé deux « inventions » majeures : le « béton » (au « tuileau ») et surtout les « voies romaines». Destinées à relier aisément et rapidement les grands centres urbains et à faciliter les déplacements de l'armée, ces grandes routes furent normalisées, standardisées, d'un bout à l'autre de l'Empire. Tracées au mieux de la topographie, aussi rectilignes et horizontales que possible, constituées de deux pistes de roulement de plus ou moins trois mètres de large chacune, solidement construites suivant des principes techniques similaires, ces voies étaient en outre dotées de bornes tous les milles -ou toutes les lieues dans certaines régions de Gaule. Ces bornes milliaires portaient généralement une inscription gravée rappelant à la fois le nom du gouverneur de la province qui avait fait réaliser ou entretenu la route, le nom de l'empereur sous le règne duquel les travaux avaient été effectués et surtout la distance séparant la borne de la capitale de cité voisine. Une telle structuration des réseaux viaires ne réapparaitra qu'au 18ème siècle avec la construction des « routes royales »... dont beaucoup réemprunteront des tracés antiques.

Toutefois, les grands itinéraires interurbains ne constituaient qu'une faible part des réseaux de circulation. Les routes secondaires et chemins privatifs, moins bien structurés, mais beaucoup plus nombreux formaient la base de la trame viaire. Ce sont, la plupart du temps, les vestiges de ces « voies secondaires », sinon privatives, qui nous sont aujourd'hui révélés par les fouilles. Le qualificatif de « voie romaine » qui leur est généralement attaché, s'il est archéologiquement vrai, ne correspond que très rarement au sens, très restrictif, donné à ce terme, qu'on réserve en général aux itinéraires majeurs représentés par des voies publiques, jalonnées par des bornes.

Il va sans dire également que l'époque romaine ne vit que la structuration, la normalisation, de routes plus anciennes et que les très rares itinéraires antiques qui nous sont parvenus (équivalents à des cartes schématiques mentionnant des distances et non la topographie réelle) ne concernent que les grands axes terrestres de circulation.

Or la cité des Turons a l'avantage d'avoir un territoire traversé par de nombreux cours d'eau, la plupart navigables malgré leur régime parfois capricieux. Bien que les vestiges matériels directs manquent (ports, appontements, épave de navires,...), il ne fait aucun doute que la Loire, le Cher et leurs affluents furent utilisés pour le transport des personnes et des biens, en particulier des pondéreux. L'importance même de ces axes de communication fluviaux explique sans doute, au moins en partie, le choix, à priori aberrant, du confluent inondable des vallées de la Loire et du Cher pour l'implantation de la capitale de la cité, Caesarodunum/Tours.

De même, les vallées et les rives des nombreux cours d'eau constituaient autant d'axes naturels, et généralement aisés, de circulations terrestres. L'examen de la carte des agglomérations secondaires (HERVE 2007) montre bien la répartition privilégiée de ces centres le long des voies fluviales et suggère par là que ces dernières étaient doublées, sur les deux rives ( ?), par des voies terrestres. De très nombreux indices relevés au cours des ans, semblent bien confirmer la présence de ces probables routes de berges sans pour autant que leur réalité matérielle et surtout leur appartenance à l'Antiquité ne soient totalement prouvées.

Par ailleurs, les axes de circulation terrestres ne se limitaient pas aux berges des rivières. En particulier les grandes liaisons entre capitales de cités, les « voies romaines » au sens propre du terme, structurées et bornées suivant les normes communes aux grandes routes de l'Empire (voir ci-dessus), suivaient des tracés plus directs que ceux généralement autorisés par les réseaux hydrographiques.

La Carte de Peutinger, copie médiévale du seul document cartographique antique qui nous soit parvenu pour la région (FERDIERE 2007), atteste de l'existence de cinq de ces « voies » ayant relié Caesarodunum à Limonum (Poitiers), Juliomagus (Angers), Vindinum (Le Mans), Cenabum (Orléans) et Avaricum (Bourges)(voir carte 1). Si les liaisons mentionnées par cet itinéraire antique ne font pas de doute, comme les sources antiques -et le simple bon sens- le prouvent, leurs implantations précises sont beaucoup moins bien connues sur le terrain et seuls les tracés proposés aujourd'hui pour celles se dirigeant vers Poitiers, Le Mans (et au moins pour partie vers Angers) semblent convaincants. Très peu de vestiges fiables sont en effet conservés. Deux bornes seulement, dont une seule inscrite au nom de l'empereur Tacite (275-276)(voir document 1), sont actuellement connues pour l'ensemble du territoire des Turons ( Audin 1982, Provost 1988:98 ) et toutes deux, réutilisées comme sarcophages, et donc déplacées, ne peuvent servir de témoins topographiques. A l'heure actuelle, les vestiges de ponts antiques, dont le nombre s'est considérablement accru ces dernières années à la suite de découvertes fortuites et de fouilles programmées, constituent les seuls véritables témoins précis du tracé des voies antiques sur le territoire des Turons : Candes Saint-Martin, Fondettes, Tours, Amboise...(COURTOIS 2007)

Voir aussi :
- La Carte de Peutinger et la Touraine
- L'habitat rural à la période romaine
- Le franchissement des rivières à l'époque gallo-romaine

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