Coordinateur des opérations archéologiques de l'A85 : Thibaud Guiot.
Fouille d'une superficie de 1,4 ha (site n°30 sur le tracé de l'autoroute).
Le site de "La Croix de Bagneux" (document 1) a livré une séquence exceptionnelle d'occupations du Paléolithique supérieur et du Mésolithique. La topographie du gisement, sur un site de confluence dans la vallée du Cher, a permis la préservation des implantations humaines situées au sein d'anciens chenaux et vallons en cours de comblement.
La chronologie des occupations du site repose sur des observations stratigraphiques, des datations obtenues par les méthodes du 14C et de la thermoluminescence, et l'étude des assemblages de silex taillés.
Trois niveaux superposés, séparés de 5 à 10 cm de sédiments stériles, ont été datés autour de 30 000 ans avant le présent (BP) et attribués à l'Aurignacien. La très bonne conservation de la répartition spatiale des vestiges permet de distinguer des aires d'activités spécifiques, telles que des foyers, des amas de débitage ou d'autres zones techniques marquées par des outils abandonnés après usage (document 2).
Le Gravettien est représenté par deux niveaux (document 3). Le plus ancien n'a pu être daté sur le site mais ce faciès, inconnu dans la moitié nord de la France, est généralement daté autour de 25 000 ans BP. L'industrie lithique recueillie est très abondante mais le niveau résulte d'un mode d'accumulation complexe qui interdit une interprétation paléo-ethnographique de la répartition des vestiges. La seconde phase d'occupation gravettienne est datée aux environs de 23 000 ans BP. Elle a livré sur une surface restreinte un foyer associé à un outillage en silex spécifiquement lié aux activités de chasse.
Les hommes du début du Magdalénien (vers 17 000 ans BP) ont laissé sur place d'importantes quantités de blocs rougis et fragmentés par l'action du feu qui forment des concentrations plus ou moins circulaires de 0,50 à 1 m de diamètre, interprétées comme des foyers (document 4). D'autres vestiges de campements datant probablement du Magdalénien moyen sont également présents.
L'ultime phase d'occupation du site par les chasseurs-cueilleurs correspond au Mésolithique ancien : vers 9 000 ans BP selon les datations au 14C. Un grand nombre de pointes en silex destinées à armer des flèches tirées à l'arc ont été recueillies.
Le site de "La Croix de Bagneux" a été utilisé de façon récurrente pendant une très longue période [plus de 20 000 ans] pour l'établissement de campements temporaires par des groupes de chasseurs-cueilleurs, probablement en raison de l'abondance en ressources alimentaires et en matière première minérale (silex) disponibles à proximité. Les dynamiques pédo-sédimentaires locales ont souvent permis une bonne conservation des vestiges de ces occupations successives. La concomitance de ces deux facteurs fait de ce gisement de plein air un site exceptionnel pour l'étude des comportements de ces groupes humains. De telles accumulations de longue durée sont généralement connues en contexte de grottes et abris sous roche. Certains niveaux apportent des données importantes car ils sont attribués à des cultures jusqu'alors méconnues voire inconnues à l'échelle régionale, en particulier les occupations du Paléolithique supérieur ancien et du début du Magdalénien.
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