Chinon, la collégiale Saint-Mexme


Elisabeth Lorans

La fouille partielle du site de la collégiale Saint-Mexme de Chinon a permis de restituer l'évolution architecturale de l'église, largement détruite au début du 19e siècle, et d'étudier l'utilisation funéraire du terrain entre le début du 5e siècle et la fin du 18e siècle.

Fondée vers l'an mil sous la forme d'un édifice de plan basilical, doté d'un chevet triabsidial, la collégiale fut progressivement agrandie, d'abord par l'ajout d'un massif occidental à deux tours, ensuite par l'allongement de la nef et la construction d'un chevet à déambulatoire et à chapelles rayonnantes, des travaux réalisés en l'espace d'un siècle environ et qui en firent une vaste église de pèlerinage, rivalisant avec les plus grands édifices tourangeaux tels que Saint-Martin de Tours (document 1). Après l'arasement du chevet primitif au début du 12e siècle, la crypte-halle sous-jacente à l'abside centrale fut conservée et reliée à la nouvelle crypte établie sous le rond-point du chœur, un dispositif qui confirme l'existence d'un culte rendu aux reliques de Maxime, fondateur de la communauté monastique établie dans la première moitié du 5e siècle sur le modèle de Marmoutier.

Fondé à la périphérie orientale de l'habitat antique de Chinon (carte 2), qui demeure très mal connu, le monastère a dû jouer un rôle comparable aux basiliques suburbaines édifiées aux abords des chefs-lieux de cité et peut être à l'origine de la fonction funéraire du site, bien que les datations par 14C de plusieurs sépultures précoces n'ait pas permis de trancher cette question avec certitude.

L'analyse spatiale des quelque 600 sépultures fouillées, réparties entre le 4e/5e siècle et la fin du 18e siècle, est fondée sur le regroupement des tombes en larges ensembles chronologiques établis à partir des relations stratigraphiques, en particulier avec les différents états de l'église, de la typologie des contenants et du mobilier funéraire (document 2). Quatre groupes ont été distingués, le premier étant lui-même subdivisé en cinq sous-ensembles :

-groupe 1 (4e /5e-fin 11e s.) : il rassemble toutes les sépultures antérieures à l'agrandissement de l'église vers l'est, soit un total de 153 individus dont l'implantation, principalement au sud et à l'ouest de l'édifice, ne montre aucune organisation par classe d'âge ou par sexe ;

-groupe 2 (fin 11e-fin 15e s.) : il réunit 217 sépultures implantées tant à l'intérieur de l'église, considérée dans son état le plus grand, qu'à l'extérieur. Cette phase est caractérisée par deux phénomènes principaux : 1) la création, fin 12e-début 13e, d'un secteur presque exclusivement réservé aux néo-nataux et aux immatures de moins d'un an, concentrés le long du mur gouttereau nord, dans un petit terrain enclavé entre la collégiale et le coteau ; 2) l'absence quasi totale de tombes féminines dans l'église, dont plusieurs parties font figure d'espaces réservés à des tombes masculines de facture soignée : le narthex, qui accueillit dans le courant du 14e siècle six chanoines identifiés par leurs vêtements liturgiques, la crypte primitive qui reçut vers la fin du Moyen Âge une tombe creusée en son centre à travers le rocher ; la chapelle nord, également fondée sur le rocher et qui abrita le seul coffrage maçonné présentant un fragment d'inscription ;

-groupe 3 (15e-18e s.) : il s'agit des 127 sépultures les plus tardives, observées dans les mêmes espaces que celles du groupe précédent. Cette période vit plusieurs changements : 1) l'admission des femmes et des enfants dans l'église, comme l'attestent la fouille et les registres paroissiaux de l'époque moderne ; 2) l'implantation de tombes dans le chevet, jusque là épargné ; 3) dans le terrain nord, l'augmentation des adolescents et des adultes par rapport aux tout jeunes enfants et le déplacement des tombes dans la partie nord-est, au-delà de la bande de 3 m de large longeant l'église et qui était alors saturée de tombes. Ce nouvel usage implique la création d'un autre «cimetière des Innocents», attesté par les sources écrites mais que la fouille n'a pas mis au jour ;

-groupe 4 : il rassemble douze sépultures d'adultes qui n'ont pu être départagées entre les groupes 2 et 3.

La fouille a également révélé la rotation probable de l'usage funéraire dans le courant du 9e siècle où des fosses domestiques contenant de la vaisselle en céramique et en verre alternent avec le dépôt de sarcophages trapézoïdaux, dans la partie sud du terrain. La qualité du mobilier domestique suggère le maintien sur place de la communauté monastique, qui n'est pas attestée dans les sources entre le 6e siècle et les années 940.

Voir aussi :
- Chinon, la chapelle Sainte-Radegonde
- Chinon, l'évolution du site castral de la fin de l'âge du Fer à la fin du Moyen Âge
- Les cimetières paroissiaux médiévaux et modernes
- Abbayes et couvents d'origine médiévale

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