L'Atlas de Trudaine consiste en une série de plans des principaux axes routiers du royaume de France, existants ou à réaliser, levée au 18e siècle.
Au cours de l'Ancien Régime, le mauvais état du réseau routier français suscite fréquemment l'inquiétude des autorités. Les communications sont difficiles, ce qui menace d'importants intérêts économiques, commerciaux et militaires. Afin de remédier à cette situation, un vaste programme de rénovation est établi en 1738 par Philibert Orry (1689-1747), contrôleur général des finances et l'intendant des finances Daniel Charles Trudaine (1703-1769).
Tout en ordonnant la réfection progressive de tous les grands axes routiers du royaume et d'abord de ceux qu'empruntait la Poste, ils décident de créer des voies entièrement nouvelles partout où les nécessités politiques et économiques l'exigeaient.
Au préalable, Orry décide de dresser un état des lieux permettant d'identifier les travaux les plus urgents. Dans ce dessein, il lance une vaste enquête qui repose sur une couverture cartographique des principales voies de communication du royaume de France. Tout le pays se trouve en effet concerné par les instructions envoyées en 1738 aux ingénieurs. Chacun d'eux y était invité à dresser les cartes détaillées des routes dans l'étendue de sa généralité, et toutes ces cartes devaient être dessinées suivant une même échelle de 10 lignes pour 100 toises (soit 1/8640). Ces plans, établis en double, devaient permettre aux ingénieurs et aux intendants d'avoir une connaissance très exacte des routes de leur généralité.
La route est l'objet même de ces cartes (Document 1). Elle faisait donc l'objet d'un traitement spécial : son tracé était rehaussé d'un lavis dont la couleur variait suivant les matériaux qui composaient son revêtement.
Le résultat du travail de cartographie, désormais mieux connu sous le titre d'Atlas de Trudaine, est conservé au département des Cartes et Plans des Archives Nationales. Les plans contenus dans les 65 atlas conservés sont les copies très embellies des minutes envoyées par les Ingénieurs (http://www.culture.gouv.fr/documentation/archim/atlasdetrudaine.htm). Si l'on reporte leur tracé sur une carte de France à petite échelle, on peut constater qu'ils concernent presque toutes les grandes routes de l'époque mais particulièrement les grandes routes royales partant de Paris.
Ces atlas ne contiennent pas les plans de routes des provinces récemment annexées, ni celles des pays d'Etats où subsistait une assemblée représentative des trois ordres chargée d'assurer la répartition et la collecte des impôts, et qui conservaient une partie des fonds pour assurer le développement des voies de communication. D'autre part, les réseaux des 22 généralités sont très inégalement représentés : les plans des généralités de Bourges, Metz, Paris et du Hainaut sont les plus nombreux tandis que seuls les plans des plus grands axes sont conservés pour d'autres régions. Les travaux de cartographie ayant été effectués séparément dans chaque généralité, les grands itinéraires se présentent fragmentés à l'intérieur de plusieurs atlas, levés par des ingénieurs différents. Le défaut d'homogénéité de ces plans de routes a restreint leur utilisation aux seules études locales.
Les plans présentent également une cartographie des environs immédiats de la route, jusqu'à environ 600 toises (1170 m) (carte 1). C'est ce que les ingénieurs du 18e siècle appelaient « l'accompagnement ». Mais cette représentation doit être utilisée avec prudence. Les hommes qui ont procédé aux levés se sont préoccupés avant tout de l'ouvrage fait ou à faire et n'ont tenu compte du milieu géographique environnant que dans la mesure où il pouvait être utile aux techniciens chargés de la construction et de l'entretien. Au-delà de quelques centaines de mètres de chaque côté de la route, la représentation des détails topographiques n'est pas fiable.
L'étude des réseaux routiers peut être utilement complétée par la mobilisation d'autres plans d'ouvrages existants ou à réaliser, émanant des services de l'Intendant de la Généralité de Touraine, conservés aux Archives Départementales en série C. Cette documentation est l'une des rares à ne pas pâtir de la rupture engendrée par la période révolutionnaire dans la mesure où les services des Ponts et Chaussées trouvent leur origine dans le corps des ingénieurs cartographes qui ont été affectés à la réalisation des plans de routes pour les Intendants de Généralités.
L'amélioration du réseau routier au cours du 18e siècle a eu pour effet l'accélération des communications, essentiellement entre Paris et la province. Entre les deux éditions de 1765 et 1780 de L'indicateur fidèle des géographes Michel et Desnos, qui présente les « tableaux de routes » des voitures publiques, les villes de la grande couronne parisienne qui se trouvaient à deux jours et demi de voyage ne sont plus qu'à une journée. Depuis Paris, la diligence de Bordeaux enregistre une économie de temps de 60 %. On gagne également 8 jours sur la route de Toulouse, 7 jours sur celle de Strasbourg, 5 jours sur celle de Bâle, etc. Au total, seules les côtes méditerranéennes et les régions pyrénéennes sont encore à 8 jours de route ou plus de Paris en 1780 (ARBELLOT 1973 : 789).
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