La métallurgie est une activité qui nécessite plusieurs opérations techniques. L'extraction du minerai est la première phase de la chaîne opératoire. En Touraine, trois grandes zones recèlent des minerais riches en fer : au nord, la Gâtine tourangelle, au sud les gâtines de Preuilly et de Montrésor et à l'ouest, le Chinonais (JACQUET-CAVALLI 2003 : 298) ; le minerai, affleurant, est d'une exploitation facile.
Les ferriers, amas de scories, sont de bons indices d'exploitation. Ces déchets issus de la réduction du minerai en fer, peuvent atteindre plusieurs mètres de diamètre. Le processus de transformation du minerai en fer se fait jusqu'à la fin de la période médiévale par procédé de réduction directe. Il s'agit de la transformation du minerai de fer en fer métal dans un bas-fourneau ; les oxydes de fer contenus dans le minerai sont réduits par le monoxyde de carbone produit par le charbon de bois (LEROY 1997 : 279), la température du four dépasse rarement 1150°C ; les déchets produits par cette réduction contiennent encore du minerai de fer. A l'issue de celle-ci une masse appelée «éponge» est retirée du fourneau. L'épuration de l'éponge appartient à la phase de post-réduction. Il s'agit, par un travail de forgeage, d'éliminer toutes les impuretés de l'éponge pour la transformer en matériau forgeable et commercialisable (barre lingot).
Jusqu'à l'époque moderne seul le procédé direct était employé ; l'utilisation de la force motrice hydraulique pour les soufflets et les haut-fourneaux travaillant à des températures plus élevées révolutionnèrent la sidérurgie. Avec ce procédé indirect de transformation, la production de fer augmenta considérablement.
La métallurgie du fer est attestée en Touraine durant toute la période concernée.
Les indices d'exploitation de la sidérurgie ancienne sont souvent reconnus grâce à la présence de ferriers. La prospection pédestre a permis d'en repérer un grand nombre dans le département, essentiellement dans la région de Preuilly-sur-Claise, dans le Chinonais et en Gâtine Tourangelle. Mais seuls quelques sites sidérurgiques ont fait l'objet de fouilles.
Actuellement, 237 sites et indices de sites sont enregistrés dans la base de données de la Carte Archéologique pour le seul département de l'Indre-et-Loire (carte 1). Après exclusion des sites n'ayant livré que quelques scories non identifiées, 125 sites ont été décomptés (carte 2).
La prospection pédestre a permis de recenser 93 ferriers dont près de 70 % ne sont pas datés. Les autres se répartissent entre les périodes romaine, médiévale et moderne ; les datations restent peu fiables puisqu'elles sont définies par la présence de céramique sur place ou à proximité (carte 3).
En Touraine, deux sites fouillés ont livré des fours de réduction de minerai de fer, à Nouans-les-Fontaines « L'Idée » (CORDIER 1974a : 25-29), daté, sans argument, de La Tène par Cordier et à Souvigné «Les Pièces de l'Imbertière », daté du Moyen-Âge (RANGER, MARSOLLIER, JESSET 2005 : 5-10).
De forts indices d'activités de transformation du minerai en fer en métal ont été perçus lors de fouilles ou de diagnostics : à Chanceaux-sur-Choisille « ZAC de la Grande Pièce » (CREUSILLET, FOURNIER 2004 : 60-80), à Varennes « Le Bois de l'Hérault » (CHIMIER, MARSOLLIER, CHAMBON 1999), à Cinq-Mars-la-Pile « La Prieuresse » (RANGER, COUVIN, MARSOLLIER 2000 : 5-6), à Nouzilly « La Patouille, La Poupardière » (SALE 2006 : 10-12) et à Cravant-les-Côteaux « La Taille aux Pères-site 12 » (COUDERC 1985 : 106-108 ).
La présence de nombreux ferriers montre une activité métallurgique importante, bien que la documentation issue des fouilles reste peu abondante. Toutefois, les rares sites fouillés apportent quelques éléments sur l'organisation de l'activité métallurgique en Touraine.
Le site de Chanceaux-sur-Choisille, occupé au Second Âge du Fer, rassemble les activités d'extraction, de réduction, bien qu'aucun four n'y ait été mis en évidence, et de post-réduction. Une spécialisation de certains établissements ruraux gaulois regroupant toutes les étapes de la chaîne opératoire de la métallurgie en amont de la production d'objet finis est donc envisageable (FOURNIER, MILCENT 2007 : 99). Les nombreuses enceintes, repérées par J.-M. Couderc et qualifiées de « camps de mineurs et de métallurgistes gaulois » (COUDERC 1984 : 735-787), pourraient représenter le même phénomène mais aucune d'entre elles n'a été fouillée et n'est réellement datée. Le statut de ces établissements ruraux à vocation artisanale demeure inconnu. Cependant, la présence, au sein de trois sépultures privilégiées, d'éléments liés à la métallurgie (bille d'hématite et fragment de paroi de four à Esvres-sur-Indre (RIQUIER 2004 : 104), pinces à feu à Fléré-la-Rivière (FERDIERE, VILLARD 1993)) peut être interprétée comme la marque d'un statut particulier en lien avec le travail du fer et/ou sa commercialisation.
Pour l'Antiquité, aucun four de réduction n'a été fouillé. Cependant deux sites, celui de Varennes et celui de Cravant-les-Coteaux peuvent être assimilé à des ateliers de réduction du minerai. Il s'agit probablement de petites unités locales de transformation du minerai. Le site de Cravant semble lié à un habitat éphémère.
Les vestiges, trop ténus, ne permettent pas de caractériser l'organisation des unités de transformation du minerai de fer à l'époque romaine. Aucune exploitation de grande envergure n'est encore connue en territoire turon.
Le site de Souvigné, occupé au Moyen-Âge, a livré deux fours de réduction du minerai de fer, liés à une occupation domestique. Cette seule occurrence ne permet pas de comprendre l'organisation de la métallurgie du fer au Moyen-Âge.
La métallurgie moderne utilisant le haut fourneau est représentée essentiellement par deux sites qui produisaient leur fonte avec le minerai local (JACQUET-CAVALLI 2003 : 295) : les forges de Château-la-Vallière s'approvisionnaient dans les communes voisines tout comme celles dites de Preuilly-sur-Claise (commune de Bossay). La production annuelle des haut-fourneaux de Château-la-Vallière était de 150 tonnes, celle de Preuilly de 65 tonnes, ce qui en faisait un site relativement modeste.
La Touraine présente des ressources en minerai de fer largement exploitées depuis la Protohistoire jusqu'à l'époque moderne. Les données de prospection pédestre corroborent la présence d'une activité sidérurgique soutenue, de l'extraction à la transformation du minerai en fer. L'absence de fouille ne permet pas de caractériser les différentes techniques mises en œuvre lors de cette transformation, ni d'évaluer l'importance de cette production à différentes époques.
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