Des communes de 1790 aux communes actuelles


Jean-Michel Gorry

Quarante communes ont été supprimées en Indre-et-Loire depuis 1790 dont la plus grande partie par le fait de l'établissement du cadastre ; une, Ecueillé, a été réunie au département de l'Indre et une, La Membrolle, a été créée à partir de Mettray, ce qui ne change pas le total des suppressions. Le département est donc passé de 317 communes à 277 (carte 1 et carte 2). Quelques exemples : Saint-Georges-sur-Loire, enclavé dans Rochecorbon (document 1), divisé en trois morceaux nettement séparés, aux formes complexes et sans limites naturelles, est supprimé tout comme Miré, enclavé dans Ballan ou Vallières dans Fondettes ; Le Sablon s'efface devant Richelieu et à plus forte raison, Beaumont-lès-Tours devant Saint-Étienne qui ensuite s'efface devant Tours. À ces 40 suppressions, il convient d'ajouter les échanges de territoires (32 avec réciprocité et 75 sans compensation), les 22 communes fortement agrandies de 22 enclaves et les 7 communes bénéficiant du partage de landes indivises. L'étude de tous ces cas permet de constater que 167 communes sur 277 ont subi des modifications non négligeables et pour la moitié d'entre elles, très importantes (carte 3). Parfois peu apparentes sur la carte départementale, ces modifications ont été souvent vécues douloureusement sur le terrain.

À l'origine des suppressions de communes se trouvent toujours, plus ou moins marqués, les mêmes motifs : simplification administrative et économie de gestion ; faible superficie ou faible population ; manque de revenu ; manque de citoyens instruits pour former une municipalité ; rarement à la demande des intéressés (c'est pourtant le cas de Miré et Vallières).

On peut distinguer trois types de suppressions de communes :

- par fusion (6 cas) quand les communes s'unissent en accolant leur nom ou en changeant de nom : Villeloin-Coulangé, Nazelles-Négron ou encore L'Île-Bouchard à partir de Saint-Gilles et Saint-Maurice ;

- par absorption ( 29 cas) quand, pour diverses raisons, une commune en situation de faiblesse est totalement absorbée par une voisine (et son souvenir s'efface assez vite de la mémoire collective) : Les Pins et Rorthres dans Épeigné-sur-Dême, Le Sentier dans Monthodon, Le Serrain dans Semblançay ;

- par éclatement quand plusieurs communes se partagent la commune supprimée, ce qui permet de considérer le territoire de cette dernière comme éclaté. Ainsi la disparition de Saint-Michel-du-Bois permet d'agrandir non seulement Preuilly-sur-Claise, mais encore Bossay-sur-Claise, Boussay, Charnizay, Le Petit-Pressigny et Yzeures-sur-Creuse (document 2). En Indre-et-Loire, 5 communes disparaissent ainsi par éclatement.

Les échanges de territoires, souvent pratiqués lors des opérations cadastrales, ont de multiples motivations. On peut souligner la nécessité de mettre en conformité des limites communales avec les limites départementales fixées par la Vienne et la Creuse : c'est le cas d'Antogny et Pussigny, d'Abilly et La Guerche qui doivent procéder à des échanges avec leurs voisines du département de la Vienne. Il est fréquent aussi que l'accroissement des villes aboutisse à l'absorption de nombreux faubourgs. Amboise, Château-Renault, Chinon, Descartes, L'Île-Bouchard ou Tours en profitent largement. Enfin la recherche de limites dites naturelles, (par exemple les cours d'eau) entraîna de nombreuses modifications. Mais dans les échanges de territoires, les considérations locales, parfois bien pittoresques, ont souvent joué un rôle déterminant (GORRY 2008, 177-179).

Les 22 enclaves signalées plus haut ont grandement contribué aux modifications de la carte départementale (carte 4). Se trouvent ainsi fortement modifiées les communes d'Avoine, de Ciran, de Lémeré, de Lièze (document 3) avant sa suppression, de Pussigny... mais la liste serait longue car les enclaves supprimées sans compensation, en agrandissant une commune, diminuent l'autre. C'est donc 44 communes qui sont touchées.

Sept communes ont aussi été concernées par le partage de landes indivises dites « de Saint-Martin » et « de Saint-Michel ». Il s'agissait d'un assez vaste territoire de 2226 ha qui fut partagé entre Benais, Restigné, Continvoir, Les Essards, Ingrandes, Saint-Michel et Saint-Patrice.

Ces brèves remarques sur les limites communales permettent de mesurer à quel point l'idée de leur permanence, encore souvent soutenue, est à nuancer très sérieusement.

Voir aussi :
- Les districts et les cantons en 1790
- L'établissement du cadastre au 19e siècle
- La mise en place des églises rurales et la formation du réseau paroissial

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