La viticulture depuis la crise du phylloxéra à la fin du 19e s.


François Garnotel

La vigne n'est plus présente aujourd'hui en Indre-et-Loire que sur certains secteurs (Cf. carte 1), alors que la viticulture était présente un peu partout dans le département jusqu'au milieu du 20e siècle, comme dans beaucoup de régions françaises, ne serait-ce que pour les besoins d'autoconsommation (Cf. carte 2). En se professionnalisant, elle se maintient surtout sur les terroirs dont la production est reconnue et recherchée pour sa qualité et sa typicité, tant en France qu'à l'exportation.

Maintenant reconnus au travers d'Appellations d'Origine Contrôlées (AOC), ces terroirs s'articulent essentiellement autour de la Loire et de ses affluents (Cher, Indre, Vienne), qui sont à l'origine de la diversité des vins de Touraine, et au delà même de l'ensemble du Val de Loire (Cf. carte 3, carte 4 et carte 5).

A l'échelle géologique, c'est l'érosion des cours d'eau qui a dégagé les futurs terrains de prédilection pour l'implantation du vignoble : trop pauvres pour les cultures vivrières, mais donnant les vins de meilleure qualité.

Historiquement, les voies d'eau ont permis la circulation des hommes, des marchandises, des savoir-faire, des cépages... Et l'extraction souterraine du tuffeau (craie tendre du Turonien) pour la construction a laissé de vastes caves, dont la fraîcheur convient tant à la vinification qu'au stockage.

La Loire a favorisé la diffusion de nombreux cépages, dont les hommes, au fil des générations, ont su tirer le meilleur parti en termes d'implantation (sol et surtout climat), et d'usages de production (types de vin).

Aux limites de l'ancienne province de Touraine, le Richelais produisait des vins essentiellement à base de Folle blanche (Cf. document 1) (ODART 1845 : 114 ; JULLIEN 1866 : 104 ; GUYOT 1868 : 657 ; CONSTANT 1933 : 123 ; VAVASSEUR 1933 : 22). Ils étaient parfois transformés en eau-de-vie : l'opération, en réduisant considérablement le volume, permettait d'atténuer le handicap à l'exportation que constituait l'éloignement des voies d'eau. Cette production a maintenant totalement disparu.

Juste en amont de Tours, les vignobles de Vouvray et Montlouis sont essentiellement plantés de Chenin blanc, cépage permettant non seulement l'élaboration de vins tranquilles (secs, moelleux ou liquoreux), mais aussi d'effervescents. Aux 17e et 18e siècles, les vins les plus recherchés à l'exportation (Pays Bas, Angleterre) sont les moelleux, souvent assemblés ou "renforcés" par la suite avec des vins espagnols (VAVASSEUR 1933 : 31 à 39). Le développement des mousseux, qui représentent aujourd'hui plus de moitié de la production sur Vouvray et Montlouis, ne date que des premières décennies du 20e siècle (CONSTANT 1933 : 151 ; VAVASSEUR 1933 : 85).

Il est intéressant de noter que la plupart des vins blancs de qualité des environs de Tours ont longtemps été exportés sous le nom de Vouvray (JULLIEN 1866 : 104), jusqu'à ce que le différend entre producteurs à ce sujet soit porté devant les tribunaux. C'est dans ce contexte qu'ont été initialement reconnues et définies les appellations Vouvray, puis Montlouis-sur-Loire (VAVASSEUR 1933 : 29).

Le secteur d'Azay-le-Rideau est un autre centre d'implantation ancien du Chenin, auquel s'est ajouté le Grolleau (cépage noir) dont on ne trouve mention que dans les premières décennies du 19e siècle. Souvent nommé Grolleau de Cinq-Mars, en référence à son "foyer" d'origine (GUYOT 1868 : 656-657 ; CHAUVIGNE 1914: 27 ; CONSTANT 1933 : 121-122, 133 ; VAVASSEUR 1933 : 9), il a largement diffusé vers l'est de la Touraine et vers l'Anjou.

A l'ouest du département, le Cabernet franc (rouge), localement appelé "Breton" domine depuis longtemps l'encépagement du Bourgueillois et Chinonais (ODART 1845 : 95-97). Déjà signalé (ainsi que le Chenin) dans le secteur par Rabelais (Gargantua : Livre I, Ch.XIII), cette implantation privilégiée est à mettre en relation avec son exigence climatique. Cette zone, sensiblement plus chaude et sèche que le reste du département, lui offre régulièrement des conditions de maturité optimale, moins souvent atteintes plus à l'est, où l'on trouvait en rouge avant l'invasion phylloxérique plutôt des Côts, et des Pinots noirs et meuniers (JULLIEN 1866 : 100-104 ; GUYOT 1868 : 654-655 ; VAVASSEUR 1933 : 11).

Au début des années 1880, le Phylloxéra atteint la Touraine (MARTIN 1923 : 1 ; CONSTANT 1933 : 118). Les vignobles dévastés sont replantés pour partie en hybrides producteurs directs, puis en cépages français greffés (CONSTANT 1933 : 118-120, 134-139). L'encépagement évolue alors sensiblement, surtout en dehors des grands foyers viticoles régionaux décrits ci-dessus. En rouge, le Gamay se répand massivement (CHAUVIGNE 1913 : 23 ; CONSTANT 1933 : 132 ; VAVASSEUR 1933 : 12), comme le Sauvignon, qui n'était signalé que de manière marginale auparavant (CONSTANT 1933 : 129 ; VAVASSEUR 1933 : 23) mais qui constitue aujourd'hui la base du vignoble blanc, en particulier dans la vallée du Cher.

La culture des Pinots, localement dénommés "Nobles" est en Touraine une particularité ancienne du secteur de Joué-lès-Tours, où ils donnaient (associés à d'autres cépages rouges), des vins toujours évoqués comme faisant partie des meilleurs rouges de la région (JULLIEN 1866 : 101 ; VAVASSEUR 1933 : 11-16 ; MARTIN 1923 : 5 ; CHAUVIGNE 1914 : 20 ; CHAUVIGNE 1913 : 22). L'arrivée de la deuxième guerre mondiale, la régression du vignoble qui s'en suivit et l'urbanisation du secteur, ont fait tomber dans l'oubli la demande de reconnaissance en AOC déposée en 1937. La relance de ce vignoble à partir de 1975 a abouti en 2001 à la reconnaissance de l'appellation Touraine Noble Joué pour des vins rosés issus des trois Pinots (noir, gris et meunier).

Liste des AOC (pdf)

Voir aussi :
- L'agriculture aujourd'hui. Les dominantes agricoles en Indre-et-Loire
- La viticulture gallo-romaine
- La viticulture médiévale et moderne

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