L'artisanat antique durant le Haut Empire (1er-3e s.)


Jean-Philippe Chimier

De nombreux sites gallo-romains ont livré des indices de production artisanale et permettent d'élaborer une première cartographie des ateliers de production de la cité des Turons (document 1 et carte 1).

Il est difficile de faire la part entre les petites productions proprement artisanales, destinées à la vente, des productions dites domestiques, destinées à l'autoconsommation. Ce dernier type de sites existe, notamment dans le monde rural. Les établissements ruraux fouillés ont livré des pesons de métier à tisser et des scories de fer attestant des forges. Ces témoins ne correspondent sans doute pas à des ateliers importants mais à des productions destinées aux besoins de l'établissement, ou à l'entretien de l'outillage dans le cas des forges (CHIMIER 1999).

Les sites artisanaux proprement dits se répartissent inégalement à travers la cité des Turons. Le monde rural et les agglomérations se distinguent en effet par la nature des ateliers et de leur production. La céramique et la métallurgie du fer sont deux productions pour partie rurales. Les sites de production de terre cuite, essentiellement la poterie, ont été reconnus tant en milieu rural qu'en contexte urbain dans la cité des Turons. Cependant, les productions rurales sont quelquefois anecdotiques, et de façon générale elles sont moins nombreuses et de plus faible ampleur que les productions urbaines. Quant à la chaîne opératoire de la métallurgie du fer, elle est scindée en deux parties. Sa phase primaire, de l'extraction du minerai à la mise en forme de produits semi-finis (barres...), en passant par la réduction et l'affinage, semble exclusivement être mise en oeuvre au sein de sites ruraux. La seconde phase de réalisation des objets (forgeage) peut être réalisée au sein de différents contextes, mais la place des agglomérations semble être la plus importante.

Ainsi, ce sont les agglomérations qui occupent la place principale dans la production romaine au sein de la cité des Turons : dix sites sont concernés par les activités artisanales. Il s'agit des agglomérations secondaires d'Amboise, Barrou, Chanceaux-sur-Choisille, Chinon, Civray-Francueil, Crouzilles-« Mougon », Luynes, Nouâtre et Thésée-Pouillé auxquelles il faut ajouter le chef-lieu de cité, Tours, qui présentent des productions variées (document 1). Si les productions artisanales sont fréquemment attestées au sein des agglomérations secondaires, leur importance économique est très variable. Certains sites, comme Barrou, ne présentent que quelques vestiges et les productions qui s'y rattachent semblent être de faible importance. En ce qui concerne les productions de céramique, certaines productions semblent réduites, alors que d'autres (Amboise, Crouzilles-«Mougon » et Thésée-Pouillé) semblent s'adresser à un marché élargi.

Trois centres de production particuliers et le cas de la ville de Tours

Thésée-Pouillé.

Une vingtaine de fours ont été repérés sur le site, dont une quinzaine ont été fouillés. Les productions de céramique, datées du 2e s. de notre ère, sont diversifiées et la fabrication de terres cuites architecturales et de pesons est probable. Les céramiques sont destinées à un marché régional qui semble correspondre à un axe de diffusion le long des vallées du Cher et de la Loire, surtout vers l'aval (TROMBETTA 1982 ; LATREMOLIERE 1999 ; CADALEN-LESIEUR 2005).

Crouzilles "Mougon".

Les ateliers sont regroupés à l'est de l'agglomération, hors de la zone d'habitat. Au moins 25 fours sont reconnus. Les productions sont variées : céramique commune, amphores, mais aussi statuettes et terres cuites architecturales. Les ateliers semblent avoir fonctionné du milieu du 1er à la fin du 2e siècle de notre ère. L'aire de diffusion de ces productions dépasse le marché local et s'étend au moins à la cité et sans doute jusqu'à celle des Cénomans et des Pictons (SCHWEITZ el al. 1986 ; FERDIERE 1999).

Amboise, l'exemple d'une agglomération aux productions diversifiées.

Les fouilles récentes effectuées sur l'oppidum attestent une activité de production importante et diversifiée. Deux zones distinctes ont livré des vestiges artisanaux. La première, à l'ouest du site, concerne des productions métallurgiques (fer et bronze), céramiques, tabletterie et textiles et fonctionne durant le 1er siècle de notre ère (HERVE 1999 ; CHIMIER 2002). La seconde zone se situe plus à l'est. Elle concerne une production de céramique, datée du milieu du 1er au 2e s. de notre ère (CHAMPAGNE, COUVIN 1996 ; TUFFREAU-LIBRE 2005). En outre, un atelier textile a été reconnu en rive de Loire (FERDIERE 1984).

La production d'objets manufacturés à Tours

L'artisanat du bronze, du verre, de la tabletterie, du tissage et peut-être de la céramique est attesté à Tours durant le Haut-Empire (CHIMIER, DUBANT 2002). A l'exception de la première, ces activités ne sont connues que par des déchets de production.

Les productions de bronze ont été reconnues lors de plusieurs fouilles proches les unes des autres : il pourrait s'agir d'un seul et même site, peut-être lié au chantier de construction du centre monumental de la ville, dont les thermes. L'atelier a été mis en évidence par la présence de vestiges de fours, de déchets de production et de fragments de moules (CHIMIER, DUBANT 2007).

Ainsi, les productions de la capitale de la cité des Turons apparaissent limitées. L'atelier de bronzier, qui constitue le seul élément bien attesté, n'était sans doute pas destiné à la production de biens de consommation.

Les réseaux de diffusion.

On peut opposer un réseau artisanal « de proximité », dont les produits sont destinés à une consommation locale, à un réseau de productions ouvertes à un marché plus étendu. Le premier réseau, « de proximité », est attesté à Tours, ainsi que dans les agglomérations secondaires. On y rattache les productions du monde rural, même si une partie d'entre elles relèvent de l'autoconsommation. Les sites de production du second réseau sont localisés au sein des agglomérations secondaires, plus particulièrement de trois sites qui jouent un rôle important dans l'économie de la cité.

Ces agglomérations aux fonctions économiques développées, qui composent le second réseau, ne constituent pas pour autant un groupe homogène. Alors que Thésée et Mougon sont spécialisées dans la production céramique, Amboise présente un artisanat diversifié.

On notera l'absence de sites tels que les grandes officines de production de sigillée qui s'inscrivent dans un troisième type de réseau, caractérisé par un marché encore plus large, interrégional.

Voir aussi :
- Les agglomérations secondaires gallo-romaines
- Les grandes villae gallo-romaines
- Les ateliers de verrerie de l'époque gallo-romaine aux Temps modernes
- La production de poterie de l'époque gallo-romaine à l'époque contemporaine
- La métallurgie du fer de la Protohistoire à la période Moderne

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