Les plans seigneuriaux


Nicolas Poirier

À la fin du 17e et surtout au 18e siècle, la cartographie des possessions seigneuriales se développe, d'abord dans le cadre de procédures judiciaires amorcées pour régler des questions de droits entre seigneurs voisins, ou encore des problèmes de redevances impayées.

Les terriers, qui se sont imposés à partir du 15e siècle comme les principaux instruments de l'administration seigneuriale, comptent parmi les documents ayant le plus bénéficié des progrès de la cartographie. Ils se présentent d'abord sous la forme de registres dépourvus de plans énumérant la liste des possessions d'un seigneur. A la différence des censiers, documents internes à la seigneurie qui n'indiquent pas la position des terres, les terriers fournissent une description, parcelle après parcelle, des tenures et des redevances qui y sont associées. Le terrier est également un document opposable en justice. En effet, sa mise en chantier commence toujours par l'obtention d'une lettre ou d'un mandement royal (les « lettres à terrier ») qui donnera le droit au seigneur d'examiner les titres de chaque tenancier. Plusieurs personnes interviennent ensuite. D'abord, l'arpenteur et/ou le mesureur fait le mesurage des terres accompagné d'un représentant du seigneur. En même temps, un clerc ou son substitut reçoit les déclarations des tenanciers et rédige le registre (BAUCHER-CUBADDA 2002 : 200).

L'intérêt des terriers du 18e siècle réside dans leur accompagnement planimétrique de plus en plus fréquent. On peut distinguer les plans « visuels » et les plans « géométriques ». Le plan à vue ou visuel (document 2) est celui où sont tracés simplement les formes des parcelles de chaque tenure comme elles se présentent à la vue, sans aucune mesure de leurs côtés ou angles, où sont insérés dans chacune sa contenance telle qu'elle est déclarée dans le registre. En revanche, les plans « géométriques » font l'objet de relevés topographiques précis incluant la mesure des distances et - plus rarement - des angles formés par les lignes du paysage (document 3). On a d'ailleurs du mal parfois à déterminer avec certitude si l'on est en présence d'un plan visuel particulièrement fidèle ou d'un plan géométrique imparfait (ANTOINE 2002 : 101).

Le développement des terriers dans la seconde moitié du 18e siècle est inséparable des progrès de la cartographie. Les plans-terriers de la seconde moitié du 18e siècle se caractérisent par leur précision et leur lisibilité, la correspondance fiable avec les déclarations des censitaires, la méthode « géométrique » qui l'emporte sur la méthode « visuelle » et l'emploi de nouveaux outils de mesure. La carte répond en effet à la nécessité de se doter d'un instrument permettant de vérifier si tous les vassaux ont rendu leurs aveux et leurs obéissances. Elle témoigne également d'un changement dans la conception de la seigneurie qui commence à être envisagée comme un espace (ANTOINE 2002 : 93).

Les terriers ont été longtemps considérés comme la manifestation d'une certaine forme de « réaction seigneuriale » à la fin de l'Ancien Régime. Leur but ne serait pas alors seulement de réactualiser toutes les redevances anciennes, mais parfois d'exiger des droits nouveaux ou considérés comme abolis par le temps. Ces documents ont d'ailleurs fait l'objet de tentatives de destruction quasi systématique au moment de la « Grande Peur » de 1790. Des révoltes spécifiques ont pris pour cible les châteaux pour détruire, entre autres, les terriers et les papiers légitimant le régime seigneurial (BIANCHI 2002 : 319).

Les géographes de l'Entre-deux-Guerres avaient pressenti la richesse de ces documents pour reconstituer l'organisation des trames paysagères. Il faut cependant noter que le but premier de la réalisation des plans n'était pas de produire une cartographie fidèle de la réalité paysagère, mais de fournir une représentation planimétrique de la seigneurie et de ses droits. En tenant compte de ces limites, un terrier du 18e siècle accompagné de ses plans rend possible la visualisation du paysage agraire au moment de sa rédaction, mais aussi, par l'association à des registres plus anciens, de reconstituer l'environnement agricole aux siècles précédents (CLAVAUD, DELARBRE 2002 : 190). Ainsi, il devient possible de saisir les dynamiques de l'occupation du sol sur des périodes relativement brèves, au rythme de la réfection des terriers et des plans associés (POIRIER 2006).

La carte présentée est issue du dépouillement systématique des inventaires des séries anciennes des Archives Départementales d'Indre-et-Loire, des inventaires publiés de la série N des Archives Nationales (Cartes et Plans), et de ceux de la Bibliothèque Municipale de Tours (Fonds Patrimoniaux). Elle indique les communes dont le territoire est figuré, au moins en partie, sur des plans d'Ancien Régime (carte 1), provenant ou non de la confection de terriers. L'inventaire ci-joint montre que l'essentiel de la documentation planimétrique a été produite par les grands établissements ecclésiastiques que sont les abbayes de Marmoutier, Saint-Julien, le chapitre de Saint-Martin ou celui de la cathédrale de Tours.

D'autres grandes séries de plans proviennent des archives familiales de seigneurs possessionnés en Touraine (Béthune-Sully, Lavallière, Choiseul, Luynes, etc.). Leurs qualités esthétiques illustrent dans ce cas le rôle ostentatoire du plan-terrier qui, affiché dans un cabinet, permet d'apprécier d'un regard l'ensemble des terres sur lesquelles s'étend le pouvoir de la famille.

Pour voir l'inventaire des plans seigneuriaux classé par ordre de communes et complété par la liste des plans de routes réalisés sur l'ordre des intendants royaux, cliquez ci-dessous :

Inventaire (pdf)

Archives :
- version du 29-05-2009

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