Dans le cadre d'un essai de classification, il convient de distinguer les cavités naturelles (dont nous ne traiterons pas ici), des cavités artificielles. Parmi les excavations artificielles, nous retiendrons plus particulièrement celles qui ont été aménagées par la suite en souterrains, habitats, chapelles ou églises.
La Touraine est particulièrement bien pourvue en souterrains aménagés. Ce sont des refuges temporaires ayant abrités des vachers, des bergers, ou même des familles complètes. Ils peuvent être isolés de toute forme d'habitat ou au contraire reliés à une ferme ou à un château. Ils comportent généralement une succession de boyaux et de salles aérées par des puits verticaux dissimulés à la surface. Ces salles pouvaient accueillir les êtres humains, mais aussi les animaux comme en témoignent les nombreux anneaux d'attaches. Les équipements liés au confort sont fréquents et indiquent une forme d'habitat temporaire (silos, niches à lampes, bancs, lit d'enfant taillés dans la pierre...). Mais ce sont avant tout les éléments défensifs qui caractérisent ce type de cavités (MAUNY, CORDIER 1967 : 89). Les feuillures échelonnées le long des couloirs et au niveau des entrées de salles évoquent des systèmes de fermeture. Ces différents accès sont généralement surveillés par des trous de visée.
L'absence d'éléments caractéristiques rend la datation de ces souterrains aménagés particulièrement difficile. Certains ont été redécouverts dès le 18e siècle (Candes-Saint-Martin), d'autres sont peut-être antérieurs à l'édification des châteaux qui les recouvrent, comme à Rigny-Ussé (14e siècle), ou « La Motte aux Caves-Fors » de Villaines-les-Rochers, citée dans les texte d'archives du 16e siècle (MAUNY, CORDIER 1967 : 54). Bien que des souterrains aménagés de l'âge du Fer soient attestés dans d'autres régions (massif armoricain), il est vraisemblable qu'en Touraine ils datent pour l'essentiel du Moyen Age ou de l'époque moderne (MAUNY, CORDIER 1967 : 85).
Les grandes vallées (Loire, Cher, Indre et Vienne), et même les plus modestes vallons (vallée de Courtineau) sont percés d'habitations troglodytes. Cet habitat résulte de l'extraction du tuffeau comme pierre à bâtir, pour ses qualités de calcaire tendre, facile à travailler mais résistant à l'écrasement. Les cavités sont ensuite transformées en habitations connues sous le nom de «caves demeurantes » ou « caves habitées » (mentions des registres cadastraux). Le faible coût de cet habitat, dû au fait que l'on retire du matériau au lieu d'en apporter, en a souvent fait l'habitat des plus modestes.
L'unité de base comporte généralement une seule salle, simple boyau creusé perpendiculairement ou parallèlement au coteau. On peut également trouver des pièces en enfilade, le long de la façade rocheuse, de manière à profiter de la lumière du jour dans chaque salle. Les pièces peuvent également se superposer sur plusieurs niveaux. La paroi rocheuse sert de façade si elle a été préservée lors du creusement. Parfois, certaines maisons sont dotées d'une façade construite, venant clore la cavité d'extraction largement ouverte à l'origine. D'autres maisons encore ne sont que partiellement troglodytes lorsque leur toit en appentis abrite une extension adossée à la falaise. Chaque pièce est munie d'une porte, d'une fenêtre et d'une cheminée susceptible d'amorcer une véritable circulation d'air, nécessaire pour lutter contre l'humidité. La meilleure garantie contre cet inconvénient est une exposition plein sud, La paroi rocheuse constitue alors un four solaire naturel tandis que l'inertie thermique préserve la fraîcheur à l'intérieur de la maison.
Malgré des avantages économiques incontestables, l'habitat troglodytique n'est pas sans danger. Le manque de compétences techniques des propriétaires qui souhaitent agrandir leurs maisons, ou des entrepreneurs qui veulent tirer toujours plus de pierre, sont à l'origine d'effondrements mémorables en Touraine. Dès le 18ème s. les autorités éprouvent le besoin de légiférer. Par une ordonnance du 25 décembre 1782, l'intendant de la Généralité de Tours interdit : « à tous propriétaires des côteaux de la Loire dans l'étendue des paroisses de Saint-Georges, Rochecorbon et Vouvray ; comme aussi à tous maçons, entrepreneurs de bâtiments, même à ceux des ouvrages du Roi, de faire aucunes excavations dans le rocher, sans en avoir préalablement obtenu la permission de M. l'Intendant, à peine de 1000 livres d'amende... » (TRIOLET 2001 : 38).
Habitat vernaculaire par excellence, il ne présente souvent aucune caractéristique ornementale. Il est donc difficile à dater, les techniques d'extraction de la pierre et les schémas d'aménagement des cavités n'ayant pas varié entre le Moyen Age et le 19e s.
Les édifices religieux sont plus faciles à dater, lorsqu'ils sont cités dans les textes ou qu'ils comportent une ornementation. C'est au 4e s. que Saint-Martin aurait creusé sa cellule dans le coteau de Marmoutier en face de Tours. De nombreux autres monuments datent sans ambiguïté du 12e (TERRIER-FOURMY 2002 : 46) ou du 15e s. (chapelle Notre Dame de Lorette et habitat seigneurial associé dans la vallée de Courtineau, RANJARD 1930 (réédition 1994) : 599).
Au 19e s., les troglodytes se multiplient pour répondre aux grands chantiers de construction. Au début du siècle, on estime qu'il existait en Touraine 15 000 caves demeurantes. En 1834, on recensait à Saint-Christophe-sur-le-Nais 355 maisons ou boutiques et 74 caves habitées (DEBAL-MORCHE et al. 2003 : 19). Les troglodytes ont commencé à déserter leurs maisons au début du 20e s., à une époque où il était plus valorisant et plus sécurisant de posséder une habitation construite. On assiste aujourd'hui à un renouveau de l'habitat troglodyte, comme en témoignent les prix à l'achat qui ont tendance à s'aligner sur celui du bâti, ce qui était loin d'être le cas il y vingt ans (NAGELS, HUGHES 2006 : 115). Aujourd'hui le parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine créé en 1996 est le plus riche en patrimoine troglodytique (BERTHOLON, HUET 2005 : 67). Il s'associe à des actions de réhabilitation, comme la mise en valeur du coteau Sainte-Radegonde à Chinon (SCHEFFER 2014).
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