Beaulieu-lès-Loches, le bâti médiéval


Marie-Eve Scheffer, Marie-Denise Dalayeun

Une des particularités marquant l'agglomération de Beaulieu-lès-Loches concerne l'exceptionnelle conservation de nombreux bâtiments médiévaux. Une première observation de terrain a permis d'en dénombrer au moins 40 antérieurs au 16e s. (carte 1).

Depuis la fondation de l'abbaye au tout début du 11e s. par le comte d'Anjou Foulques Nerra, il semble que le processus d'urbanisation soit continu jusqu'au 18e s. et se stabilise par la suite en ne subissant que très peu les effets de la Révolution Industrielle.

Les équipements urbains sont nombreux et variés. Le canal de l'Indre, vraisemblablement aménagé avant le milieu du 13e s., suit encore son cours initial. Les ruines de trois anciens moulins sont encore perceptibles : le « moulin de l'Aumônier », le « moulin à Tan » et le « moulin de l'abbaye ». Les premières mentions dans les textes remontent respectivement à 1224, 1551 et 1658 (GUICHANE 2002). L'enceinte urbaine construite dans la deuxième moitié du 14e s. ainsi que son fossé subsistent aussi largement (MONTOUX 1957). Il semble par ailleurs qu'à partir de cette date et durant les 15e et 16e s. l'habitat se soit densifié sous la protection de ses murs.

Les carrières de tuffeau situées à proximité ont permis l'extraction aisée de la pierre. Elle est employée de manière exclusive dans la majorité des édifices et taillées en moyen appareil. Seules deux maisons datées du 15e s. présentent encore aujourd'hui une structure en pans de bois dont une avec un encorbellement au second niveau. On suppose néanmoins qu'elles étaient plus nombreuses au Moyen Age.

La disposition des maisons par rapport à l'espace public est variée (en front de rue, autour d'une cour, ou à pignon sur rue). Il en est de même pour leur destination fonctionnelle ou sociale.

Plusieurs édifices peuvent être qualifiés d'habitat aristocratique. Deux d'entre eux ont particulièrement retenu l'attention et fait l'objet d'une étude (CARRE 1999).

La tour Chevaleau est située à la périphérie orientale du quartier de Guigné, bourg issu de l'extension de Beaulieu-lès-Loches au début du 13e s. Elle s'insère dans un réseau de chemins ruraux traduisant sans doute une réalité médiévale. La tour, seul bâtiment conservé en élévation, était associée à une basse-cour située au nord et en contrebas. L'ensemble était clos par un mur d'enceinte. De plan trapézoïdal, la tour est construite en moyen appareil de tuffeau. Le premier niveau, d'une superficie d'environ 5 m2, est surmonté d'une voûte sur croisée d'ogives. L'ensemble des murs droits et la voûte sont ornés d'un décor peint accueillant un programme héraldique. Un escalier, ménagé dans l'épaisseur du mur nord mène à la pièce unique de l'étage. Celle-ci était éclairée par deux baies géminées et possède, comme la salle du rez-de-chaussée, une cheminée sur le mur sud. Une garde-robe, équipée d'une latrine, est située dans une tourelle quadrangulaire accessible depuis l'angle sud-est de la pièce. Cette tour est datée de la fin du 13e ou du début du 14e s..

La maison des Templiers est située au nord et à proximité de l'abbatiale de Beaulieu-lès-Loches. Le bâtiment de plan barlong (21 m x 9,5 m) est également construit en moyen appareil de tuffeau. Il est situé en cœur d'îlot et s'insérait probablement dans un complexe résidentiel organisé autour d'une cour. L'édifice présente deux niveaux voûtés surmonté d'un comble. Le premier étage qui abritait une grande salle ornée d'un décor de faux appareil, était accessible par un escalier droit extérieur. Le rez-de-chaussée était vraisemblablement à usage domestique. L'ensemble est daté de la fin du 12e s.

La maison des Templiers et la tour Chevaleau présentent un parti architectural complexe et soigné (grandes baies géminées, arcades en plein cintre, système élaboré de distribution des pièces, peintures murales...). De ces deux bâtiments on peut rapprocher la maison dite « d'Agnès Sorel », hôtel particulier du 15e s., ou encore la maison dite du « Pilori » datée également du 15e s. et ajourée par de remarquables baies à meneaux et traverses. De nombreux autres édifices, par leur organisation interne et/ou leur ouverture sur l'extérieur, sont plus à même d'avoir accueilli des activités artisanales en rez-de-chaussée, l'étage accueillant alors les pièces privées.

L'architecture religieuse est également bien représentée par l'édification d'une grande abbaye au tout début du 11e s., et par la construction de trois églises paroissiales du 11e au 13e s. (Saint-Pierre, Saint-Laurent et Saint-André).

L'église Saint-Laurent (document 1) a fait l'objet de plusieurs campagnes d'étude qui en ont souligné la nature composite (LEGOUX, SCHEFFER 2002). L'édifice actuel s'appuie sur deux constructions antérieures qui ont été réunies par l'ajout d'une nef. Elles forment désormais les collatéraux nord et sud du chœur, conférant à l'édifice une volumétrie tout à fait inhabituelle. Sans doute faut-il situer la construction de la nef autour de 1230, ce qui correspond aux premières mentions de l'existence d'une paroisse. La mise en place des voûtes de style Plantagenêt est sans doute intervenue peu de temps après, sans que l'on puisse préciser si le décalage entre l'édification des murs droits et du couvrement a nécessité la mise en place d'une couverture provisoire. Ce dernier événement a été accompagné d'une décoration intérieure très sobre et de douze croix de consécration. Il s'agit du plus ancien décor peint identifié dans l'édifice. Il a été rapidement renouvelé (vers le milieu du 13e s.?) par un autre plus riche, associant décors ornemental et figuré, dont le thème iconographique pourrait être un cycle de sainte Catherine d'Alexandrie.

De nouvelles transformations architecturales (remaniements de baies, percement de murs) ont été accompagnées par la pose d'un troisième décor vers la fin du 13e ou le milieu du 14e s. Le dernier événement marquant consiste en l'adjonction d'une chapelle sud à la Renaissance.

La présence d'une communauté religieuse importante a engendré également la construction de deux logis prieuraux dont un seul est encore en élévation face à l'église abbatiale. Il faut aussi noter l'existence d'une maladrerie dès le 12e s. dans la partie occidentale de l'agglomération.

Voir aussi :
- Le réseau urbain médiéval et moderne
- Les moulins et l'exploitation de l'énergie hydraulique

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