Les diocèses, archidiaconés, doyennés et archiprêtrés à la fin de l'Ancien Régime


Jean-Michel Gorry

Les circonscriptions ecclésiastiques du diocèse de Tours à l'époque moderne présentent une grande stabilité. Remarquons d'abord la permanence des limites diocésaines qui semblent pratiquement inchangées depuis le Moyen Âge. L'examen des chartes antérieures au 13e siècle ne fournit pas de démentis à cette constatation et l'étude attentive des pouillés permet d'affirmer que du 13e au 18e siècle, aucune modification notable n'est survenue.

En partie héritière de la province romaine de IIIe lyonnaise, la province ecclésiastique de Tours, dont on soupçonne l'existence dès le 5e siècle (conciles de Tours en 461, de Vannes vers 465), n'est vraiment constituée qu'au 9e siècle et, nonobstant un long conflit avec l'évêché de Dol, conserva jusqu'à la Révolution ses onze suffragants : Le Mans, Rennes, Angers, Nantes, Cornouailles, Vannes, Léon, Tréguier, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Dol. L'évêque métropolitain, l'archevêque - le mot est employé en français dès le 11e siècle - n'avait pas de pouvoir réel hors de son diocèse ; sa fonction, mis à part la convocation et la présidence des conciles provinciaux, était surtout honorifique et, par le port du pallium, signe de sa juridiction spirituelle et de sa communion pastorale avec Rome.

Le diocèse (carte 1)

Par rapport au diocèse actuel qui coïncide avec le département d'Indre-et-Loire, il ne comprenait pas :

- à l'ouest, 24 paroisses du diocèse d'Angers :

- dans l'archiprêtré du Lude : Villiers-au-Bouin, Braye-sur-Maulne, Marcilly-sur-Maulne, Couesmes, Lublé, Château-la-Vallière, Chouzé-le-Sec, Saint-Laurent-de-Lin, Courcelles-de-Touraine ;

- dans l'archiprêtré de Bourgueil : Channay-sur-Lathan, Savigné-sur-Lathan, Rillé, Hommes, Gizeux, Saint-Philibert-de-la-Pelouse, Continvoir, Avrillé-les-Ponceaux, Saint-Symphorien-les-Ponceaux, Saint-Nicolas-de-Bourgueil, Bourgueil, Benais, Restigné, Chouzé, La Chapelle-sur-Loire. Dans cet archiprêtré, les paroisses de Benais, Continvoir et Restigné intervenaient dans les landes de Saint-Martin au titre du diocèse d'Angers (dans les landes de Saint-Michel, au titre du diocèse de Tours, intervenaient Les Essards, Saint-Michel, Saint-Patrice et Ingrandes) ;

- au sud-ouest, 15 paroisses du diocèse de Poitiers :

- dans le doyenné de Loudun : Marçay et Richelieu (à partir de 1638) ;

- dans l'archiprêtré de Faye-la-Vineuse : Assay, Grazay, Champigny-sur-Veude, Chaveignes, Le Sablon (jusqu'en 1638), Courcoué, Braslou, Braye-sous-Faye, Razines, Jaulnay, Nancré, Faye-la-Vineuse, Marnay-sous-Faye, Saint-Jouin-de-Faye ;

- au nord, 5 paroisses du diocèse du Mans : Chemillé-sur-Dême, Épeigné-sur-Dême, Les Pins, Rorthres, Les Hermites (doyenné de Trôo avant 1720, ensuite doyenné de La Chartre) ;

- à l'est, 6 paroisses du diocèse de Blois : d'une part La Ferrière, Monthodon, Le Sentier (diocèse de Chartres avant 1697 et doyenné de Vendôme jusqu'en 1730, ensuite doyenné de Saint-Amand), d'autre part Cangey, Fleuray (diocèse de Chartres et doyenné de Blois avant 1697, archidiaconé de Blois jusqu'en 1730, ensuite doyenné d'Onzain) et Mosnes (idem, ensuite doyenné de Pontlevoy).

En revanche, le diocèse de Tours s'étendait sur l'actuel département de Loir-et-Cher. Cette partie constituait le doyenné de Montrichard comprenant : Villechauve, Saint-Gourgon, Villeporcher, Saint-Cyr-du-Gault, Saint-Étienne-des-Guérets, Laleu (Cne de Pontlevoy), Chissay, Montrichard, Bourré, Saint-Georges-sur-Cher, Faverolles, Saint-Julien-de-Chédon, Angé, Pouillé, Mareuil-sur-Cher.

Il s'étendait aussi sur le département de la Vienne avec Saint-Romain et Vellèches (doyenné de La Haye) et sur celui de l'Indre avec Écueillé (doyenné de Villeloin).

Les archidiaconés (carte 1)

Les noms de ces circonscriptions très anciennes, dans de nombreux diocèses, apparaissent liés à des régions naturelles, à des divisions du pagus ou à la ville épiscopale. Ainsi pour les trois archidiaconés du diocèse de Tours : Outre-Loire, Outre-Vienne, Tours ; l'archidiaconé n'a pas de chef-lieu.

Le chef des diacres, l'archidiacre, attesté dans l'Église dès le 3e siècle, avait la charge de veiller sur les clercs et le soin du temporel au service des œuvres de charité. Avec l'essor de l'Église, ses fonctions se sont diversifiées. À partir du 9e siècle, l'archidiacre n'est plus seul dans le diocèse, ce qui laisse entendre la probabilité d'une division territoriale. On constate la présence de trois archidiacres dès le 10e siècle dans le diocèse de Tours (ADIL, H 497, chartes de 939 et 941) ; il est possible qu'un partage du territoire diocésain existe déjà à cette époque.

Les archidiacres ont pouvoir de juridiction sous le contrôle des évêques. Ces derniers doivent normalement pratiquer les visites pastorales de leur diocèse, ne serait-ce que pour donner le sacrement aux confirmands. Mais ne pouvant visiter chaque année toutes les paroisses, ils se déchargent en partie de cette mission auprès des archidiacres qui sont les « yeux de l'évêque » dans le diocèse (ordonnance synodale de l'archevêque de Bourges, 1739). À l'époque moderne, l'archidiacre est donc chargé de la discipline ecclésiastique et de la surveillance des clercs et des paroisses, mais cela uniquement dans le ressort de son archidiaconé. Il doit faire sa visite chaque année, vérifier la tenue des registres et la bonne conservation des archives, l'entretien des objets cultuels, l'état du cimetière et des chapelles domestiques ; il peut pratiquer des enquêtes sur la moralité du clergé et de possibles scandales. Sur tout cela, il dresse procès-verbal qu'il soumet à l'évêque en vue d'une éventuelle ordonnance. Il lui revient aussi d'examiner les connaissances et la moralité des candidats aux ordres avant de les présenter à l'évêque. Il exerce enfin sa juridiction sur les doyens ruraux.

L'archidiacre de Tours, le grand archidiacre, avait la prééminence sur ses deux collègues. Son grand archidiaconé, le plus riche, comprenait 9 doyennés : Amboise, Bléré, Montrichard, Saint-Avertin, Montbazon, Azay-le-Rideau, Loches, Villeloin et Ligueil. Venait ensuite l'archidiaconé d'Outre-Vienne avec 8 doyennés : Chinon, Beaumont-en-Véron, L'Île-Bouchard, Sainte-Maure, Noyers, La Haye (Descartes), Le Grand Pressigny et Preuilly. Enfin l'archidiaconé d'Outre-Loire comprenant 6 doyennés : Saint-Symphorien, Luynes, Saint-Christophe, Neuvy-le-Roi, Château-Renault et Vernou.

Les archiprêtrés (carte 1)

Le diocèse de Tours était divisé, au moins depuis le 11e siècle, en cinq archiprêtrés : Outre-Loire, Tours, l'Île-Bouchard, Sainte-Maure, Loches. Contrairement à ce que leur nom pourrait faire supposer, ils n'ont pas de chef-lieu. Ils constituaient des dignités ecclésiastiques et leurs titulaires sont habituellement des chanoines du chapitre cathédral. Les archiprêtrés ne sont pas une division des archidiaconés. Leurs limites sont autres, peut-être en rapport avec la féodalité naissante, mais aussi en rapport avec la constitution d'églises locales plus importantes, occupant un clergé assez nombreux pour justifier l'existence d'un chef des prêtres, un archiprêtre (ce que n'était pas l'archidiacre appartenant originellement à l'ordre des diacres). Toutefois, l'absence d'étude sur ce sujet ne permettrait que des hypothèses hasardeuses : l'histoire de la formation des archiprêtrés, en particulier dans le diocèse de Tours, reste à faire.

Ces circonscriptions étaient tombées complètement en désuétude bien avant le 17e siècle et n'étaient plus pour leurs titulaires qu'une charge honorifique ; mais contrairement à la plupart des diocèses où la création des doyennés les a fait disparaître, elles se sont maintenues dans le diocèse de Tours. C'est même dans le cadre de l'archiprêtré que s'effectue traditionnellement la répartition des pouillés et des comptes de décimes jusqu'à la veille de la Révolution (ADIL, G 11). La comparaison de ces divers comptes a d'ailleurs permis de reconstituer les limites des archiprêtrés avec, croyons-nous, un minimum d'incertitude. Les quelques doutes qui subsistent pour l'appartenance des paroisses de Nouâtre et Noyers, Saint-Épain ou encore Orbigny, viennent des contradictions entre les pouillés. Nous avons décidé en privilégiant les comptes des 16e et 18e siècles (AN G8 3, G8 1264, ADIL G 11).

Les doyennés (carte 1)

Nous savons, par les témoignages du Père Martin Marteau en 1661 et du chanoine Maan en 1667, que l'archevêque Victor Le Bouthillier avait institué 12 doyennés ruraux en 1641, nombre porté à 15 en 1643. Cette première division, sans doute peu satisfaisante et dont nous ne savons rien de précis, fut reprise trente ans plus tard, à l'avènement de l'archevêque Michel Amelot de Gournay. Ce dernier établit de façon complète et durable les doyennés ruraux par mandement du 22 avril 1675. Portant la même date, un autre mandement ainsi que des statuts ont réglementé et organisé les conférences ecclésiastiques dont la tenue justifiait en partie la création des nouvelles circonscriptions. Ces textes étaient complétés d'un "Département des doyennés du diocèse de Tours et des paroisses assignées à un chacun d'iceux", où l'on a suivi autant qu'on a pu l'ordre et l'étendue du détroit des archidiaconés. Dans ce « département », la paroisse de Druye avait été oubliée. La carte du diocèse par Sanson en 1694 la mentionne dans le doyenné de Montbazon ; elle fut rattachée plus tard à celui d'Azay-le-Rideau. La carte des doyennés n'a connu que deux changements : en 1770, la paroisse d'Orbigny est passée du doyenné de Montrichard à celui de Villeloin et celle de Saint-Hippolyte est passée du doyenné de Villeloin à celui de Loches. Comme pour les autres circonscriptions, les noms des doyennés ne sont pas attribués en fonction de la résidence du doyen ; ainsi, on remarquera que le doyenné de Saint-Symphorien ne comprend pas la paroisse du même nom.

Les doyens ruraux ont été des auxiliaires importants de l'administration temporelle et spirituelle des diocèses au cours des deux derniers siècles de l'Ancien Régime. Le doyen est, dans chaque doyenné, un curé expérimenté et particulièrement méritant qui sera chargé de surveiller l'administration des églises de son doyenné. Dans le diocèse de Tours comme ailleurs, ses fonctions sont variées : il doit d'abord, huit fois pas an, convoquer et présider les conférences ecclésiastiques, installer les curés et les remplacer en cas de vacance des cures, les visiter s'ils sont malades, célébrer leurs obsèques et veiller ensuite sur les archives, surtout les registres de catholicité ; faire aussi l'inventaire qui sera remis au successeur. Il est encore chargé de distribuer le saint chrême et d'une façon générale de surveiller le respect de la liturgie et le bon déroulement du culte. Dans son doyenné, il doit faire appliquer les ordonnances et rendre compte à l'archevêque du respect de la discipline ecclésiastique et des bonnes mœurs. Dans l'administration de leur propre paroisse, les curés-doyens sont presque toujours secondés par un ou plusieurs vicaires, en ces temps d'abondantes vocations.

Voir aussi :
- De la cité des Turons au diocèse de Tours

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