Historique des recherches archéologiques


Alain Ferdière

avec la collaboration de J.-C. Marquet et C. Louboutin pour la Préhistoire

Sur l'historiographie de la Touraine pèsent des images symboliques prégnantes, qui forcément la contraignent et l'orientent : le site quasi mythique du Grand-Pressigny pour la Préhistoire, les saints personnages de Martin et Grégoire pour l'Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, les châteaux de la Loire et les résidences des rois de France pour la Renaissance... (voir CHALMEL 1828 ; CARRÉ 1878/84 ; RANJARD 1930 ; LEVEEL 1956 ; CROUBOIS 1982).

L'archéologie, cependant, réussit dans une certaine mesure à s'extraire de ces pesanteurs, en s'inscrivant dans une évolution qui est globalement celle de l'archéologie française métropolitaine.

Les premières études voient donc le jour au 18e s., avec notamment celle de la pile de Cinq-Mars par F. de La Sauvagère (1770 : 158-180 ; cf. aussi 1772). Mais l'éclosion de l'archéologie se situe réellement, comme ailleurs, avec l'apparition des sociétés savantes et l'engouement des «antiquaires» au milieu du 19e s. : la Société Archéologique de Touraine est créée en 1840 et publie des Mémoires depuis 1842, et des Bulletins annuels depuis 1868 : depuis son origine, on peut retenir les noms de l'abbé J.-J. Bourassé, L. Bousrez, Mgr C. Chevalier, E. Mabille, L. Palustre, H. Auvray, P. Audin, P. Leveel... La tenue à Tours de deux Congrès Archéologiques de France, dirigés par Arcisse de Caumont, en 1847 et 1858, renforce cette dynamique.

Un demi-siècle plus tard, au début du 20e s., apparaît la Société des Amis du Vieux Chinon, qui publie également un bulletin.

Pour la Préhistoire, les recherches s'organisent, notamment autour de ce pôle majeur pour le Néolithique qu'est Le Grand-Pressigny, au niveau international. Les mégalithes, mentionnés dès le début du 19e s., font l'objet d'une synthèse de Louis Bousrez en 1894. La découverte des ateliers de taille du silex de la région du Grand-Pressigny est due à A. de Chasteigner et au docteur A. Léveillé (à partir de 1860) : elle eut des retentissements jusqu'à l'Académie des Sciences de Paris, pour la reconnaissance du phénomène préhistorique. Au début du 20e s., E. Hue et J. de Saint-Venant reconnaissent la réalité et l'importance de la diffusion des silex pressigniens jusqu'en Suisse.

L. Dubreuil-Chambardel publie la première synthèse (1923) sur l'ensemble de la Préhistoire tourangelle. Au Grand-Pressigny, une ébauche de musée est installée dans une salle de la mairie en 1911 et J.-M. Rougé en est nommé conservateur en 1922. L'association des Amis du Musée est créée en 1935. Le musée est transferré dans le logis Renaissance du château en 1955 (dir. G. Cordier). Une première rénovation est effectuée en 1991 (dir. J.-C. Marquet ; cf. MARQUET 1999), une autre en 2009 (dir. : C. Louboutin). Dans ces études pressigniennes récentes, il faut encore citer le nom de N. Mallet, pour la diffusion des silex pressigniens ; elles sont maintenant organisées autour d'un Programme Collectif de Recherches.

Comme ailleurs aussi, la première moitié du 20e s. est en fait peu active, mais, paradoxalement, la reconstruction après la Deuxième Guerre Mondiale, à Tours, insuffle un nouvel élan à l'archéologie. Et c'est alors aussi que débutent, dès les années 1940, les recherches de Gérard Cordier qui, pendant plus d'un demi-siècle, marqueront les travaux sur le Néolithique et la Protohistoire de la Touraine (cf. entre autres : CORDIER 1963 et 1967), avec par exemple les fouilles du tumulus de Sublaines.

À partir des années 1970, les recherches archéologiques prennent ici, comme partout, un nouvel essor. Les prospections aériennes se développent, avec Jacques Dubois à partir de 1967 - avec quelques centaines de sites dévouverts -, ainsi que Ph. Delauné dans les années 1980. Le Centre de Prospection Archéologique de Touraine (CPAT, A. Kermorvant) assure des investigations géophysiques. Surtout, des programmes de prospection pédestres systématiques sont développés, d'une part de manière extensive par le SRA dans le sud et le nord du département, sur près d'un tiers de sa superficie, dans le cadre de la Carte Archéologique (par P. Alilaire), d'autre part de manière plus intensive par le LAT et l'Université de Tours, depuis 1995 (A. Ferdière), successivement à Preuilly/Bossais-sur-Claise, Rigny-Ussé (document 2 et document 3), Neuvy-le-Roi (POIROT 2008), Tavant/Crouzilles (document 4), Chanceaux-sur-Choisille et Nouzilly/Saint-Laurent-la-Gâtine (POIRIER, MORIN 2013), Panzoult/ Seuilly (document 5), Neuillé-Pont-Pierre (document 6), Esvres-sur-Indre (CHIMIER et al. 2014)...

La Carte Archéologique de la Gaule pour l'Indre-et-Loire paraît (BOUSSARD 1960) reprise plus tard (PROVOST 1988). Dans les années 1970/80, des travaux de terrain se développent, avec Charles Lelong pour le Haut Moyen Âge (Saint-Martin de Tours, Marmoutier) ; ou par exemple Jean-Marie Couderc pour l'archéologie rurale antique (landes de Cravant... : cf. COUDERC et al. 1987).

Dès le début des années 1970, Henri Galinié avait mis en place à Tours même un programme cohérent d'archéologie urbaine, à l'origine du développement de la discipline et de ses méthodes en France, et qui se solde par l'organisation d'un Congrès international d'Archéologie urbaine à Tours en 1980, la publication d'une collection « Recherches sur Tours » (10 volumes parus à ce jour) et la création du Centre National d'Archéologie Urbaine par le Ministère de la Culture en 1984 (voir : GALINIÉ 2007).

Simultanément, avec le Laboratoire Archéologie et Territoires, l'archéologie médiévale connaît un essor notable ici : fouilles de Chinon (LORANS 2006) et de Rigny-Ussé (ZADORA-RIO, GALINIE et al. 1992, 2001), puis Marmoutier à partir de 2006 (É. Lorans).

En effet, on voit là particulièrement le rôle moteur de l'Université (fondée au début des années 1970), avec la création d'une formation d'archéologie à partir de 1989, et simultanément, en recherche, celle du LAT en 1992 (Unité mixte de recherches CNRS-Université de Tours) : il s'agit d'un nouvel élan pour l'archéologie tourangelle, d'abord pour les périodes historiques, mais aussi par exemple en archéozoologie (ostéothèque, M.-P. Horard-Herbin).

Et l'on pourrait aussi mentionner les travaux sur le site d'Amboise, à partir des années 1980, avec successivement A. Högström, A. Peyrard, A. Colin, J.-M. Laruaz (LARUAZ 2014).

À partir de 1991, l'activité archéologique en Touraine, avec son accompagnement en formation et valorisation, a été grandement amplifiée par un financement significatif du Conseil Régional, transitant par l'association ARCHEA, à Tours, Rigny, Le Grand-Pressigny, Chinon, Marmoutier, etc., ainsi par exemple que pour les prospections systématiques au sol.

La Touraine a suivi l'évolution récente de l'archéologie préventive, avec la création à Tours en 1999 d'un Centre archéologique de l'Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP), puis celle, en 2005, d'un Service Départemental d'Archéologie d'Indre-et-Loire auprès du Conseil Général (B. Dufaÿ).

Le département d'Indre-et-Loire est aujourd'hui le deuxième département le plus actif en Région Centre en matière d'archéologie, tant pour les activités de terrain programmées, notamment soutenues par le Conseil Régional du Centre, que pour l'archéologie préventive (Carte 1, carte 2, carte 3, carte 4, carte 5 et document 1).

À ce jour, le département d'Indre-et-Loire est le mieux documenté pour la Carte Archéologique Patriarche de la Sous-Direction de l'Archéologie pour la Région Centre, avec non moins de 8986 entités enregistrées.

Voir aussi :
- Les opérations cantonales de prospection-inventaire du Service régional de l'archéologie du Centre
- Amboise : la ville gauloise et gallo-romaine
- Esvres-sur-Indre, de la Protohistoire récente au début du Moyen Âge
- L'habitat rural à la période romaine
- L'habitat rural au Moyen Age
- Tours, de Caesarodunum à la ville sub-contemporaine
- L'inventaire archéologique et la base de données PATRIARCHE du Ministère de la Culture
- Les grandes opérations d'archéologie préventive : l'exemple de l'autoroute A85, de Saint-Romain-sur-Cher à Druye

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