Le château de Montbazon se situe à une quinzaine de kilomètres au sud-est de la ville de Tours (carte 2 et document 1). Il est installé sur un promontoire rocheux formé par la confluence entre l'Indre et un vallon où coule un ruisseau intermittent creusé dans la terrasse alluviale d'un large méandre. Situé à une altitude de 80 m NGF, il domine de 25 à 30 m le village établi dans la vallée. Aujourd'hui détournée et maîtrisée, l'Indre coulait à l'époque médiévale directement au pied de l'éperon rocheux. Par sa position, le château contrôle un franchissement ancien de l'Indre sur un axe routier important reliant Paris à l'Espagne.
La construction primitive du château de Montbazon remonte, selon les sources écrites, à la toute fin du 10e siècle. Une charte de Robert le Pieux mentionne, en effet, l'installation d'un castellum par le comte d'Anjou Foulques Nerra sur les terres de la villa de Veigné détenues par le monastère de Cormery (ADIL H75). Ce site castral s'inscrit ainsi pleinement dans l'important maillage des édifices militaires construits en Anjou-Touraine entre le 10e et le 12e siècle, fruits des querelles entre les maisons comtales d'Anjou et de Blois.
L'installation du château est sans doute à l'origine du développement de l'agglomération mais n'a pourtant pas suscité la création d'un bourg (burgus). En Touraine, comme en Anjou, aucun des châteaux édifiés par le comte d'Anjou Foulques Nerra ne s'est accompagné de la fondation d'un bourg, comme en témoignent également les cas de Loches et de Langeais (IMPEY et LORANS 1998, MOREAU 2010 : 165). L'implantation du château n'a pas non plus provoqué la création d'une paroisse, les habitants de Montbazon demeurant rattachés à celle de Veigné jusqu'au milieu du 16e siècle. L'agglomération comporte deux pôles d'habitat distincts : le premier est situé au pied et autour du promontoire rocheux et était encerclé par une enceinte, elle-même reliée à celle du château par deux côtés, à l'est et à l'ouest du promontoire ; le second pôle, dit « faubourg de l'Aumône », se trouve sur une ancienne île formée par deux bras de l'Indre. L'accès principal à l'agglomération devait, à l'origine, traverser ce faubourg (carte 2).
Le site s'organise selon trois terrasses. La première, au sud, est constituée d'un ensemble tour maîtresse/avant-corps/chemise. Elle surplombe les deux autres qui se développent vers le nord et qui correspondent aux basses-cours (carte 3).
L'analyse archéologique de la tour maîtresse, de l'avant-corps et de la chemise a permis d'identifier quatre principales phases de construction, s'échelonnant du 11e au 20e siècle (DALAYEUN 2003). Les deux premières, comprises entre la fin du 10e siècle et le milieu du 11e siècle, constituent les étapes majeures de la construction de la tour. De la première phase, il ne reste que deux niveaux d'élévation construits en moellons de silex équarris, assisés et joints au mortier de chaux. L'opus spicatum est ponctuellement employé. Les chainages sont quant à eux exclusivement constitués de blocs appareillés de travertin réemployés. L'édifice mesure 20 mètres de long pour 15 mètres de large hors-œuvre. Des contreforts sont présents sur trois de ses côtés. Le mur sud en est dépourvu mais une reprise complète de son parement extérieur, lors de la deuxième phase, a pu faire disparaitre le dispositif originel. L'usage simultané de deux types de contrefort, l'un semi-circulaire (au nord et à l'est), l'autre rectangulaire (au nord et à l'ouest), demeure une étrangeté et un cas unique. Ils peuvent néanmoins refléter la rencontre de deux traditions architecturales : l'usage du contrefort semi-circulaire est en effet très répandu entre les 11e et 13e siècles dans certaines régions seulement, comme en Poitou par exemple (BAUDRY 2001 : 52), alors que l'emploi du contrefort rectangulaire est plus fréquent et présent dans tout le nord-ouest de la France. Peut-être faut-il aussi y voir une logique dans la défense du site. Les contreforts semi-circulaires, offrant un angle de vue plus important et positionnés à l'est, rendrait plus aisée l'observation de la vallée de l'Indre depuis la tour.
La deuxième phase de construction intervient après une destruction partielle de l'édifice et comprend ainsi la surélévation de la tour de deux niveaux et l'adjonction d'un avant-corps contre la face ouest. Aucune autre modification majeure n'aura lieu après. La mise en œuvre des matériaux est sensiblement identique à la première phase, seuls les chainages et les encadrements de baies sont désormais constitués de blocs de tuffeau appareillés. La tour se compose dés lors de quatre niveaux séparés par des planchers à solives ancrées dans le mur d'un côté et reposant sur un ressaut de l'autre. Une cloison sur poteaux, renforcée par un mur entre le milieu du 11e siècle et le milieu du 12e siècle, refendait les pièces dans la longueur et servait également à soutenir les planchers (DALAYEUN 2012).
La découverte de remblais comblant dès le 12e siècle l'étage inférieur pose la question de l'utilité d'un tel acte et surtout de la qualité résidentielle qu'offre le bâtiment à cette époque, d'autant que les éléments de confort sont rares. Seul le troisième niveau présente de larges ouvertures et des latrines. Le second niveau, quant à lui, sert d'espace de communication, d'une part entre la tour et l'extérieur au moyen d'une porte placée au nord à six mètres de hauteur et, d'autre part, entre la tour et le second niveau de l'avant-corps. L'interprétation fonctionnelle du quatrième niveau est rendu difficile par un mauvais état de conservation.
Au 12e siècle, une chemise est construite au sud de la tour en même temps que le creusement d'un large fossé séparant le site du reste du plateau. Elle est reconstruite au 13e siècle et dotée dans l'angle nord-ouest d'une tour creuse sur trois niveaux percés d'archères et de latrines.
Au 15e siècle, l'éperon rocheux est ceinturé par une enceinte en même temps que la construction d'un nouveau logis seigneurial. Elle suit le contour extérieur du promontoire et rejoint sur les côtés est et ouest de la tour maîtresse des éléments de fortification plus anciens. En effet, une enceinte datée du 13e siècle fermait déjà l'espace au sud de la tour maîtresse, ajoutant une défense supplémentaire dans la partie la plus vulnérable du site (DALAYEUN 2012). A l'est, elle rejoignait l'entrée principale du château et se prolongeait en contrebas de l'éperon vers l'une des portes de l'enceinte urbaine (la porte des Moulins).
La chapelle, dédiée à Saint-Georges, est localisée au centre du promontoire qu'elle barre d'est en ouest (document 2). Dans son dernier état (15e-18e s.), elle mesure 23,5 mètres au minimum (le portail occidental n'étant pas connu) pour 9,5 mètres de large hors œuvre. Elle se compose d'une nef unique prolongée par un chevet plat encadré de deux chapelles latérales en abside. Chacun des espaces est dallé de carreaux en terre cuite et comprend un autel dont la date de fondation remonte à 1578 (CARRE DE BUSSEROLLE 1878-1888 : 284). Elle sert de chapelle funéraire à plusieurs reprises : trois inhumations ont été découvertes dans le chœur. Son plan, ses dimensions et certains dispositifs, comme l'existence probable d'un espace réservé au seigneur dans la chapelle latérale sud, la rapprochent des caractères propres aux collégiales castrales, statut qu'elle n'a probablement jamais eu (NOBLET 2009 : 112). Elle entretient sur le plan architectural de fortes similitudes avec l'ancienne collégiale Notre-Dame de Loches, actuelle église Saint-Ours (DURET-MOLINES 1997 : 169).
La première mention d'une chapelle au château de Montbazon n'apparait pas avant 1386. Or, les fouilles archéologiques récentes (2011-2013) ont permis de proposer une date de construction de l'édifice remontant au 12e siècle, ce que l'analyse des modes de construction permettait déjà d'entrevoir. Le texte de la fin du 14e siècle doit probablement faire référence à une nouvelle consécration du bâtiment. Celle-ci intervient après un court abandon de la fonction religieuse de ce dernier (installation d'un atelier de métallurgie dont la production demeure à préciser ?).
Les fouilles ont également donné lieu à la découverte d'un édifice religieux antérieur à celui du 12e siècle. Il est localisé sous la seconde chapelle, laquelle réemploie une partie de son mur gouttereau sud. Son plan est rudimentaire et se compose d'une nef unique prolongé par un chevet plat. Sa date de fondation est inconnue mais pourrait être contemporaine de la tour maîtresse.
En ce qui concerne le domaine, il est pris par Philippe Auguste au début du 13e siècle. Le fief passe ensuite par jeux de lignage entre les mains de plusieurs familles, dont les Craon et les La Rochefoucault. En 1588, le fief est érigé en duché-pairie pour Louis VII de Rohan. A partir du début du 17e siècle, le domaine tombe peu à peu en désuétude ; le logis du 15e siècle est détruit et sert de carrière de pierres à la construction de la route royale en 1746. La chapelle et le donjon ne sont pas entretenus et tombent progressivement en ruines. Un siècle plus tard, en 1866, quelques restaurations sont apportées à la tour maîtresse dans le but d'installer à son sommet la statue d'une Vierge à l'Enfant.
Voir aussi :