Le paléoenvironnement au cours de l'Holocène d'après les données palynologiques


Lionel Visset

L'Holocène est subdivisé en cinq périodes climatiques (Préboréal, Boréal, Atlantique, Subboréal, Subatlantique).

Au début de l'Holocène (ou Postglaciaire), vers 10000 BP et parfois jusqu'au début de la chronozone de l'Atlantique, vers 8000 BP, la Loire tourangelle connaît une métamorphose fondamentale et cette époque est envisagée comme une période majeure dans l'édification des mosaïques fluviales actuelles (CARCAUD, 2004). Dès le Préboréal, et pour certains chenaux, jusqu'au début du Boréal, sous contrôle climatique, le fleuve connaît un regain d'activité fluviale avec une phase d'incision majeure et d'érosion, ce qui explique que la chronozone du Préboréal soit absente de nombreux sites (Lycée Descartes à Tours, Le Mouton (document 1), Les Caves d'Amont à Vallères), ou tronquée (Bois-Jésus à Saint-Cyr-sur-Loire, Les Tronchées, Les Fours). Dans les sites où le Préboréal est reconnu (Charcenay à Saint-Cyr-sur-Loire, Bois Jésus, La Grande Brousse, Les Tronchées), le paysage présente un aspect très déboisé et encore très steppique, où dominent, sur les plateaux, les graminées et les armoises ; les milieux humides sont envahis de plantes paludicoles et aquatiques, témoignant, malgré tout, d'un réchauffement climatique (carte 1). Mais dans ce contexte, le pin est toujours dominant et les espèces arborescentes mésothermophiles sont encore insignifiantes, ce qui conforte l'idée de rigueur de cette période.

Au Boréal, à la faveur d'une stabilité des lits fluviaux, certaines vallées voient la mise en place d'un marécage (Le Mouton, Les Tronchées). Mais le sommet de cette chronozone est souvent amputé, de même que le début de l'Atlantique, ce qui est à mettre en relation avec un regain d'activité fluviale à la transition Boréal/Atlantique (Les Caves d'Amont). Les enregistrements polliniques montrent qu'une véritable dynamique forestière se met en place sur les plateaux (Bois-Jésus, Le Mouton, Les Tronchées, Les Fours). Le paysage tend à se boiser rapidement avec le développement d'une corylaie au sein de laquelle commencent à apparaître le chêne, l'orme, puis le tilleul ; le pin, soit reste plus ou moins important, soit chute considérablement (Charcenay). Dans la plaine alluviale, l'aulne (La Canche à Cinq-Mars-la-Pile, Le Mouton, Les Fours) et parfois le saule (La Canche) commencent un peuplement.

A l'Atlantique, dès le début, les paysages se ferment avec le boisement des zones humides couvertes d'aulnes (La Canche, Le Mouton) et des coteaux. Avec tout d'abord le maintien de la corylaie, la chênaie et la tiliaie s'étendent, mais l'orme et le hêtre sont encore sporadiques (La Canche, Le Mouton, Les Caves d'Amont) et le pin ne joue plus aucun rôle dans le paysage. Aux Caves d'Amont, les analyses ont révélé l'image des grèves sablo-argileuses recouvertes d'une végétation spécifique avec des chénopodiacées (Chenopodium sp.), des armoises (Artemisia campestris), le plantain des sables (Plantago arenaria) et surtout un gazon d'Olympe (Armeria alliacea), association végétale que l'on rencontre toujours sur les grèves sableuses actuelles de la Loire et de ses affluents (CORILLION, 1982). A la toute fin de l'Atlantique, on assiste manifestement à la submersion de ces grèves, comme en témoigne la chute de cet ensemble végétal, correspondant au regain d'activité fluviale constaté à cette période (CARCAUD, 2004).

Au cours du Néolithique ancien, dans certains sites, on relève quelques traces d'anthropisation, qui semblent pouvoir être corrélées avec des chutes importantes de la courbe des arbres en affectant le chêne, le noisetier et le tilleul, témoignant donc d'éclaircissements forestiers (Le Mouton) (carte 2). Il est intéressant de noter que peuvent apparaître très précocement quelques grains de pollen de céréales (Le Mouton, La Canche, Les Caves d'Amont) et même de noyer (Juglans) (Les Caves d'Amont), ce qu'il est tentant de corréler à l'occupation Villeneuve-Saint-Germain du Mouton à Cinq-Mars-la-Pile (CARCAUD et al., 2002).

Les manifestations de l'hydrodynamisme que l'on enregistre à la fin de l'Atlantique (Riabelais à Saint-Cyr-sur-Loire, Les Caves d'Amont), sont certes d'origine climatique, et bien que les déboisements se manifestent localement dès le Néolithique ancien, ce n'est qu'à partir du Subboréal, au Néolithique moyen, que l'on commencera à considérer les interactions entre les milieux et les sociétés, phénomènes qui ne pourront pas encore être associés à une humanisation durable et définitive des milieux (BURNOUF et al., 2003b), même si localement l'implantation des populations est de mieux en mieux attestée avec le développement de l'élevage, de la céréaliculture (Les Caves d'Amont) et parfois avec une déforestation très importante (Le Pont à Parçay). Mais dans l'ensemble de la Touraine, la chênaie-corylaie-tiliaie continue à s'étendre sur les plateaux et l'aulnaie est particulièrement bien déployée dans les thalwegs (Lycée Descartes, La Canche, Les Caves d'Amont). C'est au Néolithique final que le système forestier des plateaux prend une importance qu'il n'avait pas eue dans les phases précédentes, le taux de boisement (Arborean Pollen : AP sur les diagrammes polliniques) atteignant parfois 70 %, avec une chênaie-corylaie-tiliaie-ormaie et dans la plaine alluviale, l'aulnaie est à son optimum (Riabelais, Lycée Descartes, La Canche, Le Mouton, Les Caves d'Amont, Les Tronchées, Les Fours).

A la fin du Subboréal et au Subatlantique, pendant l'Âge du Bronze, période d'instabilité hydrodynamique avec reprise d'érosion sur les versants (GARCIN et al., 2001), l'investissement humain reste ténu, mais significatif d'une évolution marquée dans les pratiques culturales, avec l'apparition de pollen de sarrasin (Riabelais, La Canche), culture qui ne prendra une certaine importance qu'au haut Moyen Âge. La céréaliculture peut rester conséquente (Les Caves d'Amont), ou encore balbutiante (Riabelais, La Canche, Le Mouton, Les Tronchées, Les Fours) (carte 3); le noyer reste très rare (Lycée Descartes, Les Fours). L'aulnaie peut continuer à couvrir l'ensemble de la plaine alluviale (La Grande Brousse, La Canche et Le Mouton, Le Pont et Les Fours), mais chute en d'autres sites (Lycée Descartes, Les Caves d'Amont), ouvrant le marécage au profit de la magnocariçaie et d'espèces herbacées paludicoles. Le système forestier environnant est soit en pleine expansion (Le Mouton), soit à son optimum (Les Caves d'Amont, Les Tronchées), mais dans certains sites, son déclin commence à se marquer, en corrélation avec une augmentation de toutes les espèces rudérales, témoignant plus d'une activité d'élevage que de céréaliculture (Riabelais, Lycée Descartes, La Canche, Les Fours).

A l'Âge du Fer, on constate une réduction des flux hydrologiques et sédimentaires qui se matérialise par la reprise d'une décantation vaso-tourbeuse dans les bras morts (CARCAUD, 2004 ; VISSET et al., 2005) (Lycée Descartes, La Canche, Le Mouton, Les Caves d'Amont, Le Pont) (carte 4). Surtout à partir de la Tène (Le Mouton, Les Caves d'Amont, Les Tronchées), un changement important se manifeste dans le paysage végétal. En effet, le couvert forestier à chênes et noisetiers régresse, alors que parallèlement se développe la céréaliculture, en concomitance de l'extension des prairies à graminées et des espèces rudérales (Riabelais), confirmant l'importance que prend l'élevage dans ces plaines alluviales, phénomène entrevu déjà à l'Âge du Bronze. Le comportement de l'aulnaie est très variable suivant les sites et vraisemblablement en relation avec les pratiques humaines ; elle se maintient à son plus haut niveau (Riabelais, La Canche, Le Pont), continue à régresser (Les Caves d'Amont) ou décline nettement (La Grande Brousse, Lycée Descartes, Le Mouton).

A la fin de l'Âge du Fer et début de la période romaine, on doit envisager un seuil chronologique et une mutation dans la dynamique des vals avec une anthropisation irréversible du bassin ligérien, qui doit être compris alors comme un anthroposystème (BURNOUF et al., 2003a). La déforestation s'intensifie avec le déclin de la chênaie et de ses compagnes (noisetier, tilleul, orme, hêtre) (Bois-Jésus, La Grande Brousse, La Canche, Le Mouton). Les cultures céréalières sont en progression et on voit se développer le noyer (Riabelais, La Canche, Le Mouton, Les Tronchées) et le châtaignier (La Canche, Le Mouton) et dans certains sites, les chènevières sont conséquentes (La Grande Brousse) (carte 5).

Dès le haut Moyen Âge, les défrichements sont intenses et certains coteaux sont très déboisés (Riabelais, La Grande Brousse, Le Mouton (document 1), Les Naudières à Nouzilly (document 2), Le Pont) (carte 6). On note alors soit l'essor de la céréaliculture (blé, seigle avec le bleuet dans les moissons), avec un système de rotation et de jachères, comme le montre l'accroissement des landes à bruyères, ou soit son déclin (La Grande Brousse), au profit de l'amplification des chènevières et de l'élevage, avec un système prairial très important (Non Arborean Pollen : NAP sur les diagrammes polliniques) (Les Caves d'Amont, Les Naudières) et de la viticulture. Le noyer et le châtaignier sont de mieux en mieux perçus (Les Naudières). Les aulnaies, déjà décroissantes à l'époque romaine, ne joueront plus, à partir de cette période, qu'un rôle secondaire dans la plaine alluviale, qui devient elle-même non forestière, avec un paysage de marécage herbacé (Riabelais, Les Naudières, Le Pont) assez semblable à la physionomie actuelle, et dans lequel se pratique l'élevage.

Au Moyen Âge central, les déboisements continuent, mais on n'observe pas de grande évolution dans la physionomie du paysage. Par contre, au bas Moyen Âge, de nombreux changements marquent les pratiques agropastorales. En effet la céréaliculture et surtout la culture du chanvre régressent fortement. En contrepartie, les espèces herbacées diversifiées présentent une hausse importante (La Grande Brousse, Les Naudières), avec un système prairial qui se maintient dans la plaine au détriment de l'aulnaie, ce qui tend à dénoter le développement de la pratique de l'élevage aussi bien sur des vasières périodiquement exondées que sur les coteaux environnants fortement déforestés (La Grande Brousse, Les Caves d'Amont).

Aux époques modernes et subactuelles, la partie supérieure du remblaiement des vals est surtout constituée de limons sableux d'inondation. Le paysage mis en place au bas Moyen Âge n'évolue guère, si ce n'est la mise en évidence des premières cultures de maïs qui pourraient se situer aux environs de 1750 de notre ère, comme le suggèrent les mentions textuelles attestant la production de cette céréale, appelée « blé de Turquie ou d'Italie » dès le début de la seconde moitié du 18e siècle dans le Chinonais (MAILLARD, 1992).

Voir aussi :
- Relief et réseau hydrographique
- La palynologie
- Le paléoenvironnement au Tardiglaciaire d'après les données palynologiques
- L'évolution de la plaine alluviale de Tours au Quaternaire récent

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