La ville d'Amboise, située à la confluence de la Loire et de l'Amasse, a été occupée de manière continue depuis la Protohistoire. Une quarantaine de fouilles archéologiques ont livré depuis 50 ans des indices d'occupations humaines témoignant d'une longue fréquentation de cette partie du Val de Loire (document 1 et document 2). Les occupations gauloises et gallo-romaines ont fait l'objet d'une thèse, soutenue en 2009 (LARUAZ 2009b).
L'agglomération gauloise et gallo-romaine occupait le plateau des Châtelliers, qui affecte la forme d'un éperon triangulaire de 50 ha, naturellement protégé sur ses flancs par un coteau abrupt (carte 1 et carte 2). Les objets les plus anciens qui y ont été découverts signalent la présence de populations dès le Paléolithique (DUBREUIL-CHAMBARDEL 1923) et une installation sédentaire s'y implante dès le Néolithique (CORDIER 1995) (carte 3).
Des vestiges nous indiquent une occupation à l'âge du Bronze (BERGER 2008). Il s'agit principalement de tessons de céramique redéposés dans des niveaux plus tardifs et d'un dépôt d'objets daté de la fin de l'âge du Bronze contenant des armes, des parures et des pièces de char (CORDIER 2002, MILCENT 2014a). La présence d'un gué en contrebas du plateau, où plusieurs objets entiers ont été découverts, nous permet de souligner l'importance certaine de ce secteur à la période du Bronze final (13e s.- 9e s. av. n.è.). C'est peut-être de cette période que date un premier rempart de barrage en terre qui ceint une surface de 8 ha, presque intégralement occupée par le château médiéval (LARUAZ 2009b : 88), mais il n'est pas exclu que sa construction remonte au Néolithique (LOUBOUTIN 2011).
Un tertre de 60 m de diamètre, nommé Butte de César, trône sur la partie sommitale du plateau. Il possède les mêmes caractéristiques morphologiques et géographiques que les tumulus princiers de l'Orléanais, qui datent du 5e s. av. n.è. (LARUAZ 2009b : 91 ; MILCENT, MOULHERAT 1999). Du mobilier de cette période ayant été mis au jour sur le plateau des Châtelliers, il est tentant de penser que la Butte de César pourrait être une structure funéraire de cette période.
Ce n'est qu'à la fin de l'âge du Fer que le site prend toute son ampleur (carte 4). Amboise possède en effet toutes les caractéristiques d'un oppidum (LARUAZ 2014a). Sa superficie (50 ha), son rempart de terre (document 3) et la densité des vestiges se rapportant à cette période lui confèrent un statut particulier, peut-être même celui de chef-lieu (LARUAZ 2009b). En effet, bien que la ville de Tours (Caesarodunum) soit réputée être la capitale des Turons, les plus anciens vestiges gallo-romains sont postérieurs au début de notre ère. Des vestiges relatifs à la période de la Tène C2-D1 (180-80 av. n.è.) ont bien été mis au jour lors des fouilles de l'hôpital Clocheville, mais ils sont situés à l'écart de l'emprise de la ville antique (DE FILIPPO 2007). Il subsiste donc un hiatus de près d'un siècle au cours duquel Amboise a connu un essor important, commencé au moins à La Tène D2a (80-50 av. n.è.), et amplifié jusqu'au début de notre ère. Nous pouvons dès lors envisager un transfert de la capitale à Tours au moment des grandes réformes de la Gaule, sous le règne de l'empereur Auguste (27 av. n.è. / 14). Un transfert sur une distance comparable (25 km) est attesté dans la cité des Eduens, de l'oppidum de Bibracte à Autun / Augustodunum .
Aux premiers siècles de notre ère, le plateau des Châtelliers est l'une des agglomérations gallo-romaines les plus dynamiques de la cité des Turons comme en témoignent la monumentalisation et le développement du sanctuaire, qui a fait l'objet d'une fouille programmée entre 2005 et 2008 (LARUAZ et al. 2008). Il se compose d'au moins deux fana et peut-être d'un bassin (document 4). Les plus anciens indices mis au jour dans le temple principal remontent à La Tène D2b (50-25 av. n.è.) et au début du règne de l'empereur Auguste. Néanmoins des indices ponctuels, localisés non loin de ce sanctuaire permettent d'envisager, à titre d'hypothèse de travail, la présence d'un lieu de culte dès la création de l'oppidum. Il s'agit notamment d'une fosse contenant près de 3500 tessons d'amphores, qui pourrait attester une consommation collective de vin, comme on en connait des exemples sur des sanctuaires contemporains (CHANTEUX 2006). Les activités artisanales mises en évidence à l'occasion des multiples fouilles de sauvetage réalisées durant ces 30 dernières années, notamment par A. Peyrard, témoignent également de la vitalité de cette agglomération antique (PEYRARD, DEBAL 1985). Il s'agit d'ateliers de potiers et de tisserands, et de vestiges témoignant de la pratique de la tabletterie. La métallurgie parait également avoir tenu un rôle considérable (carte 6).
Au-delà du 2e s., les indices d'une occupation du plateau se font rares. On possède cependant de précieuses informations pour la fin du 4e s. grâce au témoignage de Sulpice Sévère. Dans un texte rédigé entre 397 et 404, celui-ci relate la destruction par saint Martin « dans le vicus d'Amboise, c'est-à-dire dans l'ancien castellum » (donc sur le plateau des Châtelliers) d'un sanctuaire païen, bâti en grand appareil, qui se dressait comme une masse en forme de tour, aux blocs soigneusement parés (Sulpice Sévère, Gallus, Dialogues sur les vertus de saint Martin, 3, 8, 4).
La permanence de cette occupation est suffisamment rare pour être soulignée, les oppida, en effet, étant le plus souvent abandonnés au profit de villes conçues sur le modèle romain (dans la plaine, sans rempart), telles que Tours/Caesarodunum.
Source :
Sulpice Sévère, Gallus : Dialogues sur les vertus de saint Martin, édition et traduction Jacques Fontaine, Sources chrétiennes n°510, Lyon 2006
Voir aussi :