À l'époque romaine, l'occupation du sol, comme déjà à la fin de l'Âge du Fer, est dominée partout en Gaule par l'habitat dispersé, chaque exploitation agro-pastorale étant séparée des autres dans le paysage, en semis plus ou moins dense, se distinguant de l'habitat groupé que constituent les villes (Tours) et les agglomérations dites secondaires, aux fonctions commerciales et artisanales, voire religieuses et administratives.
La carte archéologique Patriarche du SRA Centre, complétée par quelques découvertes récentes et par des données de la Carte Archéologique de la Gaule (PROVOST 1988b), permet d'observer l'état des connaissances concernant l'habitat rural gallo-romain dans la cité des Turons (carte 1) : ce sont 817 sites gallo-romains ruraux qui sont ainsi cartographiés, correspondant certainement à une sous-documentation de la réalité de l'occupation du sol de la Touraine antique, car on estime en général en Gaule que chaque commune (277 en Indre-et-Loire) devait comporter plusieurs sites d'exploitation rurale, fermes ou villae. Dans les secteurs intensivement prospectés, on compte eu Gaule au minimum un site de ce type pour 1 km2, et parfois jusqu'à quatre fois plus, ce qui signifie que - pour les 6 124 km2 du département - on connaît sans doute moins d'un dixième du nombre d'exploitations rurales de la Touraine antique.
Il est clair en effet que, comme c'est souvent le cas pour ce type de carte, la densité et les conditions des recherches, jouent un rôle majeur pour la répartition observée. Ainsi, les secteurs de prospection au sol intensive, comme celui du Grand-Pressigny, au sud, ou par exemple celui de Neuvy-le-Roi (POIROT 1998), au nord, apparaissent avec de nombreux points. De même sont particulièrement renseignés d'une part, les secteurs favorables à la prospection aérienne (zones cultivées), d'autre part ceux qui ont fait l'objet d'aménagements ayant entraîné des opérations de diagnostics et de fouilles préventives, tels que par exemple les abords des grandes villes, le tracé de l'autoroute A.85 ou celui de la ligne TGV Tours-Bordeaux, au sud de Tours.
Si l'on s'affranchit de cet effet de source, du moins dans une certaine mesure, on remarque cependant des zones où l'occupation du sol apparaît plus dense : il en est ainsi, comme souvent, pour les vallées les plus importantes, ici le Val de Loire, mais aussi celles de ces principaux affluents de rive gauche, le Cher, l'Indre, La Creuse et la Vienne. Les voies romaines ne semblent pas, en revanche, jouer un rôle majeur en la matière, ni l'attraction des principaux centres urbains contemporains, Tours-Caesarodunum en tête.
Inversement, des secteurs semblent singulièrement peu mis en valeur, mais il apparaît difficile de distinguer ici ce qui est du ressort des difficultés de perception et de découverte des sites d'habitats ruraux antiques, ou d'une réelle désaffection de certaines zones pour les activités agro-pastorales : c'est sans doute le cas de l'ouest de la Gâtine Tourangelle, au nord de la Loire, comme d'une vaste aire au sud-est de la Touraine.
Quant à la nature de ces sites d'habitat rural gallo-romain, on ne sait, en général, que peu de choses : il s'agit pour la plupart de fermes relativement modestes (document 1), mais on connaît cependant, à travers la Touraine antique, de grandes villae, telles que celles qui s'égrainent sur le bord du coteau en rive droite de la Loire, en aval de Tours (FERDIERE et al. 2014). Celles-ci pouvaient fonctionner dans un système domanial, contrôlé par les notables de la cité, mais certaines fermes pouvaient être exploitées par une petite paysannerie libre : l'archéologie reste muette sur ces questions de statut et de propriété des exploitations et des terres cultivées.
Peu de plans relativement complets sont disponibles, mais ces exploitations se présentent sous leur forme habituelle : soit des fermes dans des enclos fossoyés, aux constructions en tout ou partie en bois et en terre, soit des villae plus vastes dans des enceintes maçonnées, aux constructions en dur : dans les deux cas, la partie résidentielle (plus développée et luxueuse dans le second cas) se distingue de la partie d'exploitation (document 3, document 4), qui contient les bâtiments de stockage et de travail, les resserres, les habitations des travailleurs...
De même, on ignore, pour l'essentiel, quelles étaient les formes du parcellaire dans les campagnes tourangelles gallo-romaines : openfield, champs enclos de fossés, bocage...Même si les fouilles de grande surface, notamment préventives, comme les prospections aériennes et la photo-interprétation, livrent des éléments de fossés, le réseau est rarement identifiable.
Comme souvent dans les campagnes gallo-romaines, on sait également peu de choses des productions de ces campagnes. La plupart de ces fermes et villae ont sans doute, comme ailleurs en Gaule, des productions agro-pastorales diversifiées, avec des nuances en fonction des terres, des paysages, des secteurs donc. La céréaliculture, base de l'alimentation et notamment de l'approvisionnement des villes, joue certainement comme partout un rôle majeur, comme le révèle par exemple le grand grenier de la ferme de Parçay-Meslay (document 2) (FOUILLET 2004), proche du chef-lieu de cité. Mais l'élevage (ovins, bovins), pour la laine, le lait et la viande, ainsi que le travail, peut dans certaines zones être dominant (HORARD-HERBIN 2014). On ne distingue cependant pas, en l'état des connaissances, des terroirs spécialisés, trop peu de ces fermes ayant été fouillées assez exhaustivement pour fournir des éléments de réponses à ces questions. Cependant - et ce dès le milieu du 1er s. de n. è. -, la viticulture se développe en Touraine, notamment dans la vallée de la Vienne ou celle de la Loire (FERDIERE 2014b). Ceci sans exclure une part d'artisanat, y compris pour des produits destinés à un marché extérieur, notamment pour les terres cuites architecturales, la chaux, la métallurgie du fer.
Enfin, l'évolution de cet habitat rural entre la fin de la période gauloise (LUSSON 2009), après la Conquête césarienne (vers 50 av. n. è.) et la fin de l'Antiquité (fin du 5e s.) présente des caractéristiques semblables à celles de la plus grande part de la Gaule : un développement progressif autour du changement d'ère, souvent en continuité avec les fermes de La Tène finale, suivi d'un essor rapide, en un siècle environ, la quasi-totalité des sites de la carte étant en fonction au Haut-Empire, à partir du dernier tiers du 1er s. - début 2e s. de n. è. Et cette acmé n'est que de courte durée puisque, dès la fin de ce siècle sans doute, le 3e s. plus sûrement, le nombre de ces sites ruraux décline, au profit des plus vastes, et ce déclin du nombre d'exploitations ne fait ensuite que s'accentuer jusqu'à la fin de l'Antiquité et même le début du Haut Moyen Âge. Ainsi, comme il est courant ailleurs,il n'y a plus guère de créations nouvelles et la carte fournie correspond en fait au plein développement de cette occupation du sol, au milieu du Haut-Empire (2e s.).
Voir aussi :